4.3 L'essor extraordinaire du téléphone
mobile dans le pays
d'origine
Depuis l'année 2000, le parc de
téléphonie mobile connaît une croissance spectaculaire.
L'évolution très rapide du téléphone mobile au sein
de la société sénégalaise dépasse les
prévisions les plus optimistes. Sa position hégémonique
s'affirme également davantage chaque jour auprès du grand public.
En moins d'une décennie, il a fait un bond fulgurant, passant de 240.000
abonnés en 2000 à 1.121.314 abonnés en 2004, 1.730.106
abonnés en 2005, 2.982.623 abonnés en 2006, 3.630.804 en 2007 et
à 5.389.133 abonnés en 2008. Le nombre de lignes mobiles a
largement supplanté le nombre de lignes fixes. En 2003, il
représentait près de 3,5 fois le nombre de lignes fixes et
près de 10,5 fois en 2006.
De nombreux utilisateurs ont été attirés
et séduits par sa facilité d'utilisation, son rôle
primordial dans le maintien et le renforcement des relations sociales ainsi que
les multiples services qu'il rend de façon pratique au quotidien. La
concurrence très vive entre les deux opérateurs Sonatel Mobiles
et Sentel, consécutive à la libéralisation du secteur, a
contribué de façon notable au dynamisme du marché. Les
efforts considérables déployés au niveau des
infrastructures et des équipements ont permis l'extension et la
densification des réseaux à travers les principales villes et
axes routiers du pays. Annie Chéneau-Loquay observe par ailleurs que si
la téléphonie mobile connaît un succès aussi
spectaculaire dans un pays comme le Sénégal, c'est dû au
fait que « sa configuration spécifique christallérienne,
permet au réseau cellulaire des accès dans des zones
périphériques aux lieux centraux dépourvues de toute autre
infrastructure moderne » (Annie Chéneau-Loquay, 2001). L'ampleur
considérable de la téléphonie mobile auprès de
l'ensemble du corps social s'explique aussi par une série d'innovations
extrêmement diversifiées mises en oeuvre par les
opérateurs. En effet, afin de favoriser la pénétration du
mobile auprès des personnes à faibles revenus en particulier, les
opérateurs multiplient les
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initiatives et les promotions commerciales, surtout lors des
fêtes religieuses telles que la Tabaski, la Korité, le Gamou, le
Magal, etc. La majorité de la population ayant des revenus faibles
préfère consacrer de petites sommes aux dépenses
téléphoniques. Aussi, les trois opérateurs en concurrence
(Sonatel Mobiles, Sentel et Sudatel) profitent souvent de ces
évènements religieux pour organiser des campagnes de baisses de
prix tous azimuts. Les possibilités d'acquisition de cartes de recharge
ou de crédits à bas prix et les options de partage de
crédit, notamment Izi de Sentel et Seddo de Sonatel Mobiles, ont ainsi
permis aux populations à faibles revenus d'accéder et de
s'habituer au téléphone qui est devenu le moyen de communication
le plus utilisé au Sénégal.
En outre, le développement du téléphone
mobile a joué un rôle considérable dans la diminution du
chômage des jeunes. Beaucoup de jeunes garçons et filles,
auparavant sans emplois, ont jeté leur dévolu sur ce
créneau pour devenir non seulement des vendeurs de
téléphones portables neufs ou d'occasion, mais aussi des vendeurs
de cartes de crédit ou de crédit en détail à
travers les grandes artères de la capitale sénégalaise.
Les activités autour du téléphone portable
s'étendent également aux métiers de réparation ou
de bricolage et de décodage, exercés dans les rues et les places
de marché de la capitale sénégalaise, en particulier le
marché Sandaga, le marché du port, la « salle de vente
», Colobane, etc. Pour Annie Chéneau-Loquay (2009), on est dans des
territoires africains au sein desquels les populations, confrontées
à des difficultés de toutes sortes, tentent quotidiennement de
mettre en place et de développer « des économies du
détail et de l'occasion », à travers des ruses, des
bricolages, des subterfuges. Néanmoins aussi, il ne faut pas
également oublier l'envers du décor, c'est-à-dire tous ces
individus douteux qui gravitent autour de cette économie
parallèle, l'antre des recels ou plutôt du manque de
traçabilité (selon Moïse Kaboré), ces espaces de la
prolifération des produits de bas de gamme en provenance de la Chine ou
de contrefaçon en provenance du Nigéria, mais surtout les
nombreuses nuisances causées à l'environnement.
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Graphique 8. Evolution du parc total des abonnés
du mobile au Sénégal
![](Dynamique-des-reseaux-et-des-systemes-de-communication-des-migrants-senegalais-en-France12.png)
Source : ARTP
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