Le régime de l'administration transitoire des territoires en droit international.( Télécharger le fichier original )par Luc Yannick ZENGUE Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies en droit international public et communautaire 2007 |
Paragraphe 2 : La nécessaire implémentation des exigences d'une gouvernance démocratiqueL'absence au sein de l'administration intérimaire, des mécanismes de protection du citoyen contre l'exercice arbitraire des prérogatives de puissance publique est difficilement compatible avec les nécessité de la gouvernance démocratique et de l'Etat de droit. Pour remédier à cette lacune commune aux administrations transitoires de territoire jusqu'ici observées, il convient d'y introduire le principe de la séparation des pouvoirs (A) et d'aménager la vérification de la légalité des actes du RSSG (B). A. L'introduction du principe de la séparation des pouvoirsSi en raison du chaos dans lequel se trouve le territoire, une certaine concentration des pouvoirs entre les mains du chef de la Mission onusienne peut être tolérée, elle devient insupportable au fur et à mesure que l'on s'avance vers une stabilisation. En réalité, « toute société dans laquelle [...] ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »412(*). L'on doit pouvoir cerner la signification du principe de la séparation des pouvoirs avant que de saisir son apport dans l'amélioration de la qualité d'une administration intérimaire. 1- La signification et la pratique contemporaine du principe de la séparation des pouvoirs Monsieur Charles de Secondat, Baron de la Brède et de Montesquieu, président du Parlement de Bordeaux est mieux connu sous le nom de Montesquieu. Il s'agit d'un rebelle magistrat et aristocrate. Indigné par le despotisme monarchique, il en cherche les moyens de combat et d'établissement de la liberté. Constatant que le roi s'appuie sur la bourgeoisie pour concentrer le pouvoir qu'il utilise contre l'aristocratie, seule en mesure de le freiner, il pense l'instauration d'un gouvernement modéré en organisant une forme de régime mixte. L'idée directrice de la pensée de Montesquieu est donc la suivante : La liberté par la modération. Evoquant la Constitution anglaise, Montesquieu déclare que « la liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites [...] »413(*). Le pouvoir est par essence dangereux et pousse naturellement celui qui le possède à en abuser. Quand dans la même personne à l'instar d'un RSSG, sont réunies les puissances législative et exécutrice, il n'ya pas de liberté, puisqu'on peut légitimement craindre que le même « monarque » élabore des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Tout espoir est lorsqu'une seule et même entité exerce le pouvoir de faire les lois, d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. Pour éviter cela, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. En d'autres termes, il faut limiter le pouvoir pour garantir la liberté. Dans le fonctionnement actuel des Etats modernes, la séparation des pouvoir est devenue un dogme appliqué de manière plus ou moins fidèle à son auteur. D'une part, la séparation existentielle des pouvoirs ou séparation organique des fonctions n'exclut pas une collaboration fonctionnelle des pouvoirs. On parle dans ce cas d'une séparation souple des pouvoirs propre aux régimes parlementaires. D'autre part, l'on a une séparation stricte ou rigide des pouvoirs qui caractérise les régimes présidentiels. Par ailleurs, l'on a soit une séparation horizontale, soit une séparation verticale. La division verticale du pouvoir s'opère à l'intérieur, entre l'Etat et les collectivités locales, et au dessus, entre l'Etat et les organisations intergouvernementales. Quelle que soit son intensité, le principe de la séparation des pouvoirs peut contribuer de manière significative à l'optimisation de l'activité d'une administration intérimaire. 2- La contribution du principe de la séparation des pouvoirs dans l'amélioration de la qualité d'une administration intérimaire La portée de la séparation des pouvoirs au sein d'une administration transitoire peut être déclinée dans trois domaines : Le recul de l'autoritarisme, la prévalence de la logique des contrepoids et l'instauration d'un régime démocratique. Pour ce qui est du recul de l'autoritarisme, il faut noter que l'homme actuel emploie le principe de la séparation des pouvoirs pour distinguer les régimes despotiques des régimes libéraux. L'observation par les autorités d'une administration intérimaire de la séparation des pouvoirs, consacrerai à coup sur le recul de l'autoritarisme dans la région concernée, et partant, le retour de la pacification des relations intercommunautaires. En ce qui concerne la neutralisation des pouvoirs, elle est une garantie de la limitation des pouvoirs de l'administration transitoire et ne peut être favorisée que par la séparation des pouvoirs. Au sein d'une administration intérimaire, la fonction principale qui est celle d'élaborer les lois, doit être le résultat d'un compromis entre le RSSG, les autres intervenants et la population locale : D'une part, les autres organisations intervenantes et la population locale réunies dans le cadre des structures d'une administration conjointe, sont dotées de la faculté de statuer, et d'autre part, le RSSG intervient au moyen d'un droit de veto, qui doit être un moyen d'empêcher les irrégularités. En outre, le pouvoir de juger est indispensable à la limitation des pouvoirs du RSSG. Il n'est pas compris ici au strict sens du pouvoir judiciaire, mais s'étend également à la notion de pouvoir juridictionnel qui englobe l'activité des cours constitutionnelles et des tribunaux administratifs. Quant à l'efficacité de la séparation des pouvoirs dans l'instauration de la démocratie, il s'agit d'une capacité plus que certaine. De fait, la séparation des pouvoirs est « une condition nécessaire (sine qua non) à l'existence même si pas suffisante (per quam) à l'existence d'un gouvernement démocratique »414(*). En effet, la séparation des pouvoirs est une théorie indissociable de la démocratie. Bien qu'insuffisante à l'identification de la démocratie dans une société, la séparation des pouvoirs est nécessaire à la démocratie. De nos jours, la chose la mieux partagée entre tous les régimes démocratiques est la séparation des pouvoirs. La liberté est l'élément capital de la démocratie. Or le principe fondamental de la séparation des pouvoirs demeure : pour préserver la liberté, il faut nécessairement que le pouvoir arrête le pouvoir. Les dispositifs internationaux - politiques ou économiques - visant à inciter les États à acquérir le label démocratique connaissent une véritable explosion. Il doit en être autant lorsqu'une organisation internationale prend en charge la gestion d'un territoire. Il serait louable que ce principe soit adapté et étendue, au regard de la nouvelle dimension de l'exercice des prérogatives de puissance publique, à l'administration transitoire des territoires en droit international. En dehors de la séparation des pouvoirs, les capacités de l'administration transitoire des territoires peuvent se trouver renforcées à travers le contrôle des actes du RSSG. * 412 Article 16, Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 * 413 MONTESQUIEU, L'esprit des lois, 1748, chapitre VI du Livre XI cité par COHENDET (M.-A.), Droit Constitutionnel, 2éme édition, Montchrestien, Paris, , 2002, p. 334 * 414 COHENDET (M.-A.), Droit Constitutionnel, 2éme édition, Montchrestien, Paris, , 2002, p. 336 |
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