WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

( Télécharger le fichier original )
par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

précédent sommaire suivant

CHAPITRE II

LA PHILOSOPHIE DE L'ECONOMIE

Entre la philosophie du gouvernement et la philosophie des relations internationales, il y a, chez Raymond Aron, une philosophie de l'économie qui permet de comprendre non seulement la structure des régimes politiques, mais aussi la nature des relations extérieures des Etats. Marx est passé par là mais a, selon Aron, mal apprécié le rôle de l'économie.

1- La prééminence du politique sur l'économique

Il ne faut pas céder à la tentation de faire du système économique un critère de classification des régimes politiques, comme l'a fait Marx. Certes, le système économique détermine un type social. Mais il ne dit rien du régime politique de cette société. Aujourd'hui, le communisme de type marxiste n'existe nulle part. Même la Chine communiste se veut effectivement capitaliste.

Marx cherchait dans les transformations de l'économie l'explication des transformations sociales et politiques. Ce qui conduit à une affirmation de la primauté de l'économie sur la politique. Nous précisions au début de cette recherche qu'une classification moderne et contemporaine des régimes politiques repose sur le caractère industriel des sociétés actuelles, mais il s'agissait, pour Aron, plus d'un ordre méthodologique que d'un ordre doctrinal. Du moins, l'expérience montre selon lui, que l'hypothèse marxiste de la détermination unilatérale de la politique par l'économie est fausse. A l'origine de la société industrielle de type soviétique par exemple, on trouve d'abord et avant tout un événement, une révolution, celle de 1917.

Manifestement, affirme Aron, « les caractéristiques majeures de l'économie soviétique dérivent, partiellement au moins du parti et de son idéologie ».17(*) On ne peut donc comprendre l'économie d'un pays séparément de son régime politique.

Enfin, conclut-il,

la planification de l'économie soviétique est le résultat direct de décisions prises par les dirigeants du parti, de décisions prises par le système social particulier qu'on appelle politique. L'économie soviétique est au suprême degré dépendante à la fois du régime politique de l'Union soviétique et des programmes d'action des dirigeants du Parti à chaque instant.18(*)

Cette politisation de l'économie montre que le système économique n'est pas moins influencé par le système politique et qu'inversement celui-ci par celui-là. D'après Aron, Marx avait alors tort de renverser unilatéralement la pyramide hégélienne en estimant que le mode de production de la vie matérielle détermine le processus social, intellectuel et politique. En effet, le matérialisme historique affirme que le mode de production est le fait historique de base, son évolution conditionne le déroulement de l'histoire. Les modes de production de la vie matérielle constituent l'infrastructure ; les superstructures conditionnées par celles-ci sont les constructions juridiques, intellectuelles, morales, artistiques, etc.

Ce qui est directement perceptible, c'est que les deux possibilités sont présentes : l'idéologie dont se réclame le régime communiste pose le primat de l'économie, tandis que l'idéologie dont se réclame le régime démocratique pose le primat de la politique. Si l'économie communiste est l'effet d'une certaine politique, l'économie démocratique est l'effet d'un système politique qui accepte sa propre limitation. Dans un régime de séparation de pouvoirs en effet, les décisions économiques sont diversement prises par les économistes et les groupes de pression. De là, Aron décèle aussi l'origine politique des classes qui, dans un régime libéral, s'organisent et s'hiérarchisent elles-mêmes ; alors que dans un régime autre, elles sont interdites de toute activité.

Ainsi,

de même que nous avons trouvé la volonté politique à l'origine du système économique, nous trouvons un mode d'exercice de l'autorité, un régime politique à l'origine des classes sociales, du degré de conscience de classes, du degré de perméabilité des groupes sociaux à la société globale.19(*)

Mais il ne faut pas non plus céder, prévient Aron, à la tentation de substituer à la doctrine d'une détermination unilatérale de la société par les phénomènes économiques une doctrine qui serait tout aussi arbitraire que la détermination de la société par les phénomènes politiques. L'une et l'autre, estime-t-il, ne sont pas absolument vraies. Il n'est pas vrai qu'une certaine économie étant donnée, il s'ensuit un régime politique déterminé et un seul. Idéologiquement, nous l'avons dit, le capitalisme correspond à la démocratie, et le socialisme au communisme ; mais, pratiquement, les conséquences économiques des systèmes politiques et les conséquences politiques des systèmes économiques ne sont pas forcément logiques. Soit un certain état de développement des forces productives, différentes modalités de l'organisation des pouvoirs publics sont possibles ; de même, si on se donne par la pensée un certain type de régime, le régime parlementaire par exemple, on ne peut pas prévoir ce que sera le système ou le fonctionnement de l'économie.

Dès lors, il nous faut redéfinir le primat de la politique par rapport à l'économie. Déjà, il ne s'agit pas d'un primat causal de type politique et économique.

Aron recentre alors le débat sur la notion de la liberté, essence de tout homme, dessein de toute communauté politique. A ce niveau, on s'aperçoit tout de suite que la réduction du chômage ou le taux de croissance ne disent rien de la liberté humaine qui est plutôt fonction du type de régime politique. Samory Touré n'avait-il pas raison de préférer la liberté dans la pauvreté à la richesse dans la servitude ? Montesquieu tranchait en disant que l'économie est richesse dans la pauvreté, sagesse dans la médiocrité. Dans tous les cas, les régimes communistes, fondés sur la planification de l'économie, ont été jusque-là liberticides. De l'ex URSS à la Chine maoïste en passant par la Corée du nord ou Cuba, la liberté y a « laissé des plumes ».

Par rapport donc à l'homme, le politique est plus important que l'économique. De l'avis de R. Aron,

les philosophes ont toujours pensé que la vie humaine est pour ainsi dire constituée par les relations entre les personnes. Vivre humainement c'est vivre avec d'autres hommes. Les relations des hommes entre eux sont le phénomène fondamental de toute collectivité. Or, l'organisation engage plus directement la façon de vivre que tout autre aspect de la société.20(*)

Ainsi, la vie essentiellement humaine est la vie politique, il n'y a pas de vie sociale sans une autorité organisée et le style de l'autorité est lui-même caractéristique de l'humanité des relations sociales. Lorsque Rousseau développait la théorie du contrat social, il découvrait à la fois, selon Aron, la genèse théorique de la collectivité et l'origine légitime du pouvoir. Ce n'est donc pas le facteur économique qui détermine le type de régime politique.

Pour Aron, l'économie n'est pas un critère décisif de classification des régimes politiques et les rapports entre l'économie et la politique se soldent par la prééminence de la seconde sur la première. Demander par exemple quelle est la politique économique d'un Etat revient directement à s'interroger sur le type d'économie que les dirigeants politiques de cet Etat ont mis sur pied.

Ce problème de primat réglé, intéressons-nous maintenant à l'importance des systèmes économiques qui étaient implicitement en compétition dans la relation économie - politique.

* 17 R. Aron, Démocratie et totalitarisme, p. 30.

* 18 Idem.

* 19 Ibid., p. 32.

* 20 Ibid., p. 35.

précédent sommaire suivant







Cactus Bungalow - Bar Restaurant on the beach @ Koh Samui