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La faute de l'Administration en matière foncière au Cameroun

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par Ariane Lidwine NKOA NZIDJA
université de Yaoundé II - Diplôme d'études approfondies en droit privé 2008
  

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CONCLUSION

Parvenu au terme de notre analyse sur les conséquences de la faute, et la mise en oeuvre de la responsabilité administrative, force est de procéder à un double constat.

Le premier découle de l'idée force selon laquelle la terre est source de richesses inestimables au Cameroun, et par conséquent, la gestion qu'en fait les services administratifs des domaines et affaires foncières doit se consolider dans un environnement non frelaté au risque de générer de véritables dommages aux personnes privées. Le foncier mobilise en effet des enjeux importants que sont la cohésion sociale, la paix et l'avenir des familles.

Le second constat a trait à l'effectivité de la responsabilité administrative en matière foncière. Il ne fait aucun doute que la gestion administrative de la chose foncière est scrutée de près ou de loin. Le Ministère de tutelle qu'est le MINDAF met en oeuvre un important arsenal de mesures tendant au contrôle des services en charge de l'administration foncière, la mise sur pied d'une cellule anti-corruption au sein du ministère en dit long sur les intentions des responsables de ce département ministériel. Cela laisse augurer que l'inertie, le laxisme et l'indélicatesse ne resteront plus impunis. Mais que dire alors de la réparation du préjudice subi par les victimes au cours de ces opérations foncières ?

Chapitre 2 : La réparation du préjudice subi par la victime de la faute administrative.

Une valeur sociale protégée est-elle transgressée quelque part, qu'immédiatement, doit-on procéder à l'application de la sanction prévue à cet effet. La sanction se définit comme une mesure répressive prise par une autorité en vue d'infliger une peine ou une récompense à l'auteur d'un acte. Il s'agit en fait des conséquences juridiques du non respect d'une règle de droit, d'un usage ou de l'ordre établi. En présence d'une faute, la sanction renvoie à la punition, au blâme, aux pénalités encourues du fait de la commission de la faute.

En matière de contentieux administratif, il n'existe véritablement pas de sanctions répressives à l'encontre de l'administration. Lorsqu'une faute est commise, on procède au rattachement au service, si cela est avérée, la responsabilité administrative est une responsabilité réparatrice et non sanctionnatrice. C'est lorsque l'auteur du préjudice est identifié que l'on peut procéder soit à une responsabilité disciplinaire, soit à une responsabilité civile ou pénale.

Cela étant, le constat clair qui découle de ces allégations, est celui suivant lequel, lorsque l'administration est mise en cause dans un litige, la sanction véritable que l'on appliquera aura un caractère réparateur ; il s'agira de replacer la victime dans un même et semblable état avant la survenance du préjudice.

Dans le prolongement de ce constat, il s'agira dans notre analyse d'examiner les mesures réparatrices des dommages causés aux particuliers par la faute administrative en matière foncière. Tout d'abord la réparation qu'en fait l'administration elle-même, en vertu du principe de l'administration active (section 1), ensuite la réparation par voie juridictionnelle du préjudice subi en matière foncière (section 2).

C. Section 1 : La réparation du préjudice subi par voie administrative.

La réparation se définit comme le dédommagement d'un préjudice par la personne qui en est responsable, et ceci, soit par le rétablissement de la situation antérieure, soit par le versement d'une somme d'argent au titre de dommages-intérêts. En droit administratif, en vertu des principes du recours gracieux préalable et celui de l'administration active, la demande en réparation du préjudice subi par les individus est d'abord adressée à l'administration avec laquelle on est en litige. En matière foncière, le recours est adressé au Ministre des domaines et des affaires foncières qui conformément à la législation, prend des mesures contre l'illégalité de l'action administrative. De ce fait, il est judicieux d'énumérer ces mesures, étant entendu que l'immatriculation et l'expropriation sont deux procédures bien distinctes, et ceci dans un souci de mieux rendre compte de l'état des lieux de la réparation des fautes commises dans l'immatriculation(§1), et dans l'expropriation (§2).

§ 1 : Les mesures administratives palliatives de l'immatriculation fautive

En matière foncière, notamment au cours de l'immatriculation, la faute administrative qui préjudicie aux intérêts des particuliers est réparée aux travers de plusieurs procédés : soit la décision entachée de faute faisant grief est annulée par l'autorité statutairement habiletée, soit la décision entachée est redressée. L'hypothèse de redressement n'intervient que lorsque l'acte ne fait pas grief aux particuliers. Dès lors qu'elle cause un dommage aux requérants, elle doit être retirée. Parce que l'immatriculation et l'expropriation sont deux procédures bien distinctes, il s'agit, dans un souci de mieux rendre compte de l'état des lieux, d'examiner tour à tour les mesures administratives réparatrices des fautes commises au cours de ces procédures qui attentent au droit de propriété.

