Rentabilité financière et économique des systèmes de productions maraà®chères au Sud- Bénin. Cas de la tomate( Lycopersicum esculentum ) et du chou pommé ( Brassica oleracea )( Télécharger le fichier original )par Landry FANOU Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Ingénieur agronome 2008 |
Chapitre 4 : Analyse de la rentabilité financière et économique4.1. Rentabilité financière des systèmes de production de tomate et de chou.Les résultats de l'évaluation financière des systèmes de production de tomate et de chou à partir de l'application de la MAP sont abordés. 4.1.1. Résultats de l'analyse financière des systèmes de production de tomate.Dans cette section le tableau N°10 récapitulatif de l'analyse financière est présenté. Il montre à la fois les budgets financiers des systèmes de production de tomate et les résultats obtenus sous les scénarii étudiés. Dans le but de faciliter l'analyse, il sera présenté au sein de chaque groupe suivant les modes d'irrigation, les deux systèmes les plus rentables ; les valeurs sont exprimées en FCFA/m2. Le principal indicateur qui permet de juger de la rentabilité financière des systèmes de production est le Profit Financier Net (PFN). Scénario (0) : Situation au moment de l'enquête L'analyse financière montre que tous les systèmes de production de tomate, tant en zone côtière qu'en zone de bas-fonds, sont financièrement rentables (PFN>0 ; Voir tableau N°10). Les systèmes de production N°11(Variété locale + Insecticide non recommandé + Pluvial), N°1(Variété améliorée + insecticide non recommandé + motopompe & tuyau flexible), et N°12 (Variété locale + extraits aqueux de neem + pluvial) sont les plus rentables. Ce résultat montre que les systèmes de production de tomate utilisant les pesticides chimiques non recommandés sont les plus rentables. Il n'est pas différent des résultats de Vodouhè (2007) qui, à travers la réalisation d'un budget partiel, a montré que les systèmes de production utilisant les pesticides chimiques sont plus rentables que ceux utilisant les biopesticides. De plus, l'IITA (2002b) a montré qu'au Bénin, la tomate produite dans un système utilisant les pesticides chimiques et les engrais, est la plus rentable. Tableau N°10 : Résultats de l'analyse financière des systèmes de production de tomate au Sud-Bénin.
Source : Données enquêtes Juillet - Septembre 2008. NB : Rev = Revenu ; CFE= Coût des Facteurs Echangeables ; CFL = Coût des Facteurs Locaux ; PFN = Profit Financier Net. Suivant la zone de production, le PFN en zone de bas-fonds (217 FCFA/m2) est en moyenne supérieure au PFN en zone côtière (206 FCFA/m2). Ceci est dû au fait que les producteurs de la zone de bas-fonds supportent des coûts de production1(*) relativement moins élevés que ceux de la zone côtière. De plus, ils ont des rendements qui sont en moyenne beaucoup plus élevés. Les exploitations les plus performantes de la zone de bas-fonds font un rendement de 22,5 t/ha contre 15,13 t/ha pour les meilleures exploitations de la zone côtière. En effet, les systèmes de la zone de bas-fonds, sont épargnés des problèmes d'irrigation et jouissent en plus d'une fertilité naturelle des sols. Ceci réduit considérablement le coût de production. La seule contrainte technique pour avoir un bon rendement est donc la protection phytosanitaire. Quant à l'influence du type de semence sur la rentabilité financière, il faut remarquer que les systèmes de production utilisant les variétés locales sont plus rentables que ceux utilisant les variétés améliorées. Ce résultat est inattendu ; en effet, les variétés améliorées de tomates (288 Fcfa/Kg) sont vendues beaucoup plus chèrement que les variétés locales de tomate (190 Fcfa/Kg). En effet la plupart des variétés locales produisent des petits fruits ou des fruits moyens issus des semences qui ne sont souvent pas renouvelées. Les semences sont donc très dégénérées. On obtient alors des fruits remplis d'eau, contenant beaucoup de graines, de saveur acide et pourrissant très