1.1.3.4.. Utilisation des poubelles et rejet des
ordures dans les espaces publics
Ce que l'on désigne par poubelles ici ce sont
généralement des vieux seaux ou des sacs usés que l'on
installe à proximité de la cuisine ou non loin des portails. Dans
les concessions composées de plusieurs ménages, chacun dispose de
sa (ses) propre (s) poubelle (s). C'est très souvent le cas des
concessions où cohabitent plusieurs locataires ou un regroupement de
plusieurs familles constituant chacune un sous-ménage avec,
très souvent, un seul chef de ménage comme dans les familles
polygamiques. Il faut mentionner que ces poubelles reçoivent des ordures
solides alors que les eaux sales sont déversées dans les
caniveaux ou ce qui en tient lieu ou, dans les rues. Le tableau suivant
renseigne sur l'utilisation des poubelles par les ménages à
N'Djaména.
Tableau n°10 : Répartition des personnes selon
l'utilisation des poubelles
Libellé
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Nombre
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Pourcentage(%)
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personnes utilisant une (des) poubelle (s)
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38
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55,1
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personnes n'utilisant pas une (des) poubelle (s)
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29
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42,0
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Indéterminés
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2
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2,9
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Total
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69
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100
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Les facteurs structurant les représentations des espaces
urbains et rapports aux ordures
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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Source : nos enquêtes juillet 2004
Les vingt neuf personnes qui, dans notre échantillon
affirment ne pas posséder de poubelles se servent en
réalité de décharges individuelles qui sont
également appelées communément « poubelles ».
Donc une poubelle n'est pas seulement un récipient tel que l'a voulu M.
Poubelle. La poubelle désigne tout endroit ou l'on peut jeter des
ordures.
Nous voulons montrer que cet indicateur révèle
deux choses extrêmement simples :
Premièrement l'utilisation des poubelles individuelles
peut être accompagnée d'une connaissance des dangers que
représentent les ordures dans le cadre de vie des individus. Et
deuxièmement, le fait d'utiliser les poubelles crée chez les
individus des réflexes favorables à l'assainissement des espaces
urbains. Il est clair qu'un individu habitué à se servir des
poubelles pour se débarrasser de ses ordures reproduirait plus
aisément ce comportement dans les espaces publics qu'un individu non
habitué à se servir des poubelles dans la sphère
privé. En tout cas, la possibilité d'acquérir une
culture-poubelle est plus forte chez le premier que chez le second.
Evidemment, l'espace public en milieu urbain étant le lieu d'interaction
par excellence, l'action des individus peut être influencée par
d'autres facteurs notamment le regard accusateur des autres. Mais ce qui peut
rendre homogène les comportements des individus dans les espaces publics
est la loi. Car comme le soutiennent les auteurs de l'Ecole de Chicago, «
les moyens de régulations des comportements se transforment quand on
passe de la campagne à la ville. La régulation fondée sur
les moeurs et la tradition devient une régulation fondée sur la
loi écrite » (B. Valade et al., 1996 :455). Ainsi la connaissance
des dangers sanitaires que représentent les ordures doit être
combinée avec le respect de la loi pour créer chez les individus
des comportements favorables à l'assainissement des espaces publics tel
que l'utilisation correcte et systématique des bacs à ordures.
Ce que nous essayons de démontrer ici est que les
populations de N'Djaména ont reproduit des habitudes acquises dans les
espaces non habités en milieu rural dans les espaces urbains non
habités. Mais ce qui apparaît comme un fait anodin en zone rurale
devient un problème sérieux de santé publique notamment en
ville. Car le volume des ordures déposées dans ces espaces est
plus important étant donné que la production des ordures par les
ménages est fonction de la densité de la population et du niveau
de vie de celle-ci. En général, la production et/ou la
reproduction des modes de vies hérités du monde rural peut
être source de désorganisations sociales importantes dans le
nouveau milieu de vie. « La désorganisation
Les facteurs structurant les représentations des espaces
urbains et rapports aux ordures
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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sociale s'entend d'une situation dans laquelle les attitudes
(héritées du groupe d'origine) ne correspondent plus aux valeurs
régnant dans le nouveau milieu » (B. Valade et al., 1996 : 451).
C'est pourquoi, pour maintenir l'ordre, ou pour reprendre le savant concept
d'« organisation sociale » 36 hérité de Thomas et
Znaniecki dans le nouveau contexte urbain, « le moyen de régulation
des comportements se transforment quand on passe de la campagne à la
ville : la régulation fondée sur les moeurs et la tradition
devient une régulation fondée sur la loi écrite »
(Valade et al., 1996 : 454). Mais comme le constatent les autorités de
la voirie la loi n'est pas appliquée.
Ceci est symptomatique de ce que Ledrut (1979 : 187) appelle
savamment dans sa sociologie urbaine, le « continuum rural »
qu'on peut observer dans certaines sociétés urbaines. C'est ce
concept qui justifie sa métaphore villageoise de « village dans la
ville » employée pour qualifier des manières d'être en
ville se caractérisant par quelques traits associés aux modes de
vie rurale.
RAPPORTS AUX ORDURES
Les rapports aux ordures s'établissent de plusieurs
façons. Il s'agira d'analyser les différentes fonctions que
remplissent les ordures. On verra que les ordures ne sont pas seulement ce que
l'on doit jeter ou que l'on jette réellement aux poubelles. Une forme de
valorisation, un usage des ordures à l'oeuvre à N'Djaména
révèle la particularité de la gestion des ordures
ménagères dans cette ville.
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