Le régime de l'administration transitoire des territoires en droit international.( Télécharger le fichier original )par Luc Yannick ZENGUE Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies en droit international public et communautaire 2007 |
B. Au niveau du concours des autorités et de la population localesLe but ultime de l'institution d'une administration transitoire est le rétablissement de la paix entre les différentes couches sociales, politiques ou religieuses d'un Etat. Au Kosovo par exemple, il s'agit de construire une société démocratique multiethnique. D'où la conception des activités de la Mission en association avec la population locale. Toutefois, dans la pratique, ladite association s'avère souvent non authentique en raison des tergiversations des locaux et de la persistance des structures ségrégatives. 1- Un concours bivalent et non intégral Dans leur collaboration avec la Mission d'administration intérimaire, les autorités ainsi que la population locales peuvent être comparées à janus. D'après la mythologie grecque, le dieu janus présentait un visage à double facette. C'est la réalité de l'action des locaux de l'administration transitoire dont le concours à la réalisation des objectifs de la Mission s'aperçoit comme une collaboration de façade. En effet, en même temps qu'elle est sensée apporter son secours à la Mission, elle n'hésite pas à oeuvrer par tous les moyens pour la défense de leurs intérêts personnels. Le Conseil de Sécurité tout en se félicitant de l'adhésion de l'Etat hôte à la solution envisagée, instruit à l'attention de ce dernier un certain nombre de mesures à prendre pour assainir l'environnement dans lequel se déploie la présence internationale. Cependant, ces mesures ne sont pas fidèlement mises en oeuvre sur le terrain où l'on identifie très souvent des soubresauts des autorités locales. Ainsi, en dépit des paroles rassurantes et des rencontres de réconciliation, la sécurité à Timor oriental demeure une question délicate, particulièrement vis-à-vis du grand voisin archipélagique, l'Indonésie. Elle est plus que problématique pour les cent mille déplacés vivant encore à Timor-Ouest ou dans les îles adjacentes, que les autorités indonésiennes et les milices utilisent de manière plus qu'ambiguë. Les déplacés sont utilisés comme moyen de pression contre les critiques de la communauté internationale. Par ailleurs, parmi les candidats au retour « proposés » par l'armée indonésienne sont souvent infiltrés d'anciens miliciens qui peuvent soit susciter de l'instabilité, soit être rejeté à leur arrivée et entretenir une propagande selon laquelle les Timorais réserveraient un mauvais accueil aux réfugiés. La sécurité est également menacée à la frontière où des escarmouches régulières se produisent du nord au sud, ayant causé la mort de Timorais et de casques bleus de l'ONU. Sauf réelle volonté politique de l'Indonésie, la situation aurait due rester vraisemblablement à ce niveau tant que les 9 000 membres de la force d'interposition restaient sur le territoire, mais même si des pourparlers de réconciliations continuaient de se tenir, les milices toujours soutenues en sous-main par l'armée indonésienne promettaient de revenir dès que le territoire ne serait plus protégé. Outre ce double rôle qui ne garantie pas le succès de la Mission, l'on décrie la persistance au sein de l'administration, des bastions de la ségrégation. Cet état de chose ne prédispose en rien l'unité nationale recherchée à laquelle aspirent généralement les accords de paix auxquels se réfèrent les résolutions du Conseil. 2- La persistance des structures ségrégatives Le cas qui illustre au mieux la rémanence des clivages socioculturels et politiques au sein d'une administration intérimaire est la situation au Kosovo. La gageure pour la MINUK était d'organiser concrètement la coexistence quotidienne des membres des différentes communautés dans un espace commun. Il s'agissait d'empêcher une discrimination à l'encontre des Serbes et des autres minorités, de démanteler les structures ségrégatives. Le retour des personnes autrefois contraintes à l'exil lors de la révocation du statut d'autonomie fut matériellement préparé à travers le lancement d'un programme de restauration des bâtiments endommagés324(*), et sur le plan juridique, par l'abrogation de deux lois serbes de 1991 relatives au droit de propriété, stigmatisées comme discriminatoires325(*). Cependant, la jouissance effective de leurs résidences ne pouvait être promise aux habitants du Kosovo. Par ailleurs, en recouvrant leurs biens, ceux-ci se trouvaient interdits d'accès aux services publics, privés de la liberté de se mouvoir, et exposés aux actes d'intimidation ou aux représailles de leurs concitoyens. La ségrégation a perduré dans les hôpitaux326(*)et dans les écoles. Sur ce dernier point, la presse pallie au silence du Rapport du Secrétaire général. En mars 2000, élèves serbes et albanophones se partagent les locaux et la cour d'une seule école, dans le strict respect de la parité entre les communautés. Pour le directeur, « les Serbes l'ont construit il ya dix ans, et maintenant ils restent là »327(*). En outre, l'assassinat des notables issus de la communauté minoritaire est resté l'argument le plus efficace pour décourager la mixité d'une Commune. L'insécurité sur les routes éloigne les habitants minoritaires des services publics. Par ailleurs, le Secrétaire général décrie lui-même une « discrimination humanitaire ». Selon lui, « la distribution de l'aide humanitaire et la fourniture des services de première nécessité continuent d'être entachées de discriminations »328(*). Plus grave, parce que directement liée au passage rapide d'une administration internationale directe des Nations Unies à une administration conjointe, est la « discrimination judiciaire » qui décourageait la coexistence pacifique des populations. Le déficit en poids et en influence du souverain territorial ou de ce qu'il ya lieu de considérer comme tel, a des conséquences sur le déroulement des activités d'une présence internationale. * 324 Le bilan en est dressé au paragraphe 74 du rapport du Secrétaire général (S/2000/177, 3 mars 2000) * 325 Voir UNMIK/REG/1999/10, 13 octobre 1999 * 326 S/1999/1250, 23 décembre 1999, par. 38 * 327 Cf. « A Rabovce, l'école de la haine », Libération, 22 mars 2000, p. VII * 328 Voir S/2000/177, Op. Cit, par.50-59 |
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