vite. Ce sont des caractéristiques qui ne plaisent pas souvent aux commerçant(e)s. Il faut également noter que ces productions locales sont achetées par les commerçantes lorsque les variétés améliorées ne sont pas disponibles en quantités suffisantes. Ils préfèrent généralement des tomates à fruits moyens et gros, pas acides et qui mûrs, peuvent se conserver trois semaines sans pourrir ; caractéristiques qu'offrent les variétés améliorées (Mongal, Petromech) de tomate. L'efficacité financière des systèmes à variétés locales n'est donc pas liée au prix de cession de celles-ci. Cependant, il faut remarquer que dans le cadre de l'étude, les systèmes de production utilisant les variétés locales sont conduits en zone de bas-fonds, tandis que ceux utilisant les variétés améliorées sont conduits en zone côtière. Les rendements élevés en zone de bas-fonds associés aux coûts de production faibles font que financièrement ces systèmes de production à variétés locales sont plus rentables que ceux à variétés améliorées ; le revenu le plus élevé étant obtenu au sein du système de production N°1 (Variété améliorée + Pesticide chimique non recommandé + motopompe et tuyau flexible). De plus, il faut noter un déficit probable dans l'application des itinéraires techniques nécessaires pour donner aux variétés améliorées, la capacité d'exprimer leurs potentialités en zone côtière. En effet, ces variétés améliorées sont adaptées aux saisons chaudes et humides, résistantes au flétrissement bactérien et peuvent atteindre des rendements moyens de 30 T/ha (Caburet et al., 2002). En fixant le mode d'irrigation, les systèmes de production qui ont recours au mode d'irrigation motorisée (N°1, 2, 3) sont les plus rentables. Ils sont suivis des exploitations ayant un mode d'irrigation semi-motorisée (N°4, 5, 6) et enfin ceux du mode d'irrigation manuelle (N°7, 8,9) voir tableau N°10. Ces résultats ne sont pas totalement conformes à ceux obtenus par Gandonou et al., (2007) dans l'étude de la durabilité environnementale et économique des pratiques d'irrigation en agriculture périurbaine et urbaine (APU) à Cotonou et sa périphérie. En effet, s'ils ont montré à travers une analyse bivariée que le système de production à irrigation motorisée est le plus rentable, contrairement à nos résultats, ce sont les systèmes à irrigation manuelle qui se positionnent en deuxième position. Ceux à irrigation semi-motorisée sont les moins rentables. Mais cette étude à l'aide de l'analyse de régression multivariée a montré que la corrélation entre l'irrigation motorisée et la performance économique n'est pas significative sur les périmètres maraîchers enquêtés. Ceci ne permet pas, même si les résultats empiriques le montrent, d'affirmer de façon générale, qu'il existe une corrélation positive entre la performance économique des systèmes de production et le mode d'irrigation. Des efforts de recherche devront donc être faits à ce niveau. Néanmoins Verolet et al., (2001) précisent que l'alimentation en eau est primordiale ; les irrigations mal conduites provoquent la nécrose apicale. Le manque d'eau régulier diminue le calibre des fruits. Ils recommandent donc des irrigations légères et fréquentes. Enfin, dans chaque groupe de producteurs utilisant les mêmes modes d'irrigation, les systèmes utilisant les insecticides coton sont les plus rentables. Ce constat est dû au fait que les rendements dans ces systèmes sont les plus élevés de leur groupe. Les systèmes utilisant les extraits aqueux de neem viennent en seconde position sauf au niveau du groupe des exploitations à irrigation manuelle où elles sont en troisième position (Voir tableau N°10 ci-dessus).Cette performance économique des systèmes utilisant les extraits de neem n'est pas liée aux revenus donc au rendement, elle est liée plutôt au coût de production qui est relativement moins élevé par rapport à ceux utilisant les pesticides chimiques recommandés. Ces résultats peuvent s'expliquer. En effet, Vodouhè (2007) a montré que les