2 - Biozonation des Foraminifères
planctoniques
Un échantillonage serré dans l'intervalle des
dépôts du Cénomanien supérieur à Turonien
inférieur nous a permis d'affiner la biostratigraphie selon le
modèle appliqué pour la biostratigraphie à haute
résolution. Pour les Zones, nous avons adopté la biozonation
72
proposée par Caron (1985). Concernant la subdivision en
sous-zones, nous avons adopté le modèle proposé par Keller
et al., (2001) pour la zone à Rotalipora cushmani du
Cénomanien supérieure et Keller et Pardo (2004) pour la zone
à Whiteinella archaeocretacea du passage Cénomanien
Turonien.
N'ayant travaillé dans le détail que la partie
supérieure de la zone à R. cushmani nous avons reconnu
la sous-zone à Dicarinella algeriana.
a) Zone à Rotalipora cushmani.
Elle est définie par l'extension totale de
l'espèce index Rotalipora cushmani (TRZ : Total Range Zone).
Comme l'ont adopté d'autres auteurs (Sigal, 1977, Salaj, 1980 ; Bellier,
1983, Sigal, 1987, Maâmouri et al., 194 ; Premoli Silva et
Sliter, 1995), la Zone à R. cushmani caractérise le
Cénomanien moyen à supérieur. Cette Zone est
définie à l'origine par Bolli (1966). Elle correspond à la
Zone à Rotalipora de Dalbiez (1956) (zones 7a et 7b), la Zone
UC2 et UC3 de Van Hinte (1976). Nous avons reconnu la
Zone à Rotalipora cushmani dans la région de Tajerouine
(CES) et dans la région de Bargou (COK). Dans les deux coupes
l'espèce Rotalipora montsalvensis est présente. Cette
dernière espèce s'éteint bien avant R. cushmani.
La Zone à Rotalipora cushmani a été reconnue dans
le domaine téthysien (Barr, 1972 ; Sigal, 1977 ; EWGPF, 1979.1 ;
Wonders, 1980 ; Bellier, 1983 ; Robaszynski et Caron, 1995 ; Premoli Silva et
Sliter, 1995) et dans le domaine boréale (Sigal, 1987, Georgescu, 1995 ;
2000).
Dans la coupe d'Oued El Kharroub (COK), la Zone à R.
cushmani englobe partiellement la sous-zone à Rotalipora
greenhornensis et la totalité de la sous-zone à
Dicarinella algeriana A propos de la coupe d'Oued Es Smara (CES)
l'échantillonnage n'a concerné que la partie supérieure de
la sous-zone à D. algeriana.
- La sous-zone à Dicarinella hagni
Cette sous-zone est définie dans sa limite
inférieure par l'apparition de l'espèce Dicarinella algeriana
et dans sa limite supérieure par la disparition de Rotalipora
cushmani et toutes les Rotalipores. Dans la coupe COK cette sous-zone est
observée dans sa totalité. L'échantillon
73
COK-8 correspond à l'horizon dans lequel se fait la
première occurrence de l'espèce indicatrice. Cette sous-zone est
épaisse de 23m dans la coupe COK. N'ayant pas observé
l'apparition de Dicarinella algeriana dans la coupe CES, l'ensemble de
cette sous-zone est supposé incomplet. Dans cette sous-zone, s'effectue
la disparition de R. montsalvensis suivie par celle de
Praeglobotruncana delrioensis dans la partie supérieure de
cette sous-zone. Ces deux disparitions sont suivies par l'apparition de
Whiteinella archaeocretacea bien avant la diparition de R.
