2.4.2.3 Accès à la
terre : source de conflit
Dans le Mbam et Inoubou, l'accès à la terre est
au centre d'un choc frontal entre communautés ethniques crispées
sur leur identité. Chaque communauté tente de se définir
comme la population originelle, ayant des droits sur le sol, face à des
« allogènes », utilisateurs illégitimes de la
terre s'ils n'ont pas fait acte d'allégeance et s'ils ne paient pas le
prix de leur occupation. Chaque groupe ethnique essaie de se constituer un
patrimoine foncier réservé, une sorte de domaine micro-national
inaccessible aux citoyens camerounais qui ne peuvent prouver leur filiation
à la communauté. La région de
Makénéné est révélatrice des positions
conflictuelles entre les « légalistes », partisans
d'une ouverture du domaine national à ceux qui ont la capacité de
mise en valeur, et les « micro-nationalistes »,
attachés au principe intangible de souveraineté des natifs.
L'administration locale affiche une grande prudence dans le traitement de ces
conflits, d'autant plus qu'elle risque de se trouver en situation de
confrontation avec des dignitaires issus de ces communautés (Teyssier,
2003).
2.4.2.4 Peuple n'utilisant pas la
propriété individuelle du sol
Cependant, les coutumes que nous signalons plus haut font
figure d`exceptions dans l'ensemble du territoire. Il semble que la majeure
partie des peuples n'ait pas utilisée la notion de
propriété du sol. Cela va de soi pour les populations
conquérantes, toujours en marche vers de nouveaux territoires. On
connaît les modes de conquête des peuples Fang, auxquels se
rattachent les Bulu d`Ebolowa ; dans ces tribus, aucune organisation
supérieure au clan patriarcal ne s'est formée. Les invasions des
Fang se sont donc produites sous la forme d'une marée d'individus, ou
de familles, submergeant la zone forestière du Gabon et du Sud-Cameroun.
La vitesse de ces migrations a été considérable puisque,
en moins de 50ans, les anciens se souviennent des déplacements qui
dépassent 400km. Dans ces conditions, on comprend que la notion de
propriété de la terre n'ait pas pu naître. Dans la
tradition, la terre est à qui la prend ; elle n'a aucune valeur. On ne
la vend pas, on ne la donne pas en garantie d'une dette, elle n'entre pas dans
l'héritage. L'étranger ne paie pas pour s'établir dans le
village, ou à proximité d'un village, sur un terrain qu'il
débroussaille lui-même. Ce n'est pas seulement la notion de
propriété individuelle du sol qui fait défaut, mais aussi
celle de propriété collective : i1 n'y a jamais de conflits entre
les villages pour la propriété du sol. On voit souvent un village
étranger venir s'intercaler entre deux groupes appartenant à un
même village Bulu. Les populations dites Yaoundé sont
stabilisées depuis longtemps. Avec la stabilisation, est née la
notion d'un droit d'usage collectif sur la terre (Binet, 1951).
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