6.2.3. Femmes dans le
processus
Un certain nombre d'insuffisances a été
soulevé dans les chapitres précédents relatifs au
rôle des femmes. Ces femmes, pour le cas des producteurs en T&V, sont
considérées comme la base de la survie des exploitations
familiales à travers le rôle qu'elles y jouent du point de vue de
Moris 1994 que nous partageons bien sûr. Mais il s'est fait que tout au
long de ces décennies de mise en oeuvre de l'approche T&V, elles ne
se sont pas vues accordée la place qui leur revenait dans le dispositif.
Certes le problème de la participation se pose, d'une part, pour des
raisons d'équité et, d'autre part, parce que bon nombre
d'agriculteurs d'Afrique subsaharienne sont des femmes, lesquelles sont
rarement représentées parmi les paysans pilotes du système
T&V Due et al. (1987) cité par Moris (1994). Si tel est le cas que
pouvons- nous espérer comme effet sur le ménage si ce n'est une
marginalisation de plus en plus croissante des femmes dans les dispositifs de
T&V. Quant aux femmes dans le cas du CEF nous avons pu constater que la
fiabilité des informations collectées sur le ménage est
fonction de la compréhension et de l'intégration des femmes dans
les dispositifs CEF. Ceci est un très grand défi qui peut
être relevé dans la mesure où les femmes intègrent
facilement les groupes CEF quelles que soient les activités qu'elles
mènent.
6.2.4. Dépenses du
ménage et gestion du revenu
La plupart des producteurs en CEF affirment mieux comprendre
la notion de revenu. En effet, avec le cahier journal de caisse (JC) où
chaque sortie d'argent, de tout ordre et entrée d'argent est
consignée chaque jour, nous pouvons parler d'une nouvelle vision du
revenu. A la fin de chaque mois, le point des sorties et des entrées
d'argent est fait et le producteur voit ce qui lui fait plus sortir ou entrer
d'argent dans la caisse. Ainsi, nous avons reçu les témoignages
suivants
« Avec ce que j'ai eu comme résultat les
trois premiers mois j'ai constaté qu'en réalité, je
n'étais pas pauvre mais que je dépensais mon argent
anarchiquement. »
« Avec le conseil j'ai pu constater que
l'activité qui me rapportait le plus d'argent est la politique
(participation aux réunions, au meeting et aux dons d'homme à
homme etc.) et ce qui me faisait en perdre énormément est de
faire des dons anarchiques à mes amis, comme des tours de table au
cabaret. Aujourd'hui je planifie toutes mes dépenses et je
prévois la part relative aux dons, j'ai constaté une
amélioration de mon revenu et ma famille ne manque plus de
rien.»
« J'ai constaté que c'était la
cigarette qui finissait mon argent. Avant quand ma femme vient demander 25
francs pour acheter du sel je préfère dire que je n'en ai pas et
aller dépenser cet argent pour fumer. Aujourd'hui je sais quelle
quantité de sel il me faut pour toute l'année et je me
prépare. Je n'ai pas arrêté de fumer mais grâce au
conseil j'ai pu réduire de moitié les dépenses relatives
à ce vice, c'est déjà un pas.»
« J'étais celui qui donnait l'argent de
petit déjeuner à tous les enfants de la maison. Mais après
six mois de conseil j'ai pu voir que cette activité m'appauvrissait et
donc maintenant je ne m'occupe plus du petit déjeuner des neveux
(enfants de mes frères) qui ne manquent pas de moyens pour le
faire. »
« Je ne savais pas qu'un jour je pouvais autant
réduire la quantité d'alcool que je consommais rien qu'en voyant
la part que cela amputait dans mon petit revenu. Les résultats des
analyses m'ont contraint à diminuer ma dose d'alcool pour plus disposer
d'argent pour ma famille. Je pense sincèrement que tous les producteurs
devraient bénéficier du conseil »
Il est heureux de constater à travers ces
témoignages les effets du conseil non seulement sur la gestion du revenu
et les dépenses du ménage mais aussi à travers la
conscientisation des producteurs. Beaucoup de producteurs ont diminué
les quantités d'alcool ou de cigarette consommées voire
arrêter pour d'autres. N'est-ce pas là un autre effet qui à
long terme pourrait démontrer des impacts positifs du conseil sur la
santé et le bien-être de ses adhérents ? Il a
été aussi constaté que bon nombre de producteurs CEF se
lancent dans une capitalisation de leur revenu en bétail.
Derrière le but essentiel de cette manoeuvre qui est avant tout de faire
des profits (après un à deux ans d'embouche), se cache le souci
de ne pas avoir sur soi de la liquidité afin d'échapper aux
emprunts sollicités par les frères et amis.
Quant à la Formation et Visite aucune
réalisation ou action n'a été menée à
l'endroit des producteurs dans le but qu'ils abordent une meilleure gestion de
leur revenu. Certes les actions relatives à l'augmentation des
quantités produites ont pour conséquence une augmentation du
revenu ; mais, quelle est l'utilité d'augmenter le revenu si
celui-ci est mal géré ?
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