2. Le mécanisme phare du LBO
1.1.1 Philosophie générale du Leverage Buy
Out.
1.1.1.1 Cadre général du LBO 1.1.1.1.1
Definition
Afin de comprendre ce dont il s'agit, nous pouvons nous
référer à la définition qu'en donne l'AFIC
(Association Française des Investisseurs en Capital). « Le LBO
est le rachat d'une société cible par l'intermédiaire
d'une société holding qui reçoit des apports et souscrit
une dette pour financer l'acquisition. Par la suite la dette est
remboursée par les flux financiers que la société
achetée verse à la holding d'acquisition. Le LBO se
caractérise par l'association de dirigeants avec un investisseur
financier et par la mise en place d'emprunts remboursés par les
cash-flows futurs dégagés par la
cible21».
Un LBO est par ailleurs caractérisé par un
triple effet de levier : financier, juridique et fiscal, que nous
détaillerons dans cette partie.
20 Dominique Sénéquier - Le
capital-investissement sert l'Europe industrielle - La Tribune - 15 mai 2007
21 AFIC - LBO : Guide pratique - 2006
10
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Le but ici n'est pas de procéder à une
étude très approfondie du LBO en lui-même, de très
nombreux ouvrages, thèses et articles ayant déjà
été produits sur cette question. Néanmoins, l'OBO
étant un type particulier de Leverage Buy Out, en maîtriser la
technique, le processus et les implications est indispensable.
Le schéma suivant résume le montage en question.
Schéma type de montage de LBO
1.1.1.1.2 Le capital Investissement.
Le corollaire direct du LBO est le secteur financier qui
utilise cette technique comme principal outil dans les montages qu'il
réalise : le capital investissement.
Sans ce secteur, il y a fort à parier que le
mécanisme du LBO resterait en friche de manière quasi
absolue22.
22 Dominique Sénéquier - Le
capital-investissement sert l'Europe industrielle - La Tribune - 15 mai 2007
11
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Le capital investissement est donc un type particulier
d'acquisition et de financement d'entreprises, en général non
cotées, par des apports en fonds propres et par la structuration d'une
dette complémentaire. Il recouvre à la fois des interventions
dans ces phases de création, de développement, de transmission ou
de retournement. A la différence du banquier traditionnel qui concourt
aussi au financement et au développement de l'entreprise, le capital
développement ne bénéficie pas de créances
certaines sur l'entreprise.
C'est aussi une véritable alternative à
l'entrée en Bourse, souvent très coûteuse et pas toujours
efficace pour de petites capitalisations.
1.1.1.1.3 Une condition sine qua non : une cible
bénéficiaire.
La condition indispensable pour la mise en place d'un LBO est,
bien évidement que la cible soit en mesure de dégager des
cash-flows. En effet, ce sont eux qui permettront de faire face aux
intérêts ainsi qu'à une partie du principal de la dette
levée par la holding lors de l'acquisition. Une cible déficitaire
ou trop faiblement bénéficiaire ne pourrait pas
véritablement faire l'objet d'un montage de ce type (hors cas
particulier des fonds de retournement).
Si les résultats conditionnent la valorisation initiale
de la cible, ils sont aussi déterminants pour le bon déroulement
du montage et pour la sortie à un horizon en général de 5
à 7 ans.
Le niveau des résultats, leur
prévisibilité, leur récurrence et leur croissance
conditionnent en même temps la structure financière du montage.
Ils détermineront le niveau de dette, ainsi que le type de dettes
(senior, junior, mezzanine, earn out, que nous étudierons plus en
avant).
Un LBO classique sur une cible dont les résultats sont
trop faibles ou très aléatoires risque de se traduire par une
perte des fonds propres investis si la holding se trouve en défaut du
fait de l'insuffisance, voire de l'absence de remontée de dividendes.
Afin que la cible puisse faire face aux contraintes
financières liées au LBO, un certain nombre de critères
portera sur ses caractéristiques industrielles, commerciales et
financières.
L'une des premières attentes est qu'elle soit stable,
en croissance, mais qu'avant tout sa rentabilité soit assez
régulière. A ce titre, la récurrence des cash flows est
absolument indispensable.
12
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Par ailleurs, on attend aussi de cette cible type qu'elle ait
une position relativement forte sur son marché, qu'elle ne soit pas
tributaire d'un client unique très important. De même, afin
d'espérer des plus values de cession, des possibilités de
croissance certaines doivent exister pour intéresser les
investisseurs.