cushmani. Entre autre, au niveau de cette sous-zone on a noté un
pic dans la courbe d'abondance relative de Guembelitria cenomana (30%)
suivi d'un pic pour Heterohelix moremani (50%). On remarque aussi
l'abondance des Foraminifères benthiques (25%)
représentées par Cassidella, Frondicularia, Gavelinella,
Buliminella, Cibicidoides et Textularia rioensis dans la partie moyenne de
cette sous-zone. Cet intervalle mésure 5m
b) Zone à Whiteinella archaeocretacea
La Zone intervavallaire à Whiteinella
archaeocretacea correspond à l'intervalle compris entre
l'extinction de toutes les Rotalipores et la première occurrence de
Helvetoglobotruncana helvetica. Elle marque le passage
Cénomanien - Turonien comme elle a été adoptée par
plusieurs auteurs (EWGPF, 1979.1 ; Maamouri et al., 1994 ; Robaszynski et
Caron, 1995 ; Premoli Silva et Sliter, 1995 ; Georgescu, 2000). Nous la
considérons équivalente à la partie sommitale de la zone
à Rotalipora turonica et la partie basale de Rotalipora
cretacea - Praeglobotruncana imbricata de Salaj (1980) à
la Zone à Whiteinella aprica de Bellier (1983), à la Zone
à Whiteinella paradubia - W. aprica de Sigal (1987). Nous l'avons
reconnue dans les deux coupes (CES et COK) dans la région de Tajerouine
et dans la région de Bargou. Cette Zone intervallaire a
été reconnue en Tunisie septentrionale (Maamouri et al.,
1994 ; Rami, 1992 ; 1998) en Tunisie centro-septentrionale et en Tunisie
centrale (Robaszynski et al., 1990 ; 1993 ; Ben Haj Ali et al.,
1994 ; Maamouri et al., 1994) et en Tunisie nord-orientale (Rami,
1998). Plusieurs auteurs (Schijfsma, 1955 ; Sigal, 1955 ; Lehman, 1962) ont
remarqué l'épanouissement de nombreuses autres espèces du
même genre définie par Pessagno (1967).
L'espèce Whiteinella archaeocretacea a
été retenue par plusieurs auteurs comme marqueur du passage
Cénomanien - Turonien aussi bien en domaine téthysien (Caron,
1985 ; Maamouri et al., 1994 ; Ben Haj Ali et al., 1994 ;
Robaszynski et
74
Caron, 1995, Premoli Silva et Sliter, 1995) qu'en domaine
boréal (EWGPF, 1979.1 ; Georgescu, 2000).
Nous subdivisons cette Zone en trois sous-zones : la sous-zone
à Globigerinelloides bentonensis, la sous-zone à
Dicarinella hagni et la sous-zone acmé à Heterohelix
moremani.
- La sous-zone à Globigerinelloides
bentonensis
La sous-zone à Gl. bentonensis est
définie par l'intervalle compris entre la disparition de R. cushmani
et la disparition de Gl. bentonensis. Dans la région de
Jerissa comme celle de Bargou cette sous-zone marque le tiers inférieur
de la Zone à W. archaeocretacea. Cette sous-zone s'etend sur 5m
dans la coupe d'Oued Es Smara (région de Jerissa) et seulement sur 3m
à Oued El Kharroub (région de Bargou). La sous-zone à
Globigerinelloides bentonensis est marquée par l'apparition de
Whiteinella praehelvetica suivie par celle de Dicarinella hagni
et par la disparition de Anaticinella multiloculata (uniquement
à CES) chose qu'on n'observe pas au niveau de la coupe COK.
Concernant W. praehelvetica, Keller et al.,
(2001) et Keller et Pardo (2004) indiquent qu'elle disparaît bien
avant la disparition de R. cushmani alors que dans notre
matériel W. praehelvetica n'apparaît que dans la partie
inférieure de la zone à W. archaeocretacea. Cette
sous-zone est dominée par une association diversifiée de
Heterohelix moremani, Guembelitria cenomana, Hedbergella delrioensis,
Dicarinella hagni, Whiteinella aprica et Globigerinelloides ultramicra.
- La sous-zone à Dicarinella hagni
Cette sous-zone est définie par l'intervalle compris
entre la disparition de Gl. bentonensis et le niveau à
abondance des Heterohelix. Au niveau de la coupe CES, Dicarinella
hagni apparaît dans l'échantillon CES-16 avant la disparition
de Gl. Bentonensis qui se fait dans l'échantillon CES-23. Cette
sous-zone s'étens sur 6m dans la coupe CES et sur 9m dans la coupe
COK.
