Chapitre III - Discussion et recommandations
I. Discussion
I.1. Cadre d'étude et méthodologie
L'étude bilan de l'influenza aviaire a porté sur
les pays officiellement atteints de l'influenza aviaire hautement
pathogène au 31 décembre 2007. Ce choix a permis de mieux
approfondir les informations sur la description du 1er foyer dans
chaque pays. Le recueil des informations a duré 2 ans (2006 et 2007).
Le volume d'information disponible a nécessité
un tri très important et une limitation des sources majeures aux plus
officiels tels que OIE, l'OMS, la FAO. Cette limitation des sources augmente la
fiabilité et la traçabilité de l'information mais n'est
pas toujours le reflet d'une information de terrain parfois très
variable.
La fiabilité et la sensibilité des informations
délivrées nous ont orienté vers une information
officielle. Celle transmis par les pays aux organismes régionaux et
internationaux de santé animale (GAIDET et al, 2007).
L'utilisation des sources de données principales
spécialisées et la présentation des bilans par pays a
été utilisées par DOMINGUEZ (2006).
Une sous-estimation a donc sûrement été
faite du nombre de foyers mais également des pertes animales et
humaines. Certaines informations de la presse locale n'ont pas
été prises en compte faute de vérification.
L'utilisation du tableau Excel 2003 et du logiciel de
statistique épidémiologique Epi Info 3.4.1 a permis la
vérification du nombre de foyers chez la volaille et nombre de cas
humains à partir de tous les bulletins émis par les pays
infectés.
I.2. Répartition et caractéristiques de
l'influenza aviaire en Afrique
I.2.1. Origine et mode de propagation de
l'IAHP
Cette étude montre que le premier rapport émis
par un pays africain pour signaler officiellement la grippe aviaire sur le
territoire date du 08 février 2006. Elle date du 12 décembre 2003
pour la Corée du Sud en Asie du Sud-Est (OIE, 2003). Les organisations
internationales soupçonnent fortement que l'épizootie n'est pas
apparue subitement dans la région le 08 février 2006. Cette
déclaration tardive est corroborée par DOMINGUEZ (2005) en Asie
du Sud d'Est. GRUHIER (2004) pense que l'influenza aviaire hautement
pathogène sévissait depuis plusieurs mois dans les campagnes de
certains pays sud asiatiques.
En 2005, pour plusieurs experts, l'Afrique de l'Est et
l'Afrique du Nord seraient très probablement les premières
régions touchées, car elles devraient accueillir directement les
oiseaux en provenance d'Asie. Suivrait l'Afrique de l'Ouest. En effet, des
hypothèses montraient que des oiseaux migrateurs asiatiques devraient
croiser des oiseaux d'Europe occidentale sur les terres orientales de
l'Afrique. Ces derniers ramèneraient le virus en Europe et le
transmettront à d'autres oiseaux migrants vers l'Afrique de l'Ouest.
Cette possibilité d'un double croisement mettrait en péril toute
l'Afrique à plus ou moins long terme. Ainsi les appels de fonds de la
FAO devraient aider l'Afrique sur trois fronts : surveiller plus
efficacement la faune, mener des campagnes de prévention (vaccination)
et aider à l'abattage des oiseaux dans les foyers
répertoriés.
Afin de clarifier cette situation, plusieurs équipes de
chercheurs y ont travaillé (EMMANUEL, 2006). Les
chercheurs du CIRAD en collaboration avec Wetlands International (WI) et l'US
Geological Survey, qui ont équipé 45 canards sauvages au
départ de l'Afrique (Mali, Malawi et Nigeria) de balise Argos pour
étudier l'influence des contacts entre oiseaux sauvages et domestiques
sur la propagation des virus. Aucun cas d'IAHP n'a été
identifié lors de cette étude (GAIDET et al, 2007).
Figure 17 : Aire de migration des oiseaux migrateurs (Canard
pilet)
Source : AFP, 2005
Aujourd'hui, il est admis que les échanges commerciaux
jouent un rôle très important dans la transmission du virus H5N1
en Afrique.
La caractérisation des virus présents dans les
pays africains semble fortement corroborer cette hypothèse.
I.2.2. Délais entre confirmation de laboratoire,
début présumé de la maladie et rapport à
l'OIE
Le Délai entre la confirmation par le laboratoire de
référence et le rapport à l'OIE est en moyenne de 5, 27
jours. Celui entre le début présumé de la maladie et le
rapport à l'OIE a une moyenne de 23,72 jours. La durée d'envoi de
prélèvement, la durée du test mais surtout la
capacité des services vétérinaires du pays qui semblent
jouer un rôle dans la durée de ses délais. DOMINGUEZ (2006)
le regroupe au Vietnam dans les difficultés de surveillance
épidémiologique à cause entre autