Modes d'accès à l'espace habité et insécurité foncière dans les quartiers Gambara II, Burkina et Jérusalem de la ville de Ngaoundéré ( Cameroun).( Télécharger le fichier original )par Simon Pierre PETNGA NYAMEN Université de Ngaoundéré Cameroun - Master 2 option : géographie et pratique du développement durable 2010 |
2.4.1.2 Exercice du pouvoir dans la gestion foncièreLe pouvoir des chefferies s'applique avec de grandes nuances, dues à l'importance historique de la chefferie, à la personnalité du laamido16(*) et à ses liaisons avec le pouvoir central. Ainsi, s'observe toute une palette de situations qui vont d'un certain laxisme à des systèmes autocratiques. La puissance de la chefferie se détermine également selon l'action de l'administration territoriale, compétente pour l'intronisation ou la destitution des chefs coutumiers. Certains laamibe respectent l'autorité préfectorale et craignent d'être démis de leurs fonctions en cas d'abus dans l'exercice du pouvoir ce qui reste exceptionnel. D'autres, plus influents et en relation directe avec la plus haute hiérarchie de l'Etat, poussent la caricature jusqu'à considérer le sous-préfet comme « leur secrétaire ». Des chefferies comme celle de Rey-Bouba tendent à s'extraire de l'espace national et se comportent comme de véritables Etats dans l'Etat, en revendiquant des frontières hors du territoire camerounais, en réinventant des réglementations selon les intérêts du moment et en disposant de leurs propres milices, « douanes », prisons, etc. Le corps préfectoral n'y assure plus qu'une représentation minimale. La région de la Bénoué, de faible densité humaine, est administrée par de puissantes chefferies au fonctionnement totalitaire, le chef régnant sur ses sujets pratiquement sans intermédiaire. En revanche, les chefferies de l'Extrême-Nord, gérant des territoires moins importants mais plus densément peuplés, exercent leur pouvoir de manière subsidiaire. Des lawan et des jawro17(*) représentent le chef et décident en son nom à l'échelle du village. Les capacités de la chefferie à réguler les jeux fonciers, dépendent de cette gamme de modalités d'application des pouvoirs coutumiers. L'un des traits communs aux pouvoirs coutumiers repose sur l'absence de règles écrites. Le pouvoir s'exerce de manière arbitraire et versatile, sans référence à des textes, en tenant seulement compte des rapports de force entre les communautés vivant dans la chefferie ou en fonction des intérêts immédiats du chef. A la différence des agents de l'administration, les chefferies, en place depuis plus d'un siècle, s'inscrivent dans la durée, connaissent précisément l'histoire, les hommes et l'espace de leurs territoires et disposent de ressources financières autonomes. A l'échelon local, elles restent certainement la forme de pouvoir la plus respectée par les populations du Nord-Cameroun. Tous se tournent plus facilement vers la chefferie lors d'acquisition de parcelles, de mutations foncières et surtout, de règlements de litiges. Aujourd'hui, les grandes chefferies de la Bénoué sont libres d'exercer une justice foncière et une taxation sur la terre suivant des critères et des barèmes qu'elles seules déterminent et font varier en fonction de l'identité de leurs « sujets ». La chefferie se présente aux yeux des habitants du Nord-Cameroun, comme une « institution par défaut », la seule susceptible de gérer les territoires et d'arbitrer les conflits. L'opportunité d'enrichissement et l'accaparement des pouvoirs au profit d'un individu et de ses proches semblent relativement acceptés par une société qui préfère « l'arbitraire négociable » de la coutume à l'absence de normes et de règles. Cette gestion du foncier par la coutume ne va pas sans heurt, bien au contraire. Les anciennes zones de peuplement et les espaces d'immigration rurale sont d'ailleurs l'objet de rudes compétitions pour l'accès à la terre (Seignobos et Teyssier, 1997). * 16 Chef traditionnel peul (Pluriel : laamibe) * 17 Chef de quartier en langue fulfulde |
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