La liquidation des sociétés d'assurance( Télécharger le fichier original )par Dali TANKOANO Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise droit de l'entreprise 2011 |
1 - La réalisation de l'actifLe liquidateur est chargé de mener les opérations de réalisation de l'actif. La réalisation de l'actif est une opération importante car elle permet de déterminer l'issue de la liquidation. Concrètement il s'agira pour le liquidateur de réaliser tous les éléments d'actif (mobilier et immobilier) dont dispose la société d'assurance. Il appartient au liquidateur d'organiser la vente des biens de la société et le recouvrement des créances. Sur ce point il en a les pleins pouvoirs157(*). Il effectue donc la réalisation de l'actif en toute indépendance. Aussi il décide librement des modes de cession des éléments d'actif. L'objectif est d'obtenir le meilleur prix de la vente des éléments d'actif. Mais une interdiction lui est faite d'acquérir à son profit les éléments d'actif de la société en liquidation158(*). Contrairement à l'AUPC, les dispositions du code CIMA relatives à la liquidation consécutive au retrait d'agrément n'apportent pas de précisions sur les modalités de la réalisation de l'actif. On peut donc concevoir que le liquidateur va déterminer en toute latitude les modes de réalisation de l'actif en se référant, en cas de besoin, aux dispositions du droit commun. Toutefois, la mise en oeuvre des opérations de réalisation de l'actif requiert souvent l'intervention du juge contrôleur. En effet, le liquidateur doit demander l'autorisation du juge contrôleur pour certaines opérations. Cette autorisation sera nécessaire pour transiger sur l'existence ou le montant des créances contestées et pour aliéner les immeubles de la société et les valeurs mobilières en bourse par une voie autre que les enchères publiques159(*). Ainsi, le juge contrôleur joue également un rôle dans l'opération de réalisation de l'actif. Par ailleurs, les opérations de réalisation d'actif sont supervisées par la commission de contrôle des assurances et le juge contrôleur. Le liquidateur est tenu de leur informer périodiquement sur l'état de la liquidation. Particulièrement, il doit leur adresser un rapport détaillé des actifs réalisés160(*). En somme, la réalisation des éléments d'actif est une opération essentielle qui est conduite par le liquidateur. Cette opération permettra à l'entreprise de collecter suffisamment de fonds dans le but de désintéresser ses créanciers. 2 - La répartition des deniersLe produit de la réalisation de l'actif est réparti entre les différents créanciers de la société d'assurance. La répartition des deniers s'opère suivant des règles bien précises tendant à sauvegarder l'égalité entre les créanciers. Il s'agit d'une opération dans laquelle plusieurs disciplines du droit privé interviennent, notamment le droit des sûretés, le droit des obligations et le droit du travail. Le souci majeur réside dans la prise en compte des intérêts des assurés au cours de la répartition. Tout d'abord, les salariés sont considérés comme des créanciers privilégiés lors de la répartition. Le paiement des créances de salaires se fait en priorité « en raison de leur caractère alimentaire161(*) ». Ainsi dans la mesure des fonds disponibles, le liquidateur doit verser immédiatement aux salariés une somme égale à un mois de salaire impayé162(*). D'ailleurs les dispositions du code du travail sénégalais prévoient que la créance de salaire est payée nonobstant l'existence de tout autre privilège163(*). Cela s'explique par le fait que la créance de salaire est traditionnellement divisée en deux parties. Une partie super privilégiée, il s'agit de la fraction incessible et insaisissable du salaire ; et une autre partie garantie par un privilège général, qui couvre les douze derniers mois de salaire impayé. Donc dans la liquidation pour retrait d'agrément, il est fait application du super privilège pour la partie insaisissable des salaires. De plus il peut arriver que ces créances soient payées au moyen d'une avance. Dans ce cas c'est le mécanisme de la subrogation personnelle qui sera mis en jeu164(*). Après avoir payé les salariés de la société d'assurance, le liquidateur pourra procéder au paiement des