La société doit présenter des
fondamentaux financiers sains, et en particulier ne pas faire l'objet d'un
endettement excessif, sans quoi il serait impossible de lui faire supporter une
dette supplémentaire liée à l'acquisition, dans le cadre
du LBO.
Par ailleurs, les équipes en place, de même que
la qualité et la fidélité du personnel de l'entreprise,
seront des paramètres appréciables. Là encore, on attend
d'elles une forme de stabilité.
Certes, l'ensemble de ces paramètres n'est pas toujours
réuni dans les LBO qui sont effectivement réalisés, mais
il conditionne in fine la capacité qu'aura la cible à
dégager les cash flows nécessaires aux paiements des
intérêts et du principal de la dette d'acquisition. C'est bien cet
élément-là qui reste la condition de base pour la mise en
place d'un LBO.
Et, cette condition, centrale pour un LBO l'est bien
évidement tout autant pour un montage d'OBO.
1.1.1.2 Le triple levier du LBO
Le concept central23 est l'accroissement de la
rentabilité des fonds propres grâce à une hausse de
l'endettement financier, si la rentabilité du capital économique
est supérieure au coût des dettes financières :
ROE = (ROCE + (ROCE - i) x (D/FP)) x (1 - t)
Levier financier levier fiscal
23 Ch. Thibierge - Ph. Thomas - L'effet de levier :
une relecture opérationnelle à destination des décideurs
financiers d'entreprise - Cahier de recherche ESCP n° 97-135
13
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
avec ROE : rentabilité des fonds propres (Return on
Equity) ROCE : Rentabilité économique (Return on Capital
Employed)
D : dette
FP : fonds propres
t : le taux d'imposition
i : taux d'intérêt de la dette
1.1.1.2.1 Le levier financier
On reprend ici la théorie financière classique
selon laquelle lorsque la rentabilité d'un investissement est
supérieure au coût de son financement, il y a création de
valeur. Concrètement, si la rentabilité économique de
l'entreprise, mesurée par le rapport entre son résultat
d'exploitation et les capitaux investis, est supérieure au taux
d'intérêt des emprunts après impôt, le financement de
l'entreprise par endettement crée de la valeur pour
l'actionnaire24.
C'est la théorie classique du levier financier, que
l'examen empirique nuance néanmoins25.
Le levier se mesure par le rapport entre dette et fonds
propres, que l'on qualifie souvent de bras du levier. D'autre part, le
différentiel de rentabilité sera mesuré par la
différence entre la rentabilité économique de la cible et
le coût de la dette levée.
24 Cette théorie sert de base conceptuelle
à la compréhension des montages financiers à effet de
levier, même si elle a fait l'objet de nombreuses critiques :
- On doit considérer que l'entreprise en dispose pas de
trésorerie, qui fausse l'équation (sans quoi on compte
la trésorerie dans l'actif économique, mais pas
les produits financiers dans le résultat d'exploitation) - On
résume les frais financiers aux charges d'intérêts sur la
dette financière, ce qui semble réducteur
- On considère que le passif est composé de
capitaux propres et de dettes financières (portant intérêt)
mais on
oublie les dettes d'exploitation, pourtant importantes dans tout
bilan d'entreprise (le problème étant qu'elles
ne portent pas intérêt)
- On néglige la hausse de rentabilité exigée
du fait de l'accroissement du risque du à la hausse de la dette, remise
en cause centrale initiée par Modigliani-Miller
- On n'a pas de congruence parfaite du résultat comptable
et du résultat fiscal, tel que retenu par l'administration
25 Ch. Thibierge - Ph. Thomas - L'effet de levier :
une relecture opérationnelle à destination des décideurs
financiers d'entreprise - Cahier de recherche ESCP n° 97-135
14
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
L'effet de levier sera alors la produit du différentiel
par le « bras du levier », plus ce dernier sera fort, plus le
rentabilité des fonds propres sera élevée.
Bien évidement, cela s'accompagne logiquement d'une
hausse du risque, qui à terme doit accroître le coût de
l'endettement (le taux devant intégrer le niveau de risque de
défaut, qui augmente avec la hausse de la dette).
