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Le projet Kantien de paix perpétuelle à  l'ère de la mondialisation

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par Stanislas KIMPEYE MUNDIBI
Institut de philosophie Saint Pierre Canisius Kinshasa  - Bachelier en philosophie 2003
  

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II.3.2. Le rapport entre Etats

L'existence de plusieurs Etats se place à l'actif de l'étude du rapport entre les Etats.

Autrement dit, la nature du rapport que les Etats entretiennent entre eux nécessite à être éclairée dans la quête de la paix perpétuelle.

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Il y a certes la guerre qui prévaut entre les Etats, considérés comme vivants encore dans l'état de nature. Or, la guerre, selon le mot d'un Grec, est un mal, en ce qu'elle fait plus de méchant qu'elle n'en emporte. »48

Aussi Kant note-t-il que « quant à la guerre même, elle n'a besoin d'aucun motif particulier ; elle semble entrée dans la nature humaine, passant même pour un acte de noblesse, auquel doit porter l'amour seul de la gloire, sans aucun ressort d'intérêt. »49

Ceci pousse à souligner en outre le fait que la guerre entre les Etats ne peut en aucune manière être une guerre punitive, car, poursuit Kant,

Une guerre punitive contre des ennemis injustes demeure une idée inconséquente, tant que nous ne prenons en compte que des Etats dont la souveraineté est illimitée. En effet, ceux-ci ne pourraient, sans diminuer leur souveraineté, reconnaître une instance judiciaire qui trancherait impartialement des infractions aux règles dans les relations entre les Etats. Seules la victoire et la défaite décident de quel côté est le bon droit 50.

Préconisant la suppression de la guerre dans le rapport inter-étatique, le deuxième article définitif pour la paix perpétuelle déclare qu' « il faut que le droit public soit fondé sur une fédération d'états libres ». Car, remarque Kant,

Tant que ce dernier pas(à savoir l'association des Etats) n'est pas franchi(...), tant que des Etats consacreront toutes leurs forces à leurs visées expansionnistes vaines et violentes, tant qu'ils entraveront ainsi constamment le lent effort de formation interne du mode de pensée de leurs citoyens, (...) on ne peut s'attendre à aucun résultat de ce genre (à savoir qu'il n'y aura pas de paix perpétuelle) . Pour y arriver, il faut un long travail intérieur de chaque communauté en vue de former ses citoyens51.

Face à cette difficile paix perpétuelle qu'il s'agit d'établir entre les Etats, il convient d'opter pour le modèle de la Charte des Nations unies. Cette dernière interdit les guerres d'agression et, en cas de menace ou de rupture de paix, ou encore en cas d'agression, autorise le conseil de Sécurité à prendre les mesures appropriées, qui peuvent être des actions militaires. Autrement dit,

48 Ibidem, p. 358.

49 Ibidem, p.358.

50 J. Habermas, La paix perpétuelle, p. 13.

51 E. Kant, H.U., p.199.

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Le rapport externe des relations internationales entre Etats qui constituent de simples environnements les uns pour les autres, relations qui sont régulées par des contrats, est alors modifié par un rapport cette fois fondé sur un règlement ou sur une constitution. 52

En outre, Kant souligne que

Si l'on concentre son attention uniquement sur la constitution civile et ses lois d'une part, et d'autre part sur les relations internationales, (...) on découvrira, je crois, un fil conducteur qui ne sera pas seulement utile à l'explication du jeu confus des affaires humaines, ou à la prophétie politique des transformations futures, (...) mais qui ouvrira (...) une perspective consolante sur l'avenir, où l'espèce humaine est représentée dans une ère très lointaine comme travaillant cependant à s'élever enfin à un état où tous les germes que la nature a placés en elle pourront être complètement accomplie53.

Nonobstant ces germes que la nature place dans l'espèce humaine pour son complet épanouissement, Kant affirme que « la nature a placé à côté de chaque peuple, un autre peuple voisin, qui le presse et l'oblige à e constituer en Etat, pour formes une puissance capable de s'opposer à ses entreprises. »54

Cette citation nous aide à mieux comprendre l'indépendance des Etats que l'auteur du Projet de paix perpétuelle ne cesse de fustiger.