autres créances. Ici la répartition se fera en tenant compte des privilèges des créanciers, conformément aux règles établies en droit commun. Les souscripteurs et bénéficiaires des contrats sont payés au marc le franc, en proportion du montant de leurs créances. Il faut rappeler qu'un privilège garantit les créances des assurés. Ainsi, les assurés sont garantis à la fois par des privilèges mobiliers et éventuellement par une hypothèque légale165(*). Toutefois la répartition des deniers n'atteint pas toujours son objectif à savoir le désintéressement des créanciers. Nous pouvons constater que dans de nombreuses situations, le produit de la réalisation de l'actif est souvent absorbé par les frais de la liquidation (frais de justice, rémunération du liquidateur, etc.). Il faut déplorer le fait que des abus sont souvent commis pendant certaines liquidations des sociétés d'assurance. L'exemple tiré de la liquidation de la compagnie d'assurance « Des Provinces Réunies du Cameroun » en est parfaitement révélateur166(*). En définitive, la répartition des deniers s'effectue suivant des modalités précises et propres à la procédure spéciale de liquidation des sociétés d'assurances. Ainsi, la mise en oeuvre de ces opérations par le liquidateur constitue l'essence même de la procédure de liquidation. Une fois que les opérations de liquidation ont été réalisées, il y a lieu de s'interroger sur l'issue de la procédure, c'est-à-dire sa fin. B. Le dénouement des opérations de liquidationLe dénouement des opérations de liquidation marque la fin de la procédure. Les opérations liquidatives étant réalisées, il va falloir clôturer la liquidation. Sur ce point, nous démontrerons que la liquidation spéciale des sociétés d'assurance se distingue par le particularisme de ces modes de clôture (1). Par ailleurs, le dénouement de la liquidation se caractérise aussi par les sanctions qui pourront éventuellement être infligées aux dirigeants fautifs (2). * 157 V.art. 325-2 du code CIMA. * 158 Art.333-5 al.1er code CIMA : « Il est interdit au liquidateur et à tous ceux qui ont participé à l'administration de la liquidation d'acquérir personnellement, soit directement, soit indirectement, à l'amiable ou par vente de justice, tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier de l'entreprise en liquidation ». * 159 Les assurances, op.cit. p.597. * 160 CIMA-Droit des assurances, op.cit. p.77. * 161 Ibidem, 79. * 162 V. art 325-7 al.2 du code CIMA. * 163 Art. L.119 du code du travail sénégalais : « A due concurrence de la fraction insaisissable du salaire, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article L.118, les créances de salaire du travailleur bénéficient d'un privilège préférable à tous autres privilèges, généraux ou spéciaux ». * 164 Il y a subrogation personnelle lorsqu'une personne paie à la place du débiteur et prend la place du créancier à qui elle vient de payer. A partir de cette substitution, le débiteur est tenu de payer entre les mains de celui qui a désintéressé son créancier. Concrètement, celui qui a avancé les fonds sera subrogé dans les droits des intéressés (c'est-à-dire des salariés) et il devra être remboursé dès les premières rentrées de fonds sans qu'un autre créancier puisse s'en opposer. * 165 Cf. CIMA-Droit des assurances, op.cit p.71 et s. * 166 Au moment du retrait de son agrément en Août 1998, la compagnie avait un actif de 2860,2 millions de FCFA et un passif de 5414,4 millions de FCFA dont 36660 millions de sinistres à payer et 349,4 millions de droits du personnel. Après la nomination d'un premier liquidateur puis de son remplacement par un autre, la plupart des sommes recouvrées ont servi aux frais de fonctionnement des deux liquidateurs. Aussi, sur un montant de 784 millions de FCFA recouvrés, 124 millions de FCFA ont servi à régler les droits légaux du personnel et seulement 12 millions de FCFA ont été affectés au paiement des sinistres, tout le reste des fonds a servi pour 349 millions aux honoraires et frais de la liquidation, et 301 millions aux autres frais. Cf. article de Jacqueline Lohoues OBLE, Les obligations des organes dirigeants (suite), in L'assureur africain n°79, décembre 2010, p.22. |
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