1.1.3. - Quand l'anonymat de la ville favorise la
reproduction de certaines habitudes rurales d'investissement des
espaces.
Nous choisissons deux exemples pour illustrer notre propos. Il
s'agit de l'usage des espaces publics pour la réalisation des rites
thérapeutiques, la satisfaction des besoins naturels et le rejet dans
ces espaces des ordures ménagères.
1.1.3.1. Espaces publics : lieu de rite, d'aisance et
décharges publiques ?
Un nombre non négligeable de comportements
déployés dans les espaces vides en milieu urbain mérite
d'être considérés comme une reproduction des usages de
cette catégorie d'espace en milieu rural. Dans les campagnes en effet,
les espaces vides (excepté les lieux sacrés : bois sacrés,
cimetières par exemple) qui sont grosso modo les alentours des
cases, les terrains d'agriculture mis en jachère non loin des cases ou
des zones de pâturage sont des endroits où sont jetées des
ordures non pas en tant qu'ils servent de décharges d'ordures mais de
zones de production agricole ou d'élevage. Les rues peuvent être
transformées temporairement en lieu de rite thérapeutique.
1.1.3.2. S'agissant des rites thérapeutiques
Mais ces espaces sont fortement réglementés par
les moeurs en milieu rural. En effet s'il est vrai que l'on peut
déféquer en pleine brousse, on ne peut pas le faire dans les
environs des concessions des voisins sous prétexte que ces espaces sont
vides ou non habités. Quant aux ordures ménagères, elles
n'investissent les espaces publics en milieu rural dans la partie
méridionale du Tchad par exemple, notamment les croisements des rues,
qu'à la suite des rites thérapeutiques qui se réalisent
d'ailleurs la nuit. Le rite thérapeutique, en effet, consiste
généralement à transporter le malade à un
croisement de rue et à lui faire une toilette à base
Les facteurs structurant les représentations des espaces
urbains et rapports aux ordures
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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d'une solution obtenue après la cuisson de certaines
écorces, des feuilles et des racines d'arbres ayant une vertu
thérapeutique. Les récipients et les résidus des
matières utilisées (écorces, feuilles et racines d'arbres,
récipients en poterie) sont abandonnées sur les lieux du rite et,
avec elles, la maladie dont souffrait le malade. Ici la maladie apparaît
comme une saleté, une ordure bref un corps étranger
maléfique qui habite le corps de l'individu. Il est donc vital de s'en
débarrasser par une toilette et ce, loin de chez soi, dans un espace
vide où elle n'a pas assez de chance de contaminer une autre personne.
Ceci se passe également sur les poubelles personnalisées
c'est-à-dire celles que l'on possède en milieu rural à
titre individuel. Ces lieux de rite deviennent des endroits maléfiques
puisque les maladies y ont été abandonnées. Les passants
les évitent de peur de contracter les maladies qui s'y trouvent
dorénavant. Les espaces publics (les rues surtout) ainsi que les
décharges publiques ou anarchiques expressément
créées par les individus servent à N'Djaména
à ces fins thérapeutiques.
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