Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Diane MANDENG Université de Douala Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit public interne 2005 |
PARAGRAPHE II : UNE DISTRIBUTION FANTAISISTE DES CARTES ÉLECTORALESL'inscription est juridiquement obligatoire dès lors qu'on remplit les conditions de l'électorat. Elle donne droit à la délivrance d'une carte d'électeur. La carte électorale peut être considérée comme le "passeport", la pièce qui permet d'identifier l'électeur le jour du vote, puisque sa détention par un électeur suppose que ce dernier remplit les conditions de l'électorat. La loi électorale en son article 65 dispose que tout électeur inscrit reçoit une carte d'électeur sur laquelle figurent obligatoirement ses noms, prénoms, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile ou résidence. Néanmoins, l'on note que, si la loi semble donner des indications sur la distribution des cartes, elle est muette sur son établissement (A) ce qui donne lieu à sa distribution anarchique (B). A - UNE RÉGLEMENTATION IMPRÉCISE DE L'ÉTABLISSEMENT DES CARTES ÉLECTORALESLes cartes électorales constituent au Cameroun le point principal de désaccord dans le processus électoral, qu'il s'agisse de leur établissement ou de leur distribution. On note à ce propos que la plupart des recours intentés par les partis politiques à l'issue des élections législatives du 30 juin 2002 portaient essentiellement sur les cartes électorales. 74(*) L'absence d'une réglementation précise sur la confection et la distribution des cartes d'électeur ouvre la voie à une attitude critiquable des membres des structures ayant compétence pour procéder aux dites opérations. Le "vide" créé par le législateur laisse au ministère chargé de l'organisation des élections le soin de décider de manière discrétionnaire. Surtout, l'on peut observer au niveau de la distribution un laxisme qui n'est pas sans incidence sur la remise à chaque électeur de sa carte. B - DISTRIBUTION ANARCHIQUE DES CARTESL'article 65 alinéa 3 de la loi électorale dispose que les cartes électorales sont déposées à la sous-préfecture, et distribuées dans les quinze jours (15) qui précèdent le scrutin. L'article 66 de la loi sus-citée, attribue à la commission compétente le contrôle de la distribution des cartes électorales. Et d'après son article 65 alinéa 1, "tout électeur inscrit reçoit une carte d'électeur ". Cela implique que tout électeur doit avoir une carte d'électeur lui permettant de jouir de son droit civique. Toutefois, le constat est tout autre. Le nombre de recours intentés pour une distribution sélective des cartes en témoigne. 75(*) En outre, le délai de quinze (15) jours durant lesquels se fait la distribution est très bref et ne permet pas à tous les citoyens de rentrer en possession de leurs cartes d'électeurs. L'absence de contrôle à ce stade de la procédure électorale mérite assurément d'être relevée. En effet, les cartes sont généralement confiées à des "bénévoles", qui ne maîtrisent pratiquement pas la loi électorale. Les cartes sont retirées le plus souvent sur simple déclaration verbale, sans aucune vérification préalable. La mauvaise organisation du travail de distribution effectué par ces "agents" facilite ainsi le retrait des cartes d'électeurs par des personnes autres que leurs véritables titulaires. Surtout quand on sait que l'on peut voter uniquement sur présentation de la carte d'électeur, du moment où le nom figure sur la liste du bureau de vote considéré. La distribution anarchique des cartes vient également du non-respect de l'article 66 alinéas 1 et 3 de la loi électorale. Les retraits des cartes ne se font plus individuellement, mais l'on assiste à des retraits en masse par les responsables des partis politiques. De même, la délocalisation de la distribution si elle a pour but de faciliter la distribution, est cependant mal organisée. On retrouve ainsi les cartes dans les chefferies, chez les élites, les chefs de district etc. La conséquence inévitable est un manque de civisme et de rigueur, un laxisme dans la distribution des cartes, caractérisé par des délivrances multiples et frauduleuses. De fait, de nombreux citoyens régulièrement inscrits se retrouvent privés de leur "passeport" d'électeur. 76(*) La démission de sa mission de distribution des cartes électorales par la commission donne lieu à l'existence le jour du scrutin des votes sans cartes d'électeurs et au recours à la carte nationale d'identité. Cela a pour effet de faciliter les fraudes, les votes multiples et les "charters électoraux". Malheureusement, ces irrégularités fort préjudiciables aux résultats du scrutin, ne sont pas toujours retenues par le juge comme motifs d'annulation. L'on relève par ailleurs que les électeurs ne sont pas seuls à voir leurs droits bafoués, il en va de même des candidats dont le traitement est inégal et différencié. * 74 Voir en ce sens la requête n°61/CE/01-02 du 04 juillet 2002 -, arrêt n°84/CE/01-02 du 17 juillet 2002 affaire UNDP c/ État au Cameroun (MINAT) ; requête n°54/CE/01-02 du 04 juillet 2002 - arrêt n°56/CE/01-02 du 17 juillet 2002 ; affaire UNDP c/État du Cameroun (MINAT) ; - recours n°06/CE/01-02 du 02 juillet 2002 et recours n°55/CE/2001-2002 du 04 juillet 2002, arrêt n°35/CE/01/02 du 17 juillet 2002, affaires UNDP, UNITOC c/ État du Cameroun (MINAT). * 75 Voir les recours des partis politiques dont les contestations portent également sur l'établissement et la distribution des cartes électorales, op. cit. * 76 Recours des partis politiques, op. cit |
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