Ainsi, dans le cas du LBO, les free cash flows
dégagés par la cible permettront de faire face au service de la
dette. Si jamais en revanche, la rentabilité de la cible devenait
moindre que le taux d'intérêt de la dette d'acquisition, l'effet
de levier se transformerait en effet de massue, détruisant de la valeur
pour l'actionnaire.
Le principal risque dans ce type de montage est de ne pouvoir
faire face au service de la dette, les cash-flows futurs ayant
été surévalués dans le business plan initial. Dans
ce cas, c'est l'ensemble du montage qui se trouve remis en question.
Afin de mesurer la rentabilité d'un LBO, on utilise le
TRI, c'est-à-dire le taux de rentabilité interne, à savoir
le taux d'actualisation qui permet d'égaliser d'un côté la
somme des cash-flows futurs et la valeur de sortie, d'autre part le montant de
l'investissement initial. C'est une donnée clef qu'examinent très
attentivement les fonds d'investissements avant d'entrer dans le moindre
montage, ceux-ci attendant souvent un TRI à moyen terme de l'ordre de 15
à 20%26.
Seuls les cash-flows doivent être pris en compte dans
cette perspective, la loi disposant qu'une « société ne peut
avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une
sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres
actions par un tiers » selon l'article L 225-216 du Code de commerce
(auparavant art 217). En résumé on ne peut payer la cible avec
ses propres actifs (trésorerie, immobilisations...).
1.1.1.2.2 Le levier juridique
26 Marianne Py et Aymeric Val - Les fonds
d'investissement, un dopant pour vos actions ? - Le Revenu Hebdo Bourse - 6
Avril 2007
15
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Fondamentalement, le levier juridique s'explique par le fait
que l'on détienne le contrôle de la cible avec seulement 50% plus
une voix des titres de la holding27. Le raisonnement est
démultiplié si l'on met en place une cascade de holdings, dont on
ne détient à chaque fois que 50% plus une voix, soit la
majorité simple. Ainsi si l'on superpose trois holdings, on
détient le contrôle de la cible avec seulement 6,75% de la valeur
de la cible, ce qu'illustre le schéma suivant.
Schéma du levier
juridique28
27 Eric Cempura - L'utilisation d'une holding dans la
reprise d'entreprise - Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris
28 Nicolas Boschin - Le guide pratique du LBO -
Edition d'organisation
16
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Par ailleurs, certaines sociétés permettent de
détenir des actions à droits de vote multiple ce qui permet
d'obtenir un résultat de ce type sans passer par une succession de
holdings détenues à la majorité simple. En effet, le
système en cascade est complexe à mettre en place, les
actionnaires de 49% restant à chaque niveau pouvant se sentir
prisonniers d'une structure qu'ils ne contrôlent pas.
Ce levier vise simplement à démultiplier le
pouvoir de contrôle par rapport au pouvoir financier sur la cible. On
renforce ce levier juridique en endettant la holding, ce qui permet de
contrôler une cible identique avec un apport moindre encore.
1.1.1.2.3 Le levier fiscal
Complétant les leviers précédents, le
levier fiscal permet d'optimiser le montage par la déduction des
intérêts liés à la dette d'acquisition.
Ainsi, pour reprendre la formule initiale, le levier est
(1-t), lorsque t est le taux d'imposition. Plus celui-ci sera
élevé, plus le levier sera fort. Un taux d'imposition de 33,33 %
revient à multiplier la charge réelle des intérêts
financiers par 0,66. Par conséquent, la fiscalité supporte in
fine un tiers de la charge financière annuelle liée à
la dette d'acquisition.
Diverses techniques fiscales permettent ainsi d'amplifier
considérablement l'effet de l'investissement effectué.
Le mécanisme le plus important est l'intégration
fiscale, c'est-à-dire l'addition des résultats de la holding et
de la cible en vue d'une imposition commune. Si l'une est
bénéficiaire et l'autre déficitaire, on aura un clair
mécanisme de compensation. En effet, on diminuera les
bénéfices de l'une des pertes de l'autre, ce qui permet de
pallier le problème que constituent l'existence d'un déficit
fiscal chez l'une des sociétés et l'existence d'un
résultat imposable chez l'autre.
17
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Cela permet donc de réduire le coût d'une
opération de LBO, la holding ayant un déficit du fait des
intérêts d'emprunt, alors que la cible dégage un
résultat imposable.
