La faute de l'Administration en matière foncière au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Ariane Lidwine NKOA NZIDJA université de Yaoundé II - Diplôme d'études approfondies en droit privé 2008 |
B- La réaction juridictionnelle face à la faute administrativeLe contentieux foncier relève doublement, et de la juridiction de l'ordre judiciaire, et de juridiction administrative. Dans ce registre, nous insisterons profondément sur l'attitude de la justice administrative face à la faute administrative en matière foncière. Près de 85% du contentieux administratif est relatif aux litiges fonciers104(*) mettant en conflit l'administration, et les particuliers, requérants aux procès. L'accès à la justice ne fait plus aucun doute en matière foncière. La question de fond qui persiste, est celle de savoir comment l'Etat envisage la responsabilité des services administratifs en matière foncière, et conséquemment, quelle protection il accorde au droit de propriété acquis ou en devenir. La kyrielle de recours introduite au sein de la formation administrative de la Cour suprême, montre à suffisance que la faute de l'administration n'est plus impunie. Au contraire, la responsabilité administrative est ainsi mise en jeu avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Ainsi, dans les espèces mettant en cause MBALLA Dieudonné105(*), MVENG NDY née MENDOUNGA Marguerite106(*), BILOUNGA Pascaline,107(*) la Chambre Administrative de la Cour Suprême reconnaît certains faits, comme constitutifs de fautes de l'administration au cours de certaines opérations foncières qui ont lésés les requérants. Il en est de même dans les affaires WAHA Emmanuel, BEYISSA Adolphe, POHOKAM Suzanne, succession BEWOU DEFFO Christophe, NJOH Philibert108(*), dans lesquelles le juge administratif reconnaît des dysfonctionnements et manquements dans l'activité des services centraux et déconcentrés du ministère des domaines, ancien ministère de l'urbanisme dans l'établissement et la délivrance du titre foncier. Plus récemment, il a été rendu au sein de la chambre administrative, les décisions suivantes extirpant la faute administrative: affaire BONG Henri Aimé relativement à la concession provisoire et l'annulation de titres fonciers irrégulièrement délivrés109(*) affaire NJOOH Michel Pierrot relativement à une décision ministérielle ordonnant le retrait d'un titre foncier110(*), affaire BISSO Joseph et dame ZEH111(*) pour complicité de l'administration dans une immatriculation frauduleuse comme ce fut le cas dans les affaires OHANDJA Séverin112(*) et YONGO Marc.113(*) Par ailleurs, en ce qui concerne le contentieux de l'expropriation, les célèbres affaires dame veuve Ongono Régine, Sté Renault Cameroun, DZOU ESSOMBA sont des illustrations des recours intentés contre la faute administrative devant la Cour Suprême. De même, les affaires EMAH Basile et autres114(*) et EFFA Paul Marcel115(*) dans laquelle la faute administrative a été décriée au cours d'opérations d'expropriation pour cause d'utilité publique. Toute cette énumération casuistique, vise à montrer que si l'on se base sur le champ des décisions rendues par la Chambre Administrative de la Cour suprême statuant en matière foncière, il ne fait aucun doute que la responsabilité de l'administration des domaines est avérée. L'on se rend compte par cette série d'annulations que le juge administratif procède de ce fait un rappel à l'ordre aux structures administratives chargées du foncier, afin de mieux encadrer l'administration dans son action et de consolider ainsi l'Etat de droit au Cameroun. Mais, il faudrait dépasser cet aspect purement formel, pour s'appesantir sur la responsabilité véritable des services des domaines en terme de réparation du préjudice subi par les particuliers et même, au titre d'une responsabilité sanctionnatrice. Quelle incidence la faute administrative aura dans la protection du droit de propriété des particuliers en droit camerounais. Nous osons croire qu'avec l'avènement de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006, fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, notamment en son article 9116(*) qui institue au sein de la Chambre Administrative, une Section du contentieux des affaires foncières et domaniales, une protection éfficiente sera accordée au droit de propriété face aux empiétements administratifs, et qu'une réparation intégrale aura cours lors des espèces mettant en scène le contentieux foncier. * 104 Opinion émise par Mr Jean-Marie BEDENGUE, chef de la division des affaires juridiques au MINDAF au cours du débat télévisé Le Droit en Clair, transmis à la CRTV, le jeudi 29 Mai 2005. * 105 CS/CA, jugement n°40 du 31 Mai 1990, MBALLA Dieudonné c/ Etat du Cameroun, inédit. * 106 CS/CA, jugement n° 30 du 26 mars 1992, MVENG NDY née MENDOUGA Marguerite c/ Etat du Cameroun, inédit. * 107 CS/CA, jugement n° 64 du 30 août 1996, BILOUNGA Pascaline c/ Etat du Cameroun, inédit. * 108 Toutes ces affaires ont été mentionnées dans la première partie de notre travail. V. chapitre 2 les manifestations de la faute. * 109 CS/CA, jugement n°38/ 205-2006 du 18 janvier 2006, BONGO Henri Aimé c/ Etat du Cameroun (MINDAF) * 110 CS/CA, jugement n°52/06-07 du 28 février 2007 suivant le recours n° 1785/03-04 du 20 octobre 2003, NJOOH Michel Pierrot c/ Etat du Cameroun * 111 CS/CA jugement n°23/2005-2006 du 14 décembre 2005, affaire BISSO Joseph et dame ZEH ZO'O NAOMIE c/ Etat du Cameroun (MINDAF) * 112 CS/CA jugement n°44/04-05 du 02 février 2005 (suivant le recours n°786/97-98 du 26 décembre 1997, OHANDJA Séverin c/ Etat du Cameroun * 113 CS/CA jugement n°76/04-05 du 27 avril 2005, YONGO Marc c/ Etat du Cameroun & DELANGUE KOLOKO Michel, intervenant volontaire. * 114 CS/CA, jugement n° 24 2001-2002 du 28 février 2002, (suivant le recours n°1072/ 2001-2002, EMAH Basile et autres c/ Etat du Cameroun (MINUH) & MBIA MBIA et autres (intervenants volontaires). * 115 CS/CA jugement n° 85/ 2005-2006 du 14 juin 2006 (suivant le recours n° 25/205-2006 du 02 novembre 2005, EFFA Paul Marcel c/ Etat du Cameroun (MINDAF) * 116 Article 9 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la cours suprême. « 1. La chambre administrative comprend : - une section du contentieux de la fonction publique - une section du contentieux des affaires foncières et domaniales - une section du contentieux des contrats administratifs - une section du contentieux de l'annulation et des questions diverses 2 Chaque section connaît des appels et des pouvoirs en cassation relatifs aux matières qui relèvent de sa compétence. » |
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