Il est de bonne pratique de faire auditer les rapports
sociétaux par les « Big four » pour
crédibiliser et fiabiliser les informations relatives à la
performance sociétale aux yeux du lecteur. Par la même, les
groupes n'hésitent pas à présenter les modalités de
collecte de l'information et de consolidation de celle-ci : nous entrons
dans une approche de Total Quality Information. C'est dans
cette approche que nous vous proposons l'analyse suivante.
v Sur la question de la collecte de
l'information
Concernant la méthode de remontée des
informations, les groupes se partagent en deux catégories :
-ceux pour lesquels les informations sont saisies sur les
sites eux-mêmes et centralisées directement au niveau du groupe
(Danone par exemple) ;
-ceux qui ont créé un niveau
intermédiaire de validation, qu'il soit zone (pays) ou filiale
(Carrefour.etc)
Néanmoins, il existe une constante à ces
différentes pratiques : le processus de reporting donne lieu
à des échanges d'informations entre les responsables au niveau du
groupe et les responsables du reporting dans les filiales ou Business Unit.
v Sur la question de la
consolidation
Il se pose aussi la question du périmètre de
couverture des données sociales. Faut-il prendre en compte toutes les
filiales ? Uniquement les filiales intégrées au
périmètre de consolidation financière ? La pratique
la plus courante est de centraliser les données sociales des filiales
entrant dans le périmètre de la consolidation financière
en intégration globale (plus de 50% du capital). En effet, la
responsabilité sociale n'a du sens que sur un périmètre
où les groupes ont une responsabilité effective de gestion.
Nous pensons qu'il y a un réel paradoxe
à vouloir rendre compte de pratiques sociales renvoyant à des
cultures et des législations très différentes d'un pays ou
d'une zone à l'autre. La difficulté à faire du
reporting social à l'échelle mondial est à souligner. Il
ne suffit pas d'agréger des indicateurs pour homogénéiser
des pratiques socio-environnementales qui ne disposent pas des mêmes
significations d'un pays à un autre. Ainsi, par exemple, l'arrêt
de travail en cas d'accident du travail ne répond pas aux mêmes
règles en Amérique latine, en Europe et sur le continent
asiatique. Les données s`insèrent dans un contexte social
particulier, à tel point que nous pensons que l'agrégation de
données à l'échelle d'un groupe n'est pas forcément
représentative de la performance sociétale du groupe.
v Sur la question de la qualité de
l'information
Par ailleurs, bien qu'il existe un audit de l'information
sociétale, s'il les indicateurs en soi ne sont pas pertinents il est
difficile de mesure une qualité de l'information. Tous les rapports
annuels de notre échantillon comprennent une attestation des
commissaires aux comptes sur les indicateurs et/ou données
environnementales et sociales fournies dans les rapports comme le
présente l'exemple suivant.
« A la suite de la demande qui nous a
été faite, et en notre qualité de Commissaire aux Comptes
du groupe Air France-KLM, nous avons effectué un examen visant à
nous permettre d'exprimer :
-une assurance de niveau raisonnable sur l'indicateur relatif aux
émissions de CO2 des opérations aériennes du groupe Air
France-KLM de l'année civile 2007 et signalé par le signe v .
-une
assurance de niveau modérée sur les indicateurs environnementaux
et sociaux sélectionnés par le groupe Air France-KLM (les
données) relatifs à l'exercice 2007 et signalés par le
signe v v. » (rapport de commissariat aux comptes air france,
2007,P55).
Cependant, il semble difficile de mesurer une qualité
de l'information sociétale lorsque qu'il n'existe ni principes ni
exigences des utilisateurs, autrement dit lorsqu'il n'existe pas une
comptabilité sociétale. En matière d'informations
sociétales il existe simplement des cadres référentiels de
diffusion de l'information sociétale. Une autre question sous jacente
est alors : mesurer la qualité par rapport à qui et à
quoi ? Certes la loi NRE fixe des obligations de publier certaines
informations12(*) mais
elle ne précise ni la manière dont cela doit être fait, ni
le périmètre de son application ce qui lui est d'ailleurs souvent
reproché.
Nous avons aussi remarqué que de nombreuses
entreprises allaient au delà de la simple obligation de divulguer des
informations sociétales en se dotant d'un comité sur la
responsabilité sociale de l'entreprise ou d'un comité
d'éthique interne à l'organisation. C'est ainsi le cas
de Air France, Sanofi Aventis, Renault, Lafarge....
Enfin, la mesure même des impacts sociaux de
l'activité des groupes est difficile à quantifier, à
cerner. A l'opposé des états financiers où l'analyse
quantitative domine, les rapports sociétaux sont plus dans le
littérature et moins dans la culture duc chiffre. Les dimensions
sociétales de la performance des groupes sont plus de l'ordre du
qualitatif et donc plus difficiles à mesurer. Peut-on, par exemple
mesurer « le bien être » des salariés au sein
de l'entreprise ? Sur quels critères les entreprises se
basent-elles pour parvenir à ces conclusions que nous avons souvent pu
lire dans les rapports sociétaux mais sans preuve légitimement
fondée? L'audit offre certes un gage de fiabilité et une
qualité de l'information mais ne suffit pas à faire des
informations sociétales des informations utiles et pertinentes.
L'absence d'une comptabilité sociétale est sans doute la
problématique de fonds à souligner.
v Communication ou reddition ?
L'ensemble des groupes faisant partie de notre panel sont des
plus avancés en matière de reporting social, ce qui laisse
à penser que la responsabilité société est le fruit
d'une véritable volonté d'intégrer l'ensemble des parties
prenantes à la vie du groupe. Néanmoins, est-ce une
véritable volonté ou un intérêt ? Nous ne
devons pas confondre diffusion et reddition. Derrière l'information
sociétale se cache des motivations et le rapport sociétal vise
avant tout à communiquer autour de la bonne performance
sociétale des groupes qu'à rendre des comptes aux parties
prenantes. En effet, les nombreux rapports d'indicateurs de performance
sociétale, constituant à eux seuls des rapports d'une
cinquantaine de pages voire plus témoignent de cette volonté
à mettre en avant les bonnes performances sociétales des groupes
dans un environnement législatif de plus en plus contraignant. On
pourrait tout simplement évoquer le concept de politique
comptables même s'il n'existe pas à proprement dit une
comptabilité sociétale.