2.4.2 Gestion foncière
dans la partie Sud du pays
Tout comme dans la partie septentrionale du pays, les
questions foncières occupent une place de choix dans les
communautés du Sud-Cameroun. C'est la raison pour laquelle les conflits
fonciers et les litiges intertribaux y sont fréquents.
2.4.2.1 Question
foncière : un domaine sensible chez les Bamiléké
Au Sud du Cameroun, l'importance que les autochtones attachent
aux questions foncières se matérialise par le fait qu'ils
marquent les frontières de leur chefferie et les terres sont
classées dans diverses catégories, selon leur affectation et le
droit qui les régit. Chez les Bamiléké, par exemple les
coutumes sont très complexes parce qu'elles sont liées à
une hiérarchie politique, sociale et religieuse, également
complexe. Les diverses populations, dites Bamiléké,
obéissent à un chef, sous les ordres de qui se trouvent des
sous- chefs et des chefs de quartiers. Chacun de ces groupements, chefferies,
sous-chefs et chefs de quartiers, possède un domaine. L'extrême
importance des questions foncières sur le plateau
Bamiléké s'aperçoit du premier coup d'oeil : les limites
des chefferies sont jalonnées par des pierres dressées,
émergeant d'environ un mètre au-dessus du sol. Chaque pierre est
entourée par de gros pieux de ficus vert qui pousseront. Cette
frontière, sera ainsi visible de très loin, et nul ne pourra
prétendre l'avoir franchie par mégarde. Dans la région du
Col de Bana, les chefferies sont délimitées par des
tranchées, dont quelques-unes atteignent des proportions incroyables,
tant en développement qu'en largeur et en profondeur. Le même
système de délimitation par des tranchées était
utilisé, dans la Subdivision de Foumbot, par des populations qui ont
été assujetties par les Bamoun (Binet, 1951).
2.4.2.2 Exemple d'une gestion
foncière locale réussie
Le Mbam est une région prise en étau entre deux
dynamiques de colonisation agricole, animées au Nord par la descente de
groupes Bamiléké et au Sud, par le déploiement de
communautés Eton. Dans le département du Mbam et Kim, les fronts
pionniers se développent sans déclencher de réactions de
la part des « autochtones », en raison du rôle de
médiation joué par l'Eglise. Depuis une vingtaine
d'années, les demandeurs de nouvelles terres s'adressent
systématiquement aux chefs locaux qui organisent une opération
double de relevé de parcelle et de rédaction d'acte de vente.
Cette pratique foncière, réalisée à partir d'une
reconnaissance de l'appropriation par une communauté « initiale
» est édifiante des capacités des acteurs à
produire des règles et des documents admis par tous et d'un bon rapport
coût/qualité de reconnaissance. Le caractère consensuel de
ces systèmes fonciers locaux permet de croire en une intégration
nationale réussie, comme en témoigne la
généralisation du français et du pidgin. Cette
identité nationale en formation ne se retrouve pas partout (Teyssier,
2003).
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