2.4
SYSTEMES FONCIERS AU NORD ET AU SUD DU CAMEROUN
Les systèmes fonciers camerounais diffèrent
selon qu'on se trouve au Nord ou au Sud du pays et selon l'influence du chef
local. Dans la partie septentrionale du pays, les chefferies traditionnelles
ont gardée en grande partie leur pouvoir de gestion de la ressource
foncière ce qui n'est pas toujours le cas dans les autres
régions. L'espace camerounais se caractérise dès lors par
de forts clivages entre plusieurs pôles, dont un Nord
sahélo-soudanien et un Sud forestier. Les valeurs unitaires ne
résistent pas au repli sur l'ethnie, tandis que la construction
administrative d'un territoire national ne parvient pas selon Courade et
Sindjoum (1996) à « faire disparaître flous et marges de
l'adhésion à un projet national qui n'est rien d'autre que la
pérennité d'un Etat post-colonial ayant peur de la dislocation
». Il est question pour nous dans cette partie de présenter
les systèmes fonciers au Nord et au Sud du Cameroun.
2.4.1 Systèmes fonciers au
Nord-Cameroun
« La persistance des chefferies au Nord-Cameroun
ne saurait être perçue comme la survie exceptionnelle d'une forme
archaïque de pouvoir que la modernité d'un Etat-nation n'aurait su
faire disparaître de cette partie enclavée du territoire national.
Cette féodalité contemporaine n'est pas un accident de l'histoire
; elle est l'expression d'un consensus politique nécessaire au maintien
de l'Etat. A l'heure des réflexions sur de nouvelles modalités de
la gestion foncière, elle doit donc être considérée
comme un paramètre durable. » Telle est la pensée
de Teyssier et al. (2003) sur la conservation par les chefs
traditionnels du septentrion, dans le fonctionnement du système foncier
de leur territoire.
2.4.1.1 Pouvoir de la
chefferie
La reconnaissance du pouvoir coutumier comme gérant du
foncier figure parmi les prérogatives accordées aux chefferies du
Nord, en contrepartie d'une alliance avec le gouvernement sur
l'échiquier politique national. La gestion foncière
représente la principale source de revenus pour la chefferie : l'octroi
de droits d'usage sur le sol et l'arbitrage de conflits qui perdurent, sont
soumis à diverses taxations. Les migrants installés dans les
grands Lamidat musulmans de la Bénoué vivent des situations de
grande précarité foncière et sont soumis à la
versatilité de normes édictées par le chef en fonction des
intérêts de sa clientèle. Les chefferies les plus
puissantes ont toute latitude vis-à-vis des règles
constitutionnelles tant que le pouvoir central utilise leurs réseaux
pour assurer ses fonctions sous forme d'une ``indirect rule'' non
avouée selon les propos de Seignobos et Teyssier (1997). Elles sont
théoriquement considérées comme des « auxiliaires
d'administration », intronisées et
évaluées par l'administration territoriale. Dans la pratique, les
chefferies se renforcent au fur et à mesure du désengagement de
l'Etat et récupèrent les fonctions d'arbitrage, de
réglementation et de répression, parfois dans
l'intérêt public, souvent à leur profit.
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