A- L'anéantissement du titre foncier

Au regard des caractéristiques du titre foncier à savoir qu'il est réputé  définitif, intangible et inattaquable, la possibilité de l'anéantir apparaît comme une sanction lourde. La réforme du 16 décembre 2005 prévoit deux causes d'anéantissement du titre foncier : cela peut survenir à la suite du retrait, ou de l'annulation ministérielle du titre de propriété.

1- Le retrait ministériel des titres fonciers irrégulièrement délivrés

Aux termes de l'article 2 du décret n°2005/481 du 16 décembre 2005, « (1) toute personne dont les droits ont été lésés par suite d'une immatriculation n'a pas de recours sur l'immeuble, mais seulement en cas de dol, une action personnelle en dommages- intérêts contre l'auteur du dol [...].

(3) Toutefois, le Ministre chargé des affaires foncières, peut ,en cas de faute de l'administration, résultant notamment d'une irrégularité commise au cours de la procédure d'obtention du titre foncier, et au vu des actes authentiques, procéder au retrait du titre foncier irrégulièrement délivré ;

(5) Le retrait du titre foncier prévu à l'alinéa 3 du présent article, ne peut sauf cas de fraude du bénéficiaire, intervenir que dans le délai du recours contentieux ».

A la lecture de ce texte, il découle que le titre foncier ne peut être retiré que dans deux hypothèses : la faute de l'administration et la fraude du bénéficiaire. S'agissant de cette dernière, on peut dire laconiquement que la fraude est une action faite de mauvaise foi dans le but de tromper, ou encore une falsification punie par la loi en application de la règle « fraus omnia corrumpit ».

Le retrait du titre foncier est exercé par le ministre des domaines à l'initiative, soit de l'administration elle-même, soit par le biais d'un tiers lésé par une immatriculation fautive. Ainsi, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision faisant grief, en l'occurrence l'établissement d'un titre foncier entaché de faute administrative, le requérant peut introduire sa demande tendant au retrait du titre irrégulièrement délivré. Ce fut le cas avec l'arrêté n°00030/Y II/MINDAF/D130 du 10 octobre 2007 portant retrait du titre foncier n°34883/Wouri irrégulièrement délivré. La possibilité ainsi offerte au Ministre en charge des questions foncières de procéder au retrait des titres fonciers irrégulièrement délivrés traduit la détermination des pouvoirs publics à traquer tous les titres fonciers entachés de fraude et d'illégalité. Mais elle constitue en même temps un danger pour le droit de propriété, notamment en ce qui concerne ses caractères inattaquable, intangible et définitif qui fondent sa force probante. Cette possibilité de remettre en cause le titre de propriété laissée entre les mains de l'administration réputée "juge et partie" de la question foncière au Cameroun, mais dont la propension à piétiner les droits fondamentaux et libertés individuelles, pourrait embarrasser plus d'une personne. Cela pourrait constituer un recul dans la garantie accordée à la protection de la propriété dont le juge est réputé gardien dans les systèmes juridiques modernes. La soupape de sécurité viendrait de ce que le juge administratif reste compétent pour s'assurer de la soumission de l'administration au droit.

2 - L'annulation ministérielle du titre foncier irrégulièrement délivré

L'annulation ministérielle du titre foncier est prévue par les alinéas 6 et 7 du même article 2 du décret de 2005 aux termes desquels il est disposé  que: 

« al.6 : un titre foncier est nul d'ordre public dans les cas suivants :

-lorsque plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain ; dans ce cas, ils sont tous déclarés nuls de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le légitime propriétaire. Un nouveau titre foncier est alors établi au profit de celui-ci ;

-lorsque le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d'une quelconque procédure ; ou obtenu par une procédure autre que celle prévue à cet effet ;

-lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une dépendance du domaine public ;

-lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une parcelle du domaine privé de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un organisme public, en violation de la réglementation ;

(7) La nullité du titre foncier prévue à l'alinéa 6 ci-dessus est constatée par arrêté du Ministre chargé des affaires foncières susceptible de recours devant les juridictions administratives compétentes. »

Cette annulation d'ordre public du titre foncier vise à sanctionner la méconnaissance flagrante de l'arsenal juridique en matière foncière ; on constate en effet que les causes d'annulations sont relatives aux règles et formalités substantielles à accomplir avant tout établissement du titre foncier.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore