2.3. Théorie de la
régulation et développement durable
L'auteur tente de montrer l'intérêt d'un
rapprochement entre la Théorie de la Régulation et le
référentiel, analytique et normatif, du développement
durable. Si ce rapprochement ne se conçoit pas sans précautions,
les deux constructions ne se situant pas sur le même plan
épistémologique, chacune aide cependant à éclairer
les zones d'ombre laissées par l'autre. La mise en rapport est notamment
féconde pour les entrées suivantes : conceptualisation du
système économique, rapport aux institutions, prise en compte de
l'environnement, rapport au temps, analyse des ruptures, et cadre spatial.
À titre de première illustration, il mobilise
les catégories régulationnistes pour questionner les dynamiques
fordistes et postfordistes au crible de la durabilité. La mise en
évidence d'antagonismes forts entre ces modes de développement
particuliers et les enjeux de durabilité invite à se demander si,
plus fondamentalement, certaines caractéristiques essentielles du
capitalisme ne seraient pas en cause (Sandrine
Rousseau et Bertrand Zuindeau 2001)
On relie généralement l'apparition de la notion
de développement durable (ou soutenable) à la parution, en 1987,
du rapport élaboré par la Commission mondiale sur l'environnement
et le développement, Our common future, plus connu sous le nom
de sa présidente, Gro Harlem Brundtland Il est clair, cependant, que la
notion dispose d'antécédents intellectuels, parfois anciens,
s'inscrivant dans la pensée écologique et dans l'économie
politique (CMED, 1987).
La définition la plus célèbre du DD
résulte également du rapport Brundtland. Elle voit ce mode de
développement comme « répondant aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux
leurs ». Cependant, sans que cela soit contradictoire avec la
définition qui précède, le DD est très souvent
appréhendé comme l'articulation des trois composantes
suivantes : équité sociale, efficacité
économique et préservation durable des acquis, voire une
quatrième, la gouvernance (CMED, 1987, p. 51).
La problématique du DD a suscité une importante
littérature, provenant de milieux d'acteurs divers et marquée de
différences parfois très contrastées, notamment avec, d'un
côté, des approches plutôt
« modérées » (ayant pour source les
entreprises et leurs représentants ou certaines institutions
internationales telles que la Banque mondiale ou l'OCDE) et de l'autre, des
approches davantage « radicales »
(généralement issues de certaines ONG), considérant le DD
comme un mode de développement alternatif au mode de
développement économique actuel.
Sur un plan heuristique, divers corpus théoriques tels
que l'institutionnalisme ou le courant néo-classique ont cherché
à intégrer, avec plus ou moins de réussite, cette
référence nouvelle. Des approches plus originales telles que
l'économie écologique se sont, par ailleurs, constituées
pour tenter d'apporter d'autres lectures (Costanza, 1991 ; Krishnan et
al.1995).
Face à ce foisonnement théorique, il est
possible d'opérer une partition entre les approches dites de la
« durabilité faible » (issues en particulier du
courant néoclassique) et celles relevant de la
« durabilité forte » (économie
écologique, approche institutionnaliste, notamment). Les
premières retiennent généralement l'hypothèse d'une
possible substituabilité entre les différents facteurs de
production (capital naturel, capital physique, travail), voire entre les
différents types de biens (l'environnement étant alors
envisagé comme un bien économique parmi d'autres).
À l'inverse, les tenants de la durabilité
forte, se montrent critiques d'une telle hypothèse et
appréhendent l'environnement comme une variable tout à fait
spécifique. De tels fondements théoriques différents, il
résulte des analyses et des préconisations politiques
elles-mêmes très différenciées. Ici on ne cherche
pas à se positionner vis-à-vis de ces différentes
contributions, qu'elles soient empiriques ou théoriques, mais aimerait
apprécier la pertinence d'un autre courant théorique qui,
jusqu'à présent, n'a pas paru s'intéresser au DD : la
Théorie de la Régulation.
Le rapprochement entre DD et TR n'est pas artificiel. Il nous
semble que l'un et l'autre sont à même de dépasser leurs
« zones d'ombre » respectives. Surtout, la TR est
susceptible d'offrir une caractérisation du capitalisme et de ses
différents modes de développement à même
d'éprouver la compatibilité entre la logique de ce système
économique et social particulier et la logique inhérente au
DD.
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