Pour qu'une telle technique puisse s'appliquer, il est
nécessaire que la holding détienne au moins 95% des titres de la
cible.
Si cette mécanique fonctionne au mieux dans le cadre
d'un LBO, dans le cas de l'OBO des dispositions légales (amendement
Charasse) viennent en contrarier le principe, considérant qu'il est indu
de faire supporter au Trésor une partie des frais financiers liés
à une acquisition auprès de soi-même29.
1.1.1.3 Différents types de LBO.
Si le LBO est un montage type structuré autour de
l'acquisition d'une cible par une holding grâce aux effets de levier que
nous venons d'examiner, dans le pratique ce concept unique30
recouvre différentes situations.
MBO (Leverage Management Buy Out).
Le MBO est le rachat d'une entreprise par son équipe de
direction actuelle, constituée de cadres soit non actionnaires, soit
minoritaires auparavant.
MBI (Leverage Management Buy In)
Le MBI consiste en l'acquisition d'une entreprise par une
équipe de managers extérieurs à l'aide d'un effet de
levier.
BIMBO (Buy In Management Buy Out).
29 Denis Andres - Cabinet Arsène - Amendement
Charasse : Esprit es-tu toujours-là ?
30 M. Cherif - Ingénierie financière et
private equity - Revue Banque Edition - 2004
18
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Le BIMBO est le rachat d'une société par un
dirigeant repreneur, en association avec le vendeur ou les principaux cadres de
l'entreprise.
LBU (Leverage Build Up)
Le LBU consiste à racheter une première
entreprise qui sert ensuite de plateforme pour l'acquisition d'autres
sociétés, en vue de constituer au bout du processus un groupe,
par effet de levier.
OBO (Owner Buy Out)
Rachat d'une entreprise par une holding détenue
conjointement par le dirigeant actionnaire actuel de la cible et des
partenaires, en général financiers. Ce modèle, moins
courant fera l'objet de l'ensemble de notre étude.
Il convient de rappeler qu'il constitue l'un des types de LBO,
tous ces montages utilisant la même matrice d'ingénierie
financière et juridique, avec des acteurs différents.
1.1.1.4 Structuration du LBO.
Avant d'examiner le montage financier lui-même, qui
constitue le centre du LBO (III), nous examinerons comment se structure le
montage, tant dans ses aspects juridique que dans le processus qui est le
sien.
1.1.1.4.1 La structuration juridique du
LBO
19
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Si nous avons vu quelles sont les conditions majeures
concernant la cible (qui est une donnée), la holding de reprise est une
construction qu'il convient d'optimiser.
La holding est presque toujours une holding
dédiée, que celle-ci préexiste au montage ou non, seule sa
pureté importe. Ce peut être aussi bien une société
civile qu'une société commerciale, la détention des titres
de la cible étant en soi une activité civile.
En pratique, c'est en général une
société de capitaux, celle-ci devant satisfaire plusieurs
conditions :
- responsabilité des actionnaires limitée aux
apports
- titres librement cessibles et négociables
- soumission à l'IS
Ainsi, la SA (Société Anomyme), la SAS
(Société par Action Simplifiée) et, moins souvent la SCA
(société en commandite par actions) sont-elles utilisées
pour ce type de montage.
Les deux dernières permettent de dissocier
détention financière et contrôle, renforçant en cela
très fortement l'effet de levier juridique31.
La présence de fonds d'investissement au tour de table
conditionne en général le choix de la forme de la
société holding, leurs objectifs nécessitant
d'éviter au maximum les blocages propres à certaines formes
sociales.
1.1.1.4.2 Les intervenants 1.1.1.4.2.1 Le
vendeur
Premier concerné, celui-ci est pour près de 50%
des cas une personne physique, ou une famille réglant souvent un
problème de succession. Dans 40% des cas, c'est un groupe souhaitant
recentrer ses activités, et se séparant donc d'une
filiale32.
31 Eric Cempura - L'utilisation d'une holding dans la
reprise d'entreprise - Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris
32 Marie-Jeanne Pasquette - Pariez sur les ventes
à la découpe - La vie financière - 18 mai 2007
20
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Rares sont les entreprises cotées rachetées dans
ce cadre, du moins en France, la sortie de la cote étant trop difficile
(le seuil de détention de 95% de titres étant prohibitif).