- La sous-zone à Heterohelix moremani
75
La limite inférieure de cette sous-zone est
déterminée par l'abondance ou l'acmé des
Heterohelicidés (Heterohelix shift). Sa limite
supérieure est déterminée par l'apparition de
Helvetoglobotruncana helvetica. L'acmé ou le pic de
fréquence des Hétérohélicidés a
été reconnu dans plusieurs localités du monde : à
Rock Canyon (Western Interior), (Leckie et al., 1998) ; à Oued
Mellègue en Tunisie (Nederbraght et Fiorentino, 1999) ; à
Eastbourne en Angleterre (Keller et al., 2001) ; à Pueblo
(Keller et Pardo, 2004). Cette sous-zone s'étend sur 6,5m dans la coupe
CES et sur 16m dans la coupe COK.
c) Zone à Helvetoglobotruncana helvetica
La Zone à Helvetoglobotruncana helvetica est
définie par l'extension totale du fossile index. Cette zone a
été définie à l'origine sous le nom de
Globotruncana helvetica, par (Sigal, 1955 ; Dalbiez, 1955). Par la
suite, Bolli (1966) a fixé ses limites d'une manière nette. Telle
qu'elle a été considérée ici, la Zone à
Helvetoglobotruncana helvetica indique le Turonien inférieur
à moyen comme l'a adoptée Sigal (1977 ; 1987). Pour Bellier
(1983) et Robaszynski et Caron (1995), cette Zone se termine peu avant la fin
du Turonien moyen. Cependant, auparavant, Schijfsma (1955) a retenu la Zone
à Globotruncana helvetica pour marquer le début du
Coniacien et Postuma (1971) l'a fait correspondre à tout le Turonien.
Nous avons reconnu cette Zone à Helvetoglobotruncana helvetica
dans les deux coupe (CES et COK) respectivement dans la région de
Tajerouine et dans la région de Bargou. Dans cette zone, nous remarquons
que plusieurs autres espèces s'épanouissent notamment ceux du
genre Marginotruncana et particulièrement Marginotruncana
renzi.
Notons que la Zone à Helvetoglobotruncana helvetica est
reconnue mondialement. Dans le domaine téthysien (Schijfsma, 1955 ;
Postuma, 1971 ; Barr, 1972 ; Van Hinte, 1976 ; Sigal, 1977 ; Wonders, 1980 ;
Salaj, 1980 ; Bellier, 1983 ; Sigal, 1987 ; Robaszynski et Caron, 1995 ;
Premoli Silva et Sliter, 1995), en domaine boréal (Van Hinte, 1976 ;
EWGPF, 1979.1 ; Georgescu, 1995 ; 2000), en Amérique (Douglas, 1969 ;
Keller et Pardo, 2004).
Conclusion : les épaisseurs de ces différentes
zones et sous-zones ce sont revélées inégales en passant
d'une région à une autre (Fig.26)
Age
|
Formations
|
Biozones
|
Sous-Zones
|
Radiolaires
|
Épaisseur
|
Échantillons
|
Lithologie
|
Cénomanien moyen Cénomanien
supérieur Turonien inférieur
|
Fahdène Bahloul Kef
|
H.
helvetica
|
Guttacapsa biacuta Alievium superbum
|
57
54
51
48
45
42
39
36
33
30
27
24
21
18
15
12
9
6
3
|
99 98 97 96 95 94 93 92 91 90 89 88 87 86 85 84 83
81 80 79 78 77 76 75 74 73 72
69 68 67 66 65 64 63 62 61 60 59 58 57 56
55
54
52 51 50 49 48 47 46 45 44 43 42
40
39
38
31 30 29 28 27 26
25
22
21
19
18
16
14
12
11
9
4
|
100
|
|
|
|
|
7
|
|
Unité
|
|
|
|
Whiteinella archaeocretacea
|
Gl. Dicarinella hagni Heterohelix moremani
benton
|
|
|
82
nité 6
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
71
70
|
|
|
|
U
|
|
|
|
|
|
|
|
|
53
|
|
|
|
|
|
|
U
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Unité 2 Unité 3
|
37
36
35
34
33
32
|
|
Rotalipora cushmani
|
R.