maraîchers soutiennent unanimement que les extraits aqueux botaniques ont un large spectre d'actions sur les ravageurs des plantes. Mais ils ont, selon la perception des producteurs, une action relativement plus lente que celle des pesticides chimiques de synthèse, puisque l'efficacité de ces produits naturels sur les ravageurs n'est constatée que 72 heures après le traitement, alors que celle de leurs concurrents chimiques est quasi immédiate, c'est-à-dire beaucoup plus rapide. Ces faits peuvent expliquer les rendements moins élevés au niveau de ces systèmes, surtout que les maraîchers ne pratiquent pas la lutte préventive. Une dernière remarque dans ce volet, est que le système de production n'utilisant aucun mode de protection phytosanitaire, présente le plus petit PFN des systèmes de production étudiés. Ceci est normal et montre l'importance de la protection phytosanitaire dans la production agricole. Ces exploitants ont avancé pour raisons, l'inaccessibilité aux insecticides et la méconnaissance de l'utilisation des extraits botaniques. Scénario (1) : l'engrais et l'insecticide coton ne sont pas subventionnés. Sous le scénario (1) où les subventions de l'Etat ont été supprimé, les systèmes de productions de tomate demeurent tous rentables (Tableau N°10). Mais le PFN a baissé pour tous les systèmes de production côtiers (Système N°1 à 9). Ceci montre que, même si elles ne tiennent qu'à un fil, les subventions de l'Etat ont un impact sur la rentabilité des systèmes de production de tomate en zone côtière. Cependant, cet effet n'est pas assez large pour justifier de l'efficacité de cette politique sur la rentabilité des systèmes de production. En effet, les producteurs maraîchers ne profitent pas effectivement des subventions de l'Etat. Même si la loi de finance subventionne l'engrais et les insecticides destinés à la production agricole en général, seuls les producteurs de coton bénéficient effectivement de cette subvention. Ces mêmes engrais et insecticides sont revendus aux maraîchers beaucoup plus chers. Ainsi le litre d'insecticide coton vendu officiellement à 4100 Fcfa bord champ est acquis par le maraîcher à 5000 FCFA en moyenne. L'engrais qui doit être cédé à 235 Fcfa/kg est revendu au maraîcher à 310 Fcfa/kg en moyenne. Scénario (2) & (3): (Respectivement) sans subvention de l'engrais et l'insecticide coton et coût d'opportunité du capital 50% (Tableau n° annexe), sans subvention de l'engrais et l'insecticide de coton, coût d'opportunité du capital 50% et bas prix aux producteurs . En appliquant un coût d'opportunité de 50% au capital, tous les systèmes présentent un PFN positif sauf le système N°10 (Tableau N°10). Les systèmes de production de tomate de contre saison et de décrue peuvent donc supporter des prêts à un taux d'intérêt 50%. Les actions à mener en vue de faciliter l'accès au crédit formel est alors d'une grande importance. Mais à cela, doit être associé l'encadrement technique; il faut noter, les mauvaises performances des systèmes ne pratiquant pas la protection phytosanitaire. Lorsque l'on applique aux systèmes enquêtés, les prix les plus faibles rencontrés au cours de la campagne (155 FCFA/kg en zone côtière et 40 FCFA/kg en zone de bas-fonds) seulement trois systèmes de production ont un PFN positif (Tableau N°10). Par ordre de rentabilité décroissante, nous avons le système N°11 (Variété locale, + chimique non recommandé + pluvial), le système N°12 (Variété locale + extrait aqueux de neem +pluvial), le système N°7 (Variété améliorée + chimique non recommandé + arrosoir). Plusieurs remarques méritent d'être faites. Les cultures de décrue sont celles qui supportent le mieux ce scénario. En effet, elles sont moins coûteuses en intrants. Elles se révèlent être dans le cadre de notre étude, une activité hautement profitable. Les systèmes de production utilisant les extraits aqueux de neem ne sont pas financièrement plus efficaces que ceux utilisant les insecticides coton suivant les zones de production