Le cédant cherchera logiquement à obtenir le
meilleur prix pour son entreprise, avec parfois des objectifs annexes,
protection des salariés, pérennité de l'activité ou
refus de céder à un concurrent historique.
1.1.1.4.2.2 Les Investisseurs financiers.
Ce sont en général des fonds d'investissement
(Private Equity) qui cherchent à maximiser la rentabilité de
leurs investissements.
Ce sont soit des SA, soit des FCPR (Fonds Communs de
Placements à Risque) ou des SCR (Société de Capital
Risque). Ils dépendent selon les cas d'établissements financiers
majeurs ou d'une simple équipe de dirigeants33. Dans le cadre
de LBO importants, les différents fonds peuvent s'associer, afin de
faire logiquement baisser leur risque individuel.
1.1.1.4.2.3 Les conseils
Ceux-ci regroupent l'ensemble des conseils en fusions
acquisitions, banques d'affaires, avocats, auditeurs, experts comptables... qui
visent à apporter à l'une des parties leur expertise concernant
l'un des domaines de cette opération, au demeurant très
complexe.
1.1.1.4.2.4 Les managers
Ils préparent le business plan qui servira de base
à la transaction, et seront en même temps responsable de son
application. Ils peuvent par ailleurs être associés au montage, et
bénéficient parfois d'une forte incitation financière
conditionnée par le bon déroulement final34 de
l'opération.
33 Agence pour la création d'entreprise -
Panorama du capital investissement
34 A Cheinel - Introduction à
l'ingénierie financière - Banque Editeur - janvier 2000
21
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
1.1.1.4.2.5 Les banques
Elles apportent les financements nécessaires au
montage, en cherchant à optimiser le couple risque / rendement. Elles
ont pour objectif de s'assurer que la cible sera bien en mesure de faire face
à ses échéances. L'effet de levier financier central dans
le montage ne joue que grâce aux concours qu'elles apportent.
Les mezzaneurs sont des établissements
spécialisés qui fournissent des financements mezzanines que nous
étudierons par la suite.
Ces différents intervenants prennent chacun part au
processus de structuration de l'opération, qui pour un LBO comme pour un
OBO doit aboutir à un montage optimal.
1.1.2 Le processus de montage d'un LBO.
Le déroulement d'une opération de LBO sera pour
ainsi dire identique quel que soit le type de LBO, aussi convient-il d'en
comprendre la trame générale.
La première étape du processus se produit selon
les cas à l'instigation du vendeur ou de l'acheteur. Cela suppose donc
au préalable une réflexion stratégique. Le vendeur doit
définir le type de transaction qu'il souhaite (cession, prise de
participation d'un fonds...). L'acheteur, s'il a l'initiative définit le
type de cible (voire l'entreprise) qu'il souhaite acquérir.
Dès lors, à travers des documents ne permettant
pas de connaître le nom de l'entreprise, un premier travail de
démarchage est effectué par les conseils du vendeur.
22
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
La mise sur le marché se fera soit de manière
exclusive auprès d'un acheteur, soit concomitamment auprès de
plusieurs d'entre eux, soit enfin par un processus de mise aux enchères
(open bid), plus concurrentiel mais obligeant l'entreprise à lourdement
se dévoiler35. Des lettres d'intention seront
échangées, marquant l'intérêt pour la cible.
Par la suite, les acheteurs potentiels vont réunir le
maximum d'informations sur la cible, son marché, ses perspectives, afin
de pouvoir formaliser une proposition en terme de valorisation. Par la suite,
devront déjà être examinées les possibilités
de montages financiers, ce qui suppose de trouver les investisseurs.
Pour certains LBO, la banque conseil du vendeur structure
elle-même un financement qu'elle propose « clef en main » aux
acheteurs36. Cette solution a l'avantage d'être rapide (le
travail est fait en amont), d'indiquer un prix à l'acheteur (le montant
du package de financement) et d'être faite « sur mesure » pour
la transaction considérée37.
Quelle que soit l'option retenue, les investisseurs
intéressés saisissent les banques, pour obtenir d'elles les
concours bancaires nécessaires au levier financier, ceci à partir
d'un mémorandum de présentation et d'un business plan
élaboré grâce aux informations collectées et aux
contacts avec le vendeur et son management.
A ce stade, l'architecture générale du montage se
dessine précisément, autant d'un point de vue juridique (holding,
actionnaires...) que financier (investisseurs, structuration de la dette...).