Abordant le problème du droit après la guerre, Kant stipule que

Le droit qui fait suite à la guerre, c'est-à-dire au moment du traité de paix, et compte tenu des séquelles de la guerre, consiste pour le vainqueur à poser les conditions auxquelles il peut s'entendre avec le vaincu et négocier des traités en vue de parvenir à la conclusion de paix, et ce non pas au non d'un quelconque droit dont il se réclamerait et qui lui reviendrait en raison de la prétendue lésion qui lui aurait faite son adversaire, mais en s'autorisant de sa force tout en laissant cette question en suspens.55

Aussi Kant constate-t-il que

Il ne conviendrait pas mal à un peuple, de célébrer, après une guerre, à la suite des actions de grâce pour la paix, un jeûne solennel, pour demander pardon à Dieu du crime que l'Etat vient de commettre et que le genre humain se permet encore toujours, de refuser de vivre avec les autres peuples dans un ordre légal, auquel, jaloux d'une orgueilleuse indépendance, il préfère le moyen

52 J. Habermas, op.cit., pp. 52-53.

53 E. Kant, H.U., p. 204.

54 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, p.359.

55 E. Kant, M.M, Doctrine du droit, p.621.

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barbare de la guerre, sans qu'elle lui procure ce qu'il veut, la jouissance assurée de ses droits. Les actions de grâces qui se rendent durant la guerre, les hymnes qu'on chante, en vrais juifs, au Seigneur des armées, ne contrastent pas moins avec l'idée morale du père des hommes ; elles annoncent une coupable indifférence pour les principes que les peuples devraient suivre dans la défense de leurs droits et expriment une joie infernale d'avoir tué bien des hommes, ou anéanti leur bonheur 56.

Avant de clore ce point, analysons les maximes57 des sophistes que suivent tacitement les moralistes politiques et à quoi se réduit à peu près tout leur savoir-faire. Ces maximes sont les suivants :

i) Fac et excusa. Saisis l'occasion favorable de t'emparer d'un droit sur ton propre
Etat, ou sur un Etat voisin. Il vaut mieux commettre l'acte de violence et l'excuser ensuite que de réfléchir péniblement à des raisons convaincantes et de perdre du temps à écouter les objections.

ii) Si fecisti, nega. Nie tout ce que tu as commis. Si tu par exemple porté ton peuple
au désespoir et ainsi à la révolte, n'avoue pas que ce soit ta faute. Mets tout sur le compte de l'obstination des sujets. A-tu pris possession d'un Etat voisin, soutiens qu'il faut s'en prendre à la nature de l'homme, qui, d'il n'est pas prévenu, s'emparera certainement du bien d'autrui.

Personne, il est vrai, n'est plus le dupe de ces maximes, trop universellement connues pour en imposer encore.

iii) Divide et impera. Divise-les entre eux, tâche de les brouiller avec le peuple.
Favorise le dernier et promets lui plus de liberté ; ta volonté aura bientôt force de la loi absolue.

Ces maximes sont des justificatifs du comportement belliqueux que l'on observe dans le chef de ceux qui sont toujours prêts à saisir une occasion pour faire la guerre. Cependant, nous constatons à la suite de Kant que

56 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, p.350.

57 Ibidem, p. 370.

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Tous ces détours où s'engage une politique immorale pour conduire les hommes de l'état de guerre, qui est celui de la nature, à une situation pacifique, prouvent du moins : que, ni dans leurs relations personnelles, ni dans leurs rapports publics, les hommes se sauraient e refuser à l'idée du droit ; qu'ils ne hasardent pas de fonder la politique sur de simples artifices de prudence, ni par conséquent de se soustraire à l'idée d'un droit universel ; qu'ils lui témoignent au contraire tous les égard possibles, surtout dans le droit public, lors même qu'ils imaginent des prétextes et de palliatifs à l'infini, pour y échapper dans la pratique, et qu'au fond ils attribuent par une grossière erreur l'origine et le maintien du droit à la force aidée par la ruse 58.

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