1.2.1.2 Un rôle prépondérant du
religieux dans la migration
Les mourides transportent avec eux leur confrérie dans
presque toutes les villes du monde où ils se sont installés.
Sophie Bava (2003) remarque que « par-delà leurs migrations, les
disciples inscrivent le mouridisme dans une tension transnationale entre le
Sénégal, le continent africain, l'Europe, et à
présent les grandes villes américaines et asiatiques ». Le
mouridisme s'est déployé en France grâce surtout aux
commerçants et aux étudiants, à travers notamment la
création des dahiras. Pour vivre leur mouridisme dans le contexte de la
migration, les disciples de la confrérie mouride fondent des dahiras
dans les principales villes d'implantation. Non seulement, les dahiras vont
jouer un rôle essentiel dans la réorganisation des migrants, mais
également elles vont beaucoup contribuer au rayonnement du mouridisme
dans l'espace français. Les disciples mourides se rendent
régulièrement dans les dahiras pour se retrouver et communier
ensemble, nourrir et renforcer leur foi à travers les khassaïdes et
les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba. Le dynamisme des dahiras a largement
contribué à la visibilité des Mourides dans le paysage
religieux français. Les cotisations régulières des membres
servent d'une part à assurer le fonctionnement des dahiras, à
subvenir souvent à un besoin ponctuel de l'un des membres, à
acquérir une maison « keur Serigne Touba »62 si les
moyens le permettent, et d'autre part à participer à la
construction et au développement de la ville sainte de Touba. Ces
maisons « keur Serigne Touba » ont non seulement pour vocation
d'être des lieux de culte, mais aussi des lieux où l'on pourra
transmettre aux enfants nés ou ayant grandi en France les valeurs
traditionnelles de leur culture d'origine.
En dehors des regroupements hebdomadaires, il arrive souvent
aussi que les dahiras organisent l'accueil de certains dignitaires de la
confrérie. Ainsi, comme le décrit Sophie Bava
(2003)63, les accueils organisés, par exemple, par le dahira
des Mourides de
62 Les mourides ont implanté des « keur
Serigne Touba » dans presque toutes les grandes villes occidentales,
Paris, Marseille, Milan, New york...
63 BAVA, Sophie. Les Cheikhs Mourides
itinérants et l'espace de la ziyara à Marseille.
Anthropologie et Sociétés, 2003, vol 27 n°1.
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Marseille lors des nombreuses visites que Serigne Mourtada
Mbacké64 effectuait dans la cité phocéenne,
étaient des moments de rassemblement de tous les Mourides
disséminés en France et dans les pays occidentaux. Ils affluaient
en effet de partout. Ils quittaient les différentes villes de la France,
certains provenaient des pays européens (Italie, Espagne, Allemagne,
Belgique, Pays-Bas, Angleterre, etc.) et d'autres venaient même des
Etats-Unis pour converger vers la ville de Marseille. Ces rassemblements
étaient à la fois des moments de ferveur religieuse, mais aussi
des moments propices aux échanges, aux discussions et pour certains des
opportunités permettant d'établir des relations d'affaires.
Sophie Bava (2008) estime que « de par leur mobilité, les
commerçants mourides sont devenus des figures familières sur les
marchés et les places marchandes ; de New York à Naples en
passant par Istanbul et Marseille, ils entretiennent ainsi des réseaux
de relations multiples à travers leur filière marchande.
Cependant, leur mobilité ne les éloigne pas de leur pays
où, comme la majorité des trans-migrants, ils investissent dans
des commerces, dans l'immobilier ou dans l'agriculture, faisant ainsi circuler
des devises ».
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