C'est à ce stade que des propositions sont communiquées par les
acheteurs potentiels aux conseils du vendeur, qui en retient alors un certain
nombre (short list)38.
Alors que jusqu'à présent les acquéreurs
potentiels ne disposaient que des informations contenues dans le
mémorandum de présentation et de celles collectées par
eux, ils ont à ce stade accès aux data rooms (consultation dans
un temps limité, avec l'aide de leurs conseils, de l'ensemble des
informations concernant l'entreprise : comptables, financières,
commerciales, sociales,
35 Jean-Philippe Lacour - Les ventes d'entreprises aux
enchères se développent - La Tribune - 31 mai 2000
36 Emmanuelle Duten - Les financements de projets
s'invitent de plus en plus dans les LBO - Capital Finance - 19 février
2007
37 Franck Moulin - LBO : l'heure des choix - Capital
Finance - 5 juin 2006
38 Anne-Laurence Fitere - LBO : quand les PME prennent
les devants - Enjeux Les Echos - 1er septembre 2006
23
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
industrielles, technologiques...). A l'issue, les acheteurs
remettent une offre ferme qui permet au cédant de retenir l'un d'entre
eux. Démarre alors une période d'exclusivité avec
l'acquéreur retenu.
Celle-ci servira à auditer la cible afin de confirmer
la valorisation proposée. L'audit d'acquisition vise à valider
l'ensemble des éléments financiers et comptables, et donc in
fine les hypothèses du business plan.
Dès lors, les différentes modalités
accompagnant la cession que sont les garanties de passif, crédit
vendeur, earn out... sont arrêtées. On procède alors au
closing, qui consacre l'opération par l'échange des ordres de
mouvement de titres et le paiement de l'acquisition ainsi que par l'ensemble
des formalités de clôture.
Si ce déroulement type d'une opération de LBO
est assez standard, chaque type de LBO aura des variantes, et chaque
opération concrète ses spécificités qui se
grefferont sur cette trame générale. L'OBO en particulier, dans
la mesure où acheteur et vendeur sont identiques (fonds d'investissement
exceptés), la recherche d'acquéreurs et la mise en concurrence de
ceux-ci n'ont pas lieu d'être. Il n'en demeure pas moins que le processus
général de structuration de l'opération restera le
même39.
1.1.2.1 Le montage financier d'une opération de
LBO. 1.1.2.1.1 Principe
Le LBO est, par définition un montage à effet de
levier financier, basé sur la création d'une holding,
dotée de fonds propres, qui lève les dettes nécessaires
à l'acquisition d'une cible commerciale ou industrielle.
39 AFIC - LBO : Guide pratique - 2006
24
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
L'enjeu principal réside dans la capacité
à réaliser un montage équilibré, à savoir un
montage qui permette de bénéficier au mieux du triple levier,
tout en faisant face aux engagements bancaires qui sont ceux de la holding.
Dernier équilibre à atteindre, celui entre
développement industriel de la cible et respect du plan de remboursement
de la dette d'acquisition. L'opération de LBO ne doit pas conduire
à s'accaparer la totalité des cash-flows de la cible, lui
interdisant ainsi tout investissement et obérant par la suite sa
croissance40. La réussite d'un LBO passe en effet par son
caractère équilibré sur la durée du business
plan.
Un LBO reste, dès sa mise en place un montage ayant une
visée claire dans le temps. Il a vocation à être
débouclé, pour permettre un retour sur investissement le plus
élevé possible aux partenaires financiers, à horizon de 5
à 7 ans en général.
En conséquence, l'ensemble du financement sera
structuré dans cette perspective, à savoir un respect
satisfaisant du business plan et une sortie (revente) à moyen terme.
1.1.2.1.2 Le financement du montage.
Aspect central de toute opération d'ingénierie
financière, le LBO fait appel à un large faisceau de sources de
financement, que nous examinons à ce stade.
Le financement passe, bien entendu par la holding, et non par
la cible. Cette dernière finançant simplement son exploitation et
ses investissements. Celui de la holding quant à lui sert uniquement
à l'acquisition de la cible. C'est la raison pour laquelle une holding
pure (sans activités propres) est nécessaire au départ.