étudiées. En se basant sur le mode d'irrigation, les pertes les moins considérables sont enregistrées au niveau des systèmes utilisant l'arrosoir (Tableau N°10). Les systèmes de production à irrigation motorisée et semi-motorisée sont donc défavorisés. En effet, ils supportent des coûts de production très élevés. L'adoption des Bonnes Pratiques d'Irrigation devra donc être accompagnée de l'organisation de la filière, tant en amont qu'en aval, afin d'offrir aux producteurs, des prix élevés et équitables. Cependant cette mauvaise performance des systèmes de production utilisant les extraits aqueux de neem nous amène à faire une autre étude de sensibilité des prix. Une prime de 25% est accordée sur le prix de cession moyen de la tomate traitée aux extraits botaniques. En effet, Adegbola et al., (2006) montrent que les consommateurs de légumes de Cotonou et Porto-Novo sont disposés à accorder une prime moyenne égale à 111, 218, 372 et 1024 FCFA2(*) respectivement pour éviter les malaises, l'intoxication, les maladies chroniques et la mort à terme due à l'utilisation des insecticides coton dans la production maraîchère. Remarquez que, rien que pour éviter les malaises, les consommateurs sont prêts à accorder une prime de plus de 50% sur le prix de référence. Aïtchédji (2001) a quant à lui, appliqué une augmentation de 20% et 25% sur le prix de cession, en restant dans la fourchette annuelle de l'évolution des prix du niébé. Dans le contexte de l'étude, les prix moyens obtenus sont déjà élevés, car relevés au cours de la période de contre saison. Une prime de 50% rendrait le prix de cession de la tomate saine inaccessible aux consommateurs. Une prime de 25% à partir du scénario (2) est appliquée sur le prix de la tomate traitée avec les extraits aqueux de neem. Ce scénario est désigné sous le vocable de scénario (4). Les résultats (Tableau N°11) se présentent comme suit : Tableau N°11: Budget financier des systèmes de production de tomate sous le scénario (4)
Source : Données enquêtes Juillet - Septembre 2008 L'augmentation de 25% du prix de cession de la tomate traitée aux extraits botaniques, entraîne une modification dans la structure du tableau. Dans un premier temps, les systèmes de production de tomates saines sont en tête dans le groupe des systèmes à irrigation motorisée et semi-motorisée. En second lieu, le départ du système N°8 (Variété améliorée + chimique recommandé + arrosoir) et l'arrivée du système N°9 (Variété améliorée + extrait aqueux de neem + arrosoir) a été remarqué. Cependant, les systèmes utilisant les insecticides coton demeurent en tête au sein du groupe à irrigation manuelle et du groupe des systèmes de production de la zone de bas-fonds. Deux conclusions s'imposent. Un premium de 25% sur la tomate saine entraîne une efficacité des systèmes à irrigation motorisée et semi-motorisée : la segmentation du marché et la promotion des produits maraîchers sains pourraient faciliter à la fois l'adoption des Bonnes Pratiques d'Irrigation et des techniques de protection phytosanitaire respectueuses de l'environnement. Cependant, ce fait n'est pas observé en zone de bas-fonds. Il a été montré dans le chapitre 5 que l'encadrement technique en zone de bas-fonds est insatisfaisant. Ce fait pourrait expliquer le grand écart au niveau du rendement entre le système N°11(Variété locale+ chimique non recommandé + pluvial) et le système N°12 (Variété locale + extraits aqueux de neem + pluvial). L'encadrement technique doit donc accompagner de façon effective, l'introduction d'innovations technologiques afin de faciliter l'adoption au niveau des producteurs. * 1Les producteurs de la zone de bas-fond pratique des cultures de décrue, et n'utilisent pas les engrais minéraux et organiques. * 2 Ces primes moyennes correspondent à la différence entre le prix moyen consenti à payer pour cette caractéristique et le prix de base ou de référence ici égale à 200FCFA (exemple : 111=311-200) |
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