2-2 : Quelques recherches théoriques
2-2-1. Notions de demande d'éducation
Dans l'univers des biens et des services divisibles on peut se
contenter de dire que l'offreur propose un bien et que la demande
légitime la proposition en achetant le bien. Mais on peut imaginer aussi
que les demandeurs expriment leurs désirs en explicitant les
utilités qu'ils recherchent et que les offreurs traduisent ensuite cette
demande latente en biens concrets ; c'est ce qui se passe pour certaines
productions sur commande. La demande d'éducation, est l'intention
exprimée ou non par une frange de la population d'entreprendre ou de
poursuivre des études. Elle est matérialisée par la
population scolarisable et résulte d'un ensemble de décisions
déterminées par plusieurs facteurs. En revanche, l'offre
éducative est un ensemble de dispositions mises en place permettant de
satisfaire la demande exprimée. Elle est principalement l'oeuvre de
l'Etat et ses partenaires (Tchoudja, 2007). Par ailleurs, l'éducation
est souvent considérée comme un atout indispensable pour amorcer
le délicat problème du
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Les déterminants individuels et familiaux de la non
scolarisation des enfants de 6-11 ans au Bénin
développement durable des pays de l'Afrique
subsaharienne. Il est opportun qu'on puisse porter une analyse sur ce concept
qui depuis des lustres fait l'objet de tant d'études tout en restant
dans le cadre de notre étude.
2-2-1-1. La demande d'éducation selon l'approche
du capital humain
L'approche économique contemporaine de
l'éducation s'est développée à partir de la fin des
années 1950 avec les travaux de Schultz (1963), Becker (1964) et Mincer
(1958, 1974) qui ont fondé la théorie du capital humain. Selon
cette théorie, les compétences acquises dans le système
d'enseignement (école, collège, lycée, université,
etc.) augmentent la productivité des individus et, partant, accroissent
les revenus qu'ils tirent de leur travail. En d'autres termes, elles
constituent une forme de capital dont la particularité est d'être
« incorporée » dans les personnes qui la détiennent,
d'où son nom de capital humain. L'éducation est alors
représentée comme un investissement en capital humain : les
individus décident de la durée et du contenu de leurs
études en fonction de leurs coûts ainsi que des
bénéfices. La théorie économique de la demande
d'éducation, repose sur l'idée que les individus
déterminent leur parcours scolaire et universitaire de façon
rationnelle, en fonction du rendement de l'investissement en capital humain
qu'il représente (Becker, 1964) . Ce rendement est la différence
entre les bénéfices de l'éducation, qui incluent notamment
des revenus du travail plus élevés reflétant la
productivité accrue des travailleurs les mieux formés, et les
coûts de l'éducation, qui sont de deux ordres. Il existe, d'une
part, des coûts « directs », frais de scolarité et
autres dépenses nécessaires à la poursuite des
études, et, d'autre part, des coûts « d'opportunité
», à savoir les revenus qu'il aurait été possible de
percevoir en travaillant plutôt qu'en étudiant.
La théorie du capital humain postule donc , que
l'éducation est l'un des moyens par lequel un pays peut améliorer
significativement la productivité de sa main-d?oeuvre et augmenter de
manière durable son potentiel économique. Dans une étude
sur les USA, Denison (1985) trouve que l'augmentation du niveau
d'éducation du travailleur moyen entre 1929 et 1982 explique près
du quart de la croissance du revenu par tête sur la période. Les
succès économiques des pays asiatiques comme le Japon,
Taïwan, illustrent bien l'importance du capital humain dans la croissance.
Ces pays qui importent presque toutes leurs ressources
énergétiques et font face à l'adversité des pays
occidentaux, ont réalisé de forts taux de croissance en
s'appuyant sur l'éducation et la formation (Becker, 1993). Cet impact
positif de l'éducation sur la croissance économique et le
développement est le fondement des politiques économiques
consistant à encourager l'éducation des enfants.
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scolarisation des enfants de 6-11 ans au Bénin
Les programmes d'ajustement structurel (PAS) de 1980-2000 ont
eu des effets néfastes sur les conditions de vie des ménages en
Afrique au sud du Sahara, accentuant ainsi les arbitrages entre consommation de
base et investissement en capital humain. Ces arbitrages se sont souvent faits
au détriment des investissements en capital humain, l'objectif des
ménages étant d'augmenter et de stabiliser la consommation
alimentaire car l'insécurité alimentaire constitue jusqu'ici un
problème crucial en Afrique au sud du Sahara (Savadogo, 2005). Dans les
économies pauvres, les ménages font donc face à des choix
sévères entre scolariser l'enfant et le faire travailler afin de
se procurer un revenu pour subvenir aux besoins immédiats et essentiels
du ménage (Patrinos et Psacharopoulos, 1995). Selon Grootaert et Kanbur
(1995), dans un environnement économique où la survie
dépend du travail dans le secteur informel, beaucoup de ménages
concluront que faire travailler leurs enfants en les soustrayant du
système formel d'éducation est la plus pertinente des solutions
dans la lutte pour la survie et l'éducation peut offrir les meilleures
perspectives pour le futur. Il s'agit en fait pour les ménages de faire
un arbitrage entre leur consommation présente (faire travailler
l'enfant) et la consommation future (le laisser dans le système
éducatif formel pour développer ses capacités). Ils
devront donc opérer des arbitrages sévères entre ces deux
décisions.
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