1.1.2.1.2.1 Les fonds propres.
40 Clémence Dunand - Opérations de LBO,
mode d'emploi - Investir Hebdo - 10 février 2007
25
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
Ce sont les apports faits par les actionnaires de la holding,
en général en numéraire, mais parfois en nature. Dans le
cas de l'OBO, ce seront au départ des titres de la cible.
Les différentes personnes, physiques ou morales
présentes au tour de table en apportent chacune une partie : dirigeant,
cadres, sociétés de capital investissement...
Ils recouvrent les actions, simples ou complexes, les comptes
courants d'associés, ou encore les obligations convertibles en actions
(OCA). Ils se décomposent entre fonds propres et quasi fonds propres.
Les premiers comprennent les apports des repreneurs, dirigeants et
investisseurs financiers.
Les quasi-fonds propres quant à eux sont
constitués par les obligations convertibles, qui portent
intérêt et peuvent être converties en actions sous certaines
conditions.
En cas d'échec du LBO, ces capitaux propres ne font
évidemment l'objet d'aucune garantie.
La dette quant à elle finance le reste du montant de
l'acquisition. Elle se décompose en multiples tranches, chacune ayant sa
logique propre et concourant au bon déroulement de l'opération.
La taille de l'opération détermine logiquement le nombre de types
de financement.
1.1.2.1.2.2 La dette senior.
C'est la dette principale de ce type de montage, qui
présente les caractéristiques d'un prêt à moyen
terme. Elle est levée auprès de banques traditionnelles, pour une
durée de 5 à 7 ans, durée de débouclage habituelle
d'un LBO. Son coût est relativement raisonnable, et est calculé en
fonction du risque propre à l'opération. En
général, du fait de la seniorité de cette dette, son taux
est celui des obligations d'Etat (OAT 10 ans) ou de l'Euribor plus 250 à
350 points de base41. Elle peut même être divisée
en plusieurs tranche (A, B, C voire D), à la rémunération
différente42.
41 Fabien Jakob - Les opérations de rachat à effet
de levier: maximiser la rentabilité en limitant les capitaux propres
investis - Le Temps - 21 mai 2007
42 Des dettes toujours plus risquées pour augmenter les
marges - La Tribune - 6 mars 2007
26
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
En effet, elles constituent des créances prioritaires
pour la holding. Cette dette peut être souscrite par plusieurs
banques.
Les banquiers consentant ce type de dette ont accès
durant toute la durée de l'opération à un niveau
d'information extrêmement élevé quant à la
réalisation des objectifs du business plan (et donc des cash-flows
servant à payer la dette senior).
Ainsi, des clauses contractuelles (les covenants) encadrent
très fortement la politique financière de l'entreprise
jusqu'à complet remboursement des dettes seniors.
1.1.2.1.2.3 La dette mezzanine.
C'est un financement subordonné, ce qui signifie que son
remboursement est conditionné par celui de la dette senior. Il
présente donc un risque plus élevé. Son coût l'est
par conséquent aussi. Il s'intercale entre les fonds propres et la dette
senior. Ce financement est apporté soit par les sociétés
de capital investissement, soit par des établissements
spécialisés, les mezzaneurs, parfois aussi par des banques
traditionnelles.
Cette dette a le caractère d'un emprunt obligataire,
remboursé in fine. Ce sont des créances
subordonnées de manière conventionnelle au remboursement d'autres
créances. C'est aujourd'hui un élément important de tout
montage de LBO, qui permet de ne rembourser la dette qu'au débouclage et
d'alléger les charges financières pendant la période de
remboursement de la dette senior.
1.1.2.1.2.4 La dette obligataire.
Dans le cadre de LBO de grande dimension, une émission
d'obligations cotées peut être envisagée. Celles-ci devront
avoir un haut rendement, dans la mesure où leur remboursement est
prévu à terme, après celui de la dette senior. Elles
peuvent faire l'objet d'une subordination
27
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
structurelle43 ou contractuelle. Ces obligations
à haut rendement (High Yield Bonds) permettent de lever des fonds
supplémentaires, en vue du bouclage du financement de
l'acquisition44.
C'est une alternative à la dette mezzanine, par
ailleurs elle permet de répondre aux besoins financiers d'entreprises
ayant difficilement accès aux financements bancaires. Cela donne
accès aux marchés financiers désintermédiés
si les financement intermédiés sont insuffisants.
