2. Déterminants de l'offre des produits
agricoles
Koffi-Tessio (1997) dans son étude sur l'estimation
économétrique de l'offre de coton et de café au Togo
souligne que le débat sur les incitations de l'offre agricole est
partagé entre deux courants de pensée : les
défenseurs des facteurs-prix (Pricistes) les
défenseurs des facteurs autres que le prix
(Structuralistes).
Les "Pricistes" pensent que l'accroissement des prix au
producteur et la dévaluation constituent des mesures incitatives
à l'offre. Lipton (1987, cité par Koffi-Tessio, op.cit)
est l'un des "Pricistes" qui pensent que cette politique est une solution
à la crise agraire en Afrique. Il affirme par ailleurs que :
« Les petits agriculteurs réagissent de manière
significative aux prix (même aux taux de change) fixés par
l'État. Ainsi, des prix au producteur plus élevés
augmenteraient le Produit National Brut (PNB) de chaque pays en
développement et pour tous les pays...» (P.326).
Samlaba (1992) affirme que des prix agricoles très bas
ne permettent pas une incitation et une motivation des agriculteurs à
produire davantage. Selon cet auteur, les producteurs réagissent
plutôt à une augmentation des prix. De plus, une étude de
la FAO fait remarquer qu'en 1983, lorsque le gouvernement ougandais a
doublé les prix des denrées alimentaires, l'on a observé
un accroissement de 400 % de la production des denrées
(Kintché, op.cit.).
Koffi-Tessio (1997) souligne par ailleurs que de
manière générale, « les
élasticités de l'offre des produits agricoles par rapport
à leur prix relatif sont significatives» ; , il
précise que réponse de l'offre par rapport au prix est
faible en utilisant les données chronologiques que les données en
coupe transversales. Ce fait a été démontré par
Peterson (1979, cité par Kintché, 2005) qui en utilisant des
données chronologiques a montré que la réponse de l'offre
agricole par rapport au prix est faible. Koffi- Tessio (citant Peterson, 1979)
affirme que cette différence de réponse s'explique par le fait
que l'utilisation des données en coupe instantanée
présente des limites puisqu'elles ne permettent pas de prendre en compte
les facteurs d'offre spécifiques à chaque pays et que les
élasticités obtenues reflètent l'effet de
différents facteurs et non uniquement des prix.
D'une manière générale, Koffi-Tessio
(1997) pense que « l'élasticité-prix de l'offre
agricole agrégée» est faible et ne permet pas de
soutenir la thèse selon laquelle les prix élevés
entraînent une réaction positive de l'offre agricole. Aussi,
certaines études montrent que les élasticités-prix de la
fonction de réaction de l'offre globale sont généralement
faibles, variant entre 0,2 et 0,4 (Beynon, 1989). D'autres études
indiquent que les élasticités de l'offre globale aux incitations
prix varient entre 0,3 et 0,9 et sont plus faibles que les
élasticités des autres variables incorporées dans le
modèle (Bruce, 1980 ; Bond, 1983 ; Cleaver, 1985 ;
Biswanger et al, 1987 ; Chibber, 1988 ; Shapiro 4et Berg, 1988 ;
Rao, 1989 ; Pravin, 1992 ; cité par Koffi-Tessio,
op.cit.).
Une revue des travaux réalisés dans les pays
africains au sud du Sahara met en doute l'efficacité des politiques des
prix et des réformes de commercialisation de la production agricole
(Smith, 1989). La raison fondamentale est que les mécanismes de prix
fonctionnent efficacement lorsque d'une part, toutes les ressources et les
biens sont échangés à travers des marchés bien
intégrés et concurrentiels, et d'autre part lorsque les pays
africains concernés ont la capacité administrative et
organisationnelle d'intervention efficiente. Dans tels cas les reformes de prix
de l'offre entraînent un accroissement des prix aux producteurs et
éliminent les subventions aux prix alimentaires (Koffi-Tessio,
op.cit).
Les « structuralistes » pensent quant
à eux que la faible réaction de l'offre est due principalement
aux retards technologiques et structurels.
D'après Koffi-Tessio (1997), cette école de
pensée a été résumée par Delgado et Mellor
(1987) de la manière suivante : « ... La croissance
de la production dépendra de l'innovation technologique qui
réduit les coûts unitaires de production. Il convient donc de
mettre en place des systèmes de distribution des intrants, des
infrastructures rurales et systèmes de vulgarisation et de recherche
efficace. Sans cela, les variations de prix produiraient un effet limité
et faible sur l'offre»' (pp.667-668).
Selon certains auteurs, en l'absence des variables
structurelles les incitations par les prix auront des résultats
limités (Delgado et Mellor, 1987 ; Beynon, 1988 ; Bonjean,
1990).
Au moins huit contraintes ont été
identifiées comme étant responsables de la faible performance de
la production agricole : imperfection des marchés, rareté
des biens de consommation, faiblesse du capital humain, difficultés
d'accès à la terre, limitation de la main d'oeuvre et de
capitaux, niveau technologique archaïque et infrastructures rurales
inappropriées. Ces variables sont considérées par les
structuralistes comme plus significatives que les variables prix pour la
relance de la production agricole (Koffi-Tessio, op.cit).
Parmi les économistes structuralistes, Delgado et
Mellor (1987) ont démontré que les investissements dans les
infrastructures rurales accroissent directement la production agricole, en
réduisant les coûts moyens de production tout comme en
améliorant l'efficacité des marchés et la réaction
aux incitations par les prix. Des études au Burkina Faso ont
montré que des changements technologiques dans le secteur cotonnier ont
entraîné une amélioration du profit du producteur ; de
plus, la supériorité de l'effet positif de l'irrigation par
rapport à celui du prix sur l'offre du blé a été
démontrée au Punjab (Ranate, Gha et Delgado, 1988, cité
par Koffi-Tessio, 1997).
Selon Ogbu et Gbetibouo (1990) ; Savadogo et al
(1995) ; peu d'études économétriques ont
incorporé à la fois les facteurs-prix et les facteurs non-prix
dans les fonctions de réaction de l'offre agricole dans les pays
africains au sud du Sahara. Mais aujourd'hui, Lele et al (1989),
Erickson (1993) pensent qu'il faut se rendre compte des facteurs non prix dans
la détermination de l'offre agricole.
En incorporant une variable permettant de prendre en compte
différents niveaux technologiques, dans l'étude de Peterson
(1979), les élasticités obtenues sont réduites de 1,66
à 1,17. Chibber (1989) introduit une variable d'irrigation aux
mêmes données et réduit l'élasticité à
0,9 alors que Biswanger (1987, cité par koffi-Tessio, 1997) arrive
à une élasticité négative en introduisant
différentes variables structurelles.
Aussi, l'influence des variables agro climatiques sur l'offre
agricole n'est plus a démontrée. Selon une étude de la FAO
(1995, cité par Kintché, 2005), l'estimation des
paramètres de l'offre peut être biaisée et conduire
à de fausses interprétations, lorsque la variable climat est
négligée. Thompson (1969, cité par Abbey, 2002) a
tenté de déterminer l'effet de la pluviométrie et de la
température durant les périodes de semis, de croissance et de
récolte sur le rendement du blé aux USA. Les résultats de
l'analyse de régression multiple révèlent que ces facteurs
expliquent entre 80 et 90 % des moyennes annuelles des états.
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