2.2. Gestion des ordures ménagères
à Cotonou
Fidèle Tonon dans un article publié dans Enda
(1990 : 79-92) note que la collecte et l'élimination des déchets
solides dans les villes du Tiers Monde constituent l'une des difficultés
de gestion que rencontrent les autorités municipales. Les déchets
en fait sont très visibles dans le milieu urbain mais l'urgence de leur
élimination n'est pas perçue comme éminente. Selon cet
auteur, le rythme de développement des villes crée des besoins
d'investissement (eau, éclairage, transports...) par rapport auxquels la
gestion des déchets n'est pas une priorité. Et il pense que ceci
illustre bien la situation de la ville de Cotonou.
Cotonou en fait est présenté comme la
première ville du Bénin. Elle renferme 51% de la population
urbaine du pays et plus de 75% des activités industrielles. Ce
développement s'accompagne de nombreux problèmes dont
l'assainissement et l'évacuation des déchets de la ville. Tonon
rapporte avec prudence que 35% seulement de déchets produits en 1982
dans la ville sont ramassés par le service de voirie (l'étude qui
fournit ce chiffre date de 1985 la situation du Bénin a donc
probablement changé depuis ce temps). Cette année-là,
50850kg de déchets sont collectés par jour soit 123g par
habitant. Selon Tonon, ce chiffre ne correspond pas à la
réalité. Car sur le plan spatial, les véhicules de la
voirie desservent à peine le tiers du territoire de la ville.
L'année suivante, un autre auteur Bindu N. Lohani
rapporte qu' « à Bamako, 800m 3 d'ordures
ménagères sont produites par jour mais seuls 250m3
environ sont collectées sur une zone qui ne couvre pas l'ensemble de
l'agglomération » (Bindu N. Lohani ; 1990 :166-167). Et pour
remédier à cette situation, les pouvoirs publics « ont
décidé de l'organisation périodique de campagne de
salubrité, qui mobilisent tous les travailleurs et les populations de
Cotonou. » Mais le problème n'est pas résolu pour autant car
« l'extension des tas d'immondices se poursuit, surtout dans les quartiers
populaires ». Il tente d'expliquer cet échec par un certain nombre
d'arguments.
- l'échec des acteurs
politico-administratifs : il montre que, le quartier, la commune, le district
et la province sont des structures de l'Administration territoriale
béninoise « définies par la loi organique du 10 octobre 1981
portant création, organisation, attribution et fonctionnement
Gestion des ordures ménagères à
N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
|
45
|
des organes locaux du pouvoir de l'Etat et de ses organes
exécutifs » en matière de gestion des déchets.
- au niveau du quartier par exemple, il existe le «
Conseil Révolutionnaire Local (CRL), présidé par le
délégué du quartier (...). Dans le domaine de la gestion
des déchets, le CRL doit organiser les campagnes nationales de
salubrité et veiller à l'entretien des chemins et des rues, ainsi
qu'à leur commodité et à la sécurité des
usagers ». Malheureusement le quartier ne dispose pas de budget propre.
- la commune, elle, est le niveau administratif le plus bas
ayant droit de décision en matière d'urbanisation et de gestion
urbaine. Mais il se trouve que le budget communal relève du budget de
district. La dépendance financière de ces structures leur pose
certes des problèmes dans leurs tâches mais l'auteur ne montre pas
comment.
- le district par contre assigne à la voirie une
série de tâches et de moyens pour la gestion des déchets
solides mais il peut accomplir un certain nombre de tâches. Ici
également l'auteur ne montre pas quelles sont les difficultés qui
se posent au district. De même, il ne montre pas quelles sont les
difficultés de la Province qui a son autonomie budgétaire,
contrôle les budgets des districts et dispose des services techniques
telle que la voirie.
Le défaut majeur des acteurs politico-administratifs
réside dans l'inégale répartition des districts urbains
par province. En effet, selon Tonon, Cotonou dispose seulement de six districts
urbains qui sont tous situés dans la province de l'Atlantique qui est la
province administrative. Or la ville entière se compose de quatorze
provinces. C'est dire qu'il y a treize provinces qui ne disposent pas de
districts urbains.
Il y a également les acteurs techniques tels que le
service de voirie urbaine, la société de gestion des
marchés autonomes. Il faut noter que le service de voirie urbaine par
exemple ne dispose pas de structures spécifiques de collecte des
ordures. De plus il s'occupe d'avantage de l'entretien des espaces verts (gazon
des artères principales) que de la collecte des ordures. Elle n'a pas de
moyens adaptés à la forme de l'habitat.
Enfin, il y a les agences du gouvernement comme la Direction
de la voirie urbaine, la direction du génie du sanitaire et de
l'assainissement et la société béninoise
d'électricité et d'eau.
Gestion des ordures ménagères à
N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
|
46
|
Tonon pense que c'est « l'ancienneté et le flou
relatifs des textes définissant les attributions respectives de ces
acteurs [qui] sont en partie responsables de la situation très grave qui
prévaut au niveau de la collecte et de l'élimination des
déchets solides. »
Nous faisons remarquer que l'étude de Tonon comme bien
d'autres travaux portant sur la gestion des déchets solides en milieu
urbain cite les populations uniquement comme acteurs producteurs des
déchets et non comme acteurs à prendre en compte dans la gestion
de ces déchets. Les auteurs s'attachent à démontrer
l'inefficacité des techniques, tant à travers leurs formes que
leurs fonctionnements, dans la collecte et l'élimination des
déchets. Ce faisant, ils oublient les populations dont la perception de
l'environnement et de ce qu'on appelle déchets même est
déterminante dans la gestion des ordures en milieu urbain.
|