Le rapport au temps et
l'analyse des ruptures
Bien que TR et DD paraissent se rapprocher en
privilégiant ensemble le long terme, ce qui précède permet
de noter une différence majeure quant au rapport au temps. Alors que la
problématique du DD promeut un temps sans réel ancrage
historique, la TR constitue, pour sa part, un véritable
« institutionnalisme historique ». Elle s'attache à
un temps « historicisé » où les diverses
formes sociales se répondent les unes les autres selon des
configurations particulières et que certains auteurs
régulationnistes, ont analysé avec le concept de
complémentarité institutionnelle, emprunté à Aoki
1994.
Autre différence : le regard de la TR est
plutôt rétrospectif ; le DD est bien davantage tourné
vers le futur. Pendant de longues années, le programme
régulationniste a été essentiellement axé sur le
fordisme, son émergence, sa dynamique, et sa remise en cause. Il faudra
attendre le début des années 90 pour que s'engagent des
réflexions sur le ou les post fordismes (e. g. Taddei, Coriat, 1993).
Les approches en termes de DD, pour leur part,
s'intéressent certes au caractère « non
durable » des tendances passées, mais leur inclination
à la normativité les conduit surtout à dessiner les
contours d'un avenir possible et souhaitable. L'approche néoclassique
cherche à identifier les conditions d'un chemin de croissance où
l'optimalité irait de pair avec la durabilité (Hartwick,
1977).
Dans cette perspective, des variables telles que le taux de
rendement de l'investissement, le taux d'actualisation, ou la formation d'une
rente de rareté à faire fructifier dans l'intérêt
des générations futures, exercent un rôle majeur. Les
conceptions plus fortes de la durabilité insistent plutôt,
quant à elles, sur la conservation des ressources naturelles et
confèrent une place première au principe de précaution
(Godard, 1997).
Cependant, la prégnance des effets d'incertitude invite
les auteurs à proposer de nouveaux schémas démocratiques
de prise de décision, que l'on a tendance à qualifier, non sans
ambiguïté ni controverses, de nouvelles gouvernances. À
nouveau, en précisant des cheminements articulant régimes
d'accumulation et conditionnements institutionnels, la TR pourrait contribuer
à affiner certains scénarios en termes de DD. De leur
côté, les contributions relevant du DD pourraient aider au
renouvellement de l'analyse régulationniste des ruptures. On sait que la
TR considère en général deux types de crises : les
« petites » et les « grandes » (Lordon,
1995).
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