La participation des collectivités territoriales décentralisées à la protection de l'environnement au Cameroun, en Belgique et en France.( Télécharger le fichier original )par Guy Laurent KOUAM TEAM Université de Limoges (France) - Master en droit international et comparé de l'environnement 0000 |
SECTION 2 : Les moyens mobilisés par les collectivités territoriales des 3 pays pour la protection de l'environnementComme nous l'avons déjà vu, les équipements collectifs sont de plus en plus, en France comme en Belgique, de la responsabilité des collectivités locales. L'augmentation des compétences environnementales résultant en particulier de mouvements de décentralisation surtout en France et au Cameroun et la demande sociale d'intervention dans ces trois pays sont des facteurs d'accroissement des dépenses des collectivités locales. Les dépenses des collectivités locales représentent en Europe environ 11% du PIB européen188(*). Cependant, les autorités centrales des trois pays détiennent également encore l'essentiel des moyens. La responsabilisation progressive des collectivités locales en matière de politique environnementale revient à pouvoir donner aux assemblées élues un ensemble d'instruments et de moyens leur permettant d'assurer pleinement leur responsabilité politique et sociale. L'Ifen189(*) estime, qu'en 2005, les collectivités locales françaises ont supporté le quart du total des dépenses consacrées en France à la protection de l'environnement190(*). Il a progressé cette année-là, selon l'Ifen de près de 12 %, soit environ trois fois plus vite que celui des autres acteurs. Le même rapport souligne que les communes et leurs groupements fournissent, à eux seuls, plus de la moitié des financements publics en 2005. La contribution des départements et des régions est sensiblement plus faible191(*). La politique de transfert continu de compétences et les responsabilités de plus en plus croissantes de ces collectivités ne devraient pas faire changer la tendance. Les collectivités locales camerounaises devraient très bientôt être confrontées à la même réalité, étant donné que les tous premiers transferts de compétences dites de « première génération »viennent d'être effectués et que le processus est irréversible192(*). En Belgique, la situation est sensiblement différente de celle de la France. En effet, selon le rapport fédéral 2009 sur les indicateurs du développement durable193(*), la majorité des dépenses publiques pour la protection de l'environnement est financée par les Régions et les communes. C'est en effet à ces niveaux de pouvoir que se trouve la grande majorité des compétences environnementales. En 2004, les dépenses publiques pour la protection de l'environnement étaient financées à 31 % par les communes. Les communes françaises ont donc été pendant cette période plus investisseuse en matière de protection de l'environnement que leurs homologues belges. Ainsi, les collectivités doivent se doter de divers moyens pour s'assurer d'une politique environnementale efficace. Quelle est la marge de manoeuvre, dont elles disposent pour répondre à ces exigences croissantes également en termes de moyens ? Ces moyens doivent être efficacement mobilisés par ces différentes collectivités territoriales. Ils peuvent être de divers ordres, soient financiers, soient techniques et humains. &.I: Les moyens financiers: diverses possibilités de financement de l'action environnementale par les collectivités locales des 3 paysDe quels pouvoirs financiers disposent réellement les collectivités ? L'État a-t-il mis à la disposition des collectivités des leviers financiers suffisants pour mener à bien leurs politiques environnementales ? Concrètement diverses possibilités financières existent, même si la marge de manoeuvre des collectivités est beaucoup plus économique que fiscale. Comme le rappelle l'article 9 consacré aux ressources des collectivités de la Charte européenne de l'autonomie locale initiée par le Conseil de l'Europe, adoptée en 1985 et ratifiée par nos 12 pays, l'autonomie réelle des collectivités passe par leur autonomie financière. L'autonomie financière des collectivités consiste à disposer de ressources suffisantes et diversifiées, dont elles peuvent librement déterminer le montant et l'affectation. Toutefois, l'autonomie financière est indissociable des mécanismes de péréquation pour permettre aux collectivités les moins nantis d'assurer leur mission. Il existe donc, des moyens financiers tirés de la fiscalité locale, des fonds tirés du concours de l'Etat, et la possibilité de faire des emprunts pour des projets liés à la protection de l'environnement. I- La fiscalité locale comme premier levier financier des collectivités française, belges et camerounaises pour la protection de l'environnementL'approche fiscale environnementale est souvent utilisée en Europe comme en Afrique, plus dans un but plus financier qu'incitatif. Ces taxes, souvent qualifiées d'écotaxes en Europe, sont souvent soit d'origine nationale, soit d'origine locale. La fiscalité locale est de deux ordres194(*): une fiscalité additionnelle tout d'abord. La commune prend un "additionnel" sur un impôt étatique préexistant195(*) et une fiscalité propre ensuite, ce sont les taxes communales. La fiscalité locale selon le principe de l'autonomie en matière de décentralisation peut bien évidemment servir à financer les activités de protection de l'environnement. En effet, les impôts et taxes sont progressivement devenues la catégorie de ressources la plus importante des collectivités en France et en Belgique. Pour l'année 2006, en France, ils représentent 88,38 milliards d'euros, soit 46,6 % des recettes totales. Pour 2007, leur part est estimée à 47,1 %.Dans la région wallonne pour la Belgique, alors qu'en 1977 elle couvrait 29 % des recettes des communes, elle procure aujourd'hui près de 40 % des moyens financiers196(*). Notons qu'en France, le