L'autre avantage est que ça ne se traduit pas par le
même niveau de surveillance de l'entreprise que dans le cadre des
prêts traditionnels.
Cela étant, pour les opérations d'OBO, ce type
de financement est irréaliste, les montages n'ayant pas vocation
à concerner ce type de capitalisation. D'autant que les frais de mise en
place de ces instruments financiers sont pour le moins lourds. Les LBO
concernés sont ceux dont les financements s'expriment en centaines de
millions d'euros.
1.1.2.1.2.5 Le prêt relais.
Ce type de financement ne concerne que le court terme. En
effet, si l'un des sources de financement, comme la remontée de
dividendes exceptionnels ne peut avoir lieu avant le closing, un prêt
relais peut y suppléer45.
Dans ce cas, celui-ci est en général consenti
par l'émetteur de la dette senior, à des conditions de
rémunération proches.
1.1.2.1.2.6 Le crédit vendeur.
C'est un mode de financement en ce sens que c'est l'un des
moyens utilisé pour boucler le tour de table. En même temps, en
cas de désaccord sur le prix, cela permet de subordonner la frange
43François Poulet - Allen & Overy : «
le porteur de high yields a un droit direct sur les actifs de
l'émetteur et un droit structurellement subordonné sur les actifs
des filiales » - Conférence B Capital.
44 Laurent Flallo - LBO : la dette mezzanine se
substitue aux « junk bonds » - Les Echos - 2 mars 2006
45 AFIC - LBO : Guide pratique
28
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
supérieure du paiement au bon déroulement de
l'opération, cette dette ne faisant en général l'objet
d'aucune garantie particulière.
Il est remboursé au bout d'un laps de temps allant de
plusieurs mois à plusieurs années, et porte intérêt.
En revanche, son cadre exact est, là encore, le fruit d'une
négociation contractuelle, dont le but est clairement d'impliquer le
vendeur dans la réalisation des objectifs du business plan. Une
subordination peut être demandée par rapport à la dette
senior, afin que celle-ci reste bien prioritaire sur toutes les autres
créances.
1.1.2.1.2.7 L'earn out.
Aussi appelé complément de prix, ce n'est pas
exactement un moyen de financement mais aussi partiellement une modalité
de paiement de prix, comme le crédit vendeur.
C'est néanmoins l'un des aspects financier important de
l'opération. Il permet de limiter pour le vendeur le risque de
surévaluation du prix.46 Cela contribue aussi à
associer le cédant au bon déroulement du business plan, puisqu'il
y a très clairement intérêt.
Une partie du prix de cession sera déterminée
par les résultats futurs de l'entreprise pendant une période
déterminée. Ce prix doit être déterminable sans
nouvelle négociation et accord des deux parties, ce sans quoi la vente
n'est pas valide, le Code prévoyant la détermination du prix
comme condition de validité d'une vente47. Ces clauses de
révision du prix en fonction de ses performances, par essences futures,
donc indéterminées continuent de comporter des risques juridiques
au regard de la prohibition de l'indétermination du prix48.
En conséquence, non seulement la rédaction de l'acte de cession
devra être précise et viser une méthode de
46 Resetting the Playing Field For Mid-Market M&A
- Mergers & Acquisitions: The Dealmakers Journal - 1er octobre 1999
47 Selon l'article 1591 du Code civil : "Le prix de
la vente doit être déterminé et désigné par
les parties". Toutefois, selon l'article 1592 du Code civil « Il peut
cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers ; si le
tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente ».
48 Arrêt du 14 décembre 1999 de la Cour
de cassation
29
Synthèse - La structuration d'un LBO (Leverage
Buy Out)
détermination du prix qui ne nécessite plus un
nouvel accord des parties mais également l'acte devra décrire une
méthode objective de calcul du référentiel comptable
utilisé49.
On aboutit donc, en général à une
structuration du financement type, que retrace le tableau suivant :
Financement type de LBO
|
|
Actions ordinaires Actions de
préférence
|
Fonds propres
|
30/35%
|
Prêts actionnaires Payment-in-kind (PIK)
Pay-if-you-can (PIYC) Mezzanine type
|
Dette
mezzanine
|
30/35%
|
Dette senior
|
Dette classique
|
30/35%
|
Crédit vendeur
|
|
Variable
|
La traduction de ces différents éléments
à travers le montage de LBO est illustrée par l'opération
type suivante.
|