greenhornensis Dicarinella algeriana
|
|
24
23
|
|
20
|
17
|
15
|
13
10
8
7
6
5
3
|
|
2
1
|
zone à
Sous zone à Dicarinella
algeriana
Sous zone à
Heterohelix moremani
Sous zone à
Globigerinelloides bentonensis
Sous zone à Dicarinella hagni
Age
|
Formation
|
Zone
|
Sous-zone
Épaisseur
Échantillon Lithologie
|
Unité
|
Cen. moy Cénomanien supérieur Tur. inf
|
Fahdène Bahloul Kef
|
Rotalipora cushmani Whiteinella archaeocretacea H.
helvetica
R. montsalvensis D. algeriana G. bentonensis D. hagni H.
moremani
|
22 65
|
U6
|
|
|
|
|
|
|
20 60
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
55
|
|
|
|
|
|
18
|
|
|
50
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
16 45
|
|
U5
|
|
|
|
40
|
|
|
|
|
|
14 35
|
|
|
|
|
|
|
|
|
30
|
|
|
12
|
|
U4
|
25
|
|
|
|
|
|
0 20
|
|
|
|
|
|
|
|
|
15
8
10
|
U3
|
|
|
5
6
4
3
4 2
1
2
|
U2
|
|
U1
1m
|
76
Fig. 26 - variation d'épaisseur entre les deux coupes
(COK et CES)
77
B - Biostratigraphie des Radiolaires du passage Cénomanien
- Turonien. Historique
Plusieurs arrangements biostratigraphiques ont
été proposés pour les Radiolaires du Crétacé
supérieur. Dans ce travail, nous allons suivre les biozones
proposées par Pessagno (1976, 1977), Thurrow (1988), O'Dogherty (1994),
Salvini et Marcucci Passerini (1998), Premoli Silva et al., (1999) et Sukru
Yurtsever et al., (2003) concernant l'intervalle Cénomanien -
Turonien. Nous avons reconnu des Radiolaires aussi bien dans la coupe de Bargou
(COK) en abondance que dans la coupe de Tajerouine (CES) qui peuvent être
confondus avec les Calcisphaerulidae. Dans la Coupe d'Oued El Kharroub
(région de Bargou), l'épanouissement des Radiolaires survient
dans la partie supérieure de la Zone à Rotalipora cushmani
et se poursuit sur quelques mètres de la zone à
Whiteinella archaeocretacea. Ensuite, dans la partie inférieure
de la Zone à Whiteinella archaeocretacea. Deux associations
différentes ont été distinguées : celle du
Cénomanien supérieur est dominée par les Nassellaria et en
particulier Pseudodictyomitra et celle du Turonien est
caractérisée par l'abondance des Sphaericularia.
Quelques espèces demeurent communes à ces deux associations
cénomano-turoniennes. Le fait que la majorité des espèces
qui y sont différentes cela nous permet de mettre en évidence un
renouvellement faunique marquant aussi les Radiolaires du passage C/T.
De tel renouvellement a été signalé
également par Marcucci et al., (1991), O'Dorghety (1994),
Erbacher et Thurrow (1997), Salvini et Marcucci Passerini (1998) et Premoli
Silva et al., (1999). En effet, ces auteurs mentionnent qu'au cours de
l'intervalle Cénomanien - Turonien un grand renouvellement faunique
concernant les Radiolaires s'est produit. Ces auteurs ont dégagé
alors deux associations de Radiolaires importantes. L'association
« inférieure » est caractérisée
particulièrement par Dactyliosphaera silviae
et Rhopalosyringium majuroensi marqueurs de zone (O'Dorghety,
1994) du Cénomanien supérieur. L'association «
supérieure » est caractérisée particulièrement
par l'apparition de plusieurs espèces parmi lesquelles Alievium
superbum et Crucella cachensis indicateurs de zone du passage C/T
qui peut être correlée avec celle à W. archaeocretacea
des Foraminifères planctoniques. Plusieurs espèces de cette
association appartiennent au
78
Turonien inférieur. Salvini et Marcucci Passerini (1998)
admettent que cette association appartient à la Zone à
Crucella cachensis.
79
|