nombre de taxes a augmenté de 33% en 10 ans (1985-1995), évolution imputable principalement au développement des taxes dans le domaine des déchets, de l'air et du bruit. Les collectivités territoriales ne peuvent pas créer de taxes et à l'heure actuelle elles ne détiennent pas les principales taxes environnementales. Par ailleurs, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a aucune valeur incitative en matière de réduction des flux polluants. Quant aux redevances elles n'ont souvent qu'un objectif de financement d'un service rendu. Par contre l'État applique et perçoit une taxe uniforme sur l'ensemble du territoire sur chaque tonne de déchets mise en décharge. Or, son niveau devrait pouvoir s'adapter aux contraintes environnementales locales, mais cela n'était guère possible en France jusqu'en 2003. En réalité en matière de taxes environnementales, la France avant les mesures du grenelle pratiquait l'un des taux les plus faible de l'Europe. Les fonds récoltés étaient destinés à collecter des fonds pour satisfaire au besoin de collecte de rejets, d'activité d'épuration et d'autres. Avec le Grenelle de l'environnement la situation va un peu changer car comme nous l'avons vu par ailleurs, la France est rentrée dans l'ère de la fiscalité incitative même si, avec le principe de l'affectation intégrale du produit de la fiscalité environnementale au financement des mesures du Grenelle Environnement, les recettes du budget de l'État ne bénéficient aucunement du relèvement de la fiscalité environnementale qui est entièrement affecté au financement de dépenses de protection de l'environnement197(*). Par exemple, l'éco-redevance poids lourds est affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'augmentation de la taxation des pesticides finance le plan éco phyto 2018, l'accroissement de la taxe générale sur les activités polluantes finance notamment un plan d'investissement des collectivités locales dans les équipements de prévention et de recyclage des déchets. En Belgique, les revenus fiscaux représentent 45% des recettes des communes. Cette ressource a de plus tendance à augmenter en raison de la stagnation des transferts par l'intermédiaire du fonds des communes et l'augmentation des dépenses à financer. Ainsi, « La progression de la base imposable a permis une nouvelle progression de la fiscalité communale au détriment du fonds des communes. La fiscalité renforce sa position de première source de financement des communes wallonnes ce qui signifie que les communes sont de plus en plus tributaires des ressources qu'elles peuvent `mobiliser' sur leur propre territoire. »198(*) Pour la ville de Bruxelles par exemple, les taxes communales, hors considération de la taxe additionnelle à l'impôt des personnes physiques, constituent 25 % des recettes fiscales en 2005199(*).Donc, en général, les communes belges tirent des revenus considérables de la fiscalité dont elles disposent d'assez de liberté dans le cadre de l'affectation. La protection de l'environnement peut donc être un des domaines prioritaires de cette affectation. Au Cameroun, mis à part le financement par la fiscalité locale directe dont peuvent faire usage les collectivités camerounaises, il existe un organisme spécialement dédié à appuyer financièrement les communes dans leur projets d'investissement. Il s'agit du FEICOM200(*). Sa principale mission est d'accompagner les Collectivités Territoriales Décentralisées dans le processus de développement en leur apportant notamment une assistance technique et financière. Cet organisme apparaît donc comme l'instrument privilégié du développement local au Cameroun. Cet organisme public collecte un impôt qui porte son nom et qui est totalement affecté au financement des projets des communes sur tout le territoire camerounais. * 188 - Voir la page <http://www.lexinter.net/JF/financement_des_collectivites_locales.htm> * 189 - Données de l'environnement publié le jeudi 23 août 2007 le numéro 118 de son « 4 pages ». * 190 - Le reste étant financé par les entreprises et les ménages. * 191 - Respectivement 11 % et 8 % pour les départements et les régions et 68 % pour les communes et leurs regroupements * 192 - La décentralisation est effective depuis le 1er janvier 2010.Plusieurs décrets en divers domaines ont été pris par le premier ministre en date du 26 février 2010. * 193 - Voir la fiche, F 49 Dépenses des pouvoirs publics pour la protection de l'environnement sur le site <http://www.plan.be/websites/tfdd_88/fr/r5fr_fichessite754.html>. * 194 - DE BEIR, JEAN ; DESCHANET, Elisabeth ; FODHA, Mouez. Op cité p. 8 * 195 - L'impôt sur le revenu des personnes physiques par exemple. * 196 - Olivier Dubois - Août 2006 Financement des communes et développement territorial durable en Région wallonne: quelles contraintes pour les communes? (page consulté le 23 juillet 2010) <http://www.uvcw.be/articles/3,13,2,0,1634.htm> * 197 - Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat. La fiscalité environnementale prend son essor, op cité p.3 * 198 - Les finances locales en Europe. Les finances locales en Belgique. 30 novembre 2009( page consulté le 22 juillet 2010) < http://www.unilim.fr/prospeur/fr/prospeur/ressources/finances/belgiq/presentation.htm> * 199 - La réforme fiscale a entraîné une baisse progressive des recettes au niveau de la taxe additionnelle à l'impôt des personnes physiques (IPP). A noter que la Ville applique un taux IPP de 6% qui est en dessous de la moyenne des autres communes. Même si le nombre de ses habitants a augmenté, le revenu moyen a baissé et se trouve en dessous des moyennes régionale et nationale; en conséquence, la capacité contributive de sa population diminue. * 200 - Il a été créé par la loi n° 74/23 du 05 décembre 1974 portant organisation communale au Cameroun et rendue opératoire par le décret d'application N°77/85 du 22 mars 1977. |
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