II.1.2. Qu'est-ce que le droit ?
Dans son ouvrage intitulé Fondements de la
métaphysique des moeurs, Kant définit le droit comme
« le concept de l'ensemble des conditions auxquelles l'arbitre de l'un
peut être accordé avec l'arbitre de l'autre d'après une loi
universelle de la liberté »17. Et cette loi
universelle du droit se formule en ces termes : « Agis
extérieurement de telle sorte que le libre usage de ton arbitre puisse
coexister avec la liberté de chacun... »18.
Le droit19 est donc intrinsèquement
lié à l'habilité à contraindre, la contrainte
constituant un obstacle ou une résistance à la liberté.
Habermas, commentant Kant, souligne que
Le droit a pour fonction de protéger l'arbitre de
l'individu, conformément au principe selon lequel tout ce qui n'est pas
explicitement interdit par les lois générales qui garantissent
les libertés, est permis. Mais, si les droits subjectifs déduits
de ces lois sont supposés être légitimes, leur
généralité doit satisfaire au point de vue moral qui fonde
la justice.20
17 E. Kant, Les fondements de la
métaphysique des moeurs. I. Doctrine du droit, p.479.
18 Ibidem
19 Quant nous parlons du droit, il s'agit du droit au
sens strict (avec habilité à contraindre), car Kant parle aussi
du droit au sens large sous lequel se rangent l'équité et le
droit de nécessité.
20 J. Habermas, op.cit., p. 92.
17
Au sujet des droits subjectifs, Kant déclare que
Tous les droits particuliers de l'homme sont fondés sur
le droit originel unique selon lequel tous disposent de libertés
subjectives égales : la liberté (l'indépendance par
rapport à un autre arbitre contraignant), dans la mesure où elle
peut subsister avec la liberté de tout autre suivant une loi
universelle, est ce droit originaire unique qui appartient à tout homme
en vertu de son humanité.21
Le droit, mieux, une constitution civile parfaitement juste,
constitue la voie obligée pour l'exercice de la liberté humaine,
pour le développement de toutes les dispositions humaines. Autrement,
l'on verse dans une liberté sauvage.
II.1.3. Qu'est-ce que l'Etat de droit ?
L'Etat de droit se conçoit dans la perspective
kantienne comme un état dans lequel le droit est respecté et
administré. Sa constitution est le plus grand problème de
l'humanité. Kant l'a si bien montré en décrivant que
« le plus grand problème pour l'espèce humaine, celui
que la nature contraint l'homme à résoudre, est d'atteindre une
société civile administrant universellement le droit
»22.
D'après Habermas
L'idée de l'état de droit requiert que la
substance violente de l'Etat soit canalisée par le droit
légitime, aussi bien à l'égard de l'extérieur
qu'à l'égard de l'intérieur ; et la légitimation
démocratique du droit doit garantir que le droit reste en accord avec
les principes moraux reconnus23.
L'état de droit ou l'état juridique permet donc
aux individus de sortir de l'état de guerre qui les caractérisait
afin d'entrer dans une constitution civile, laquelle s'érige en garant
du droit entre les individus.
Aussi faut-il réaliser une société dans
laquelle la liberté sous des lois extérieures se trouvera
liée, au plus haut degré possible, à une puissance
irrésistible, c'est-à-dire une
21 E. Kant cité par Habermas, op.cit.,
p.487.
22 E. Kant, Idée d'une histoire universelle
au point de vue cosmopolitique., p.193.
23 J. Habermas, op.cit., pp 114-115.
18
constitution civile parfaitement juste, doit être pour
l'espèce humaine la tâche suprême de la nature. C'est la
détresse qui force l'homme, si épris par ailleurs de
liberté sans frein, à entrer dans cet état de contrainte ;
et, à vrai dire, c'est la plus grande des détresses, à
savoir celle que les hommes `infligent eux-mêmes les unes aux autres,
leurs inclinations ne leur permettant pas de subsister longtemps les uns
à côté des autres à l'état de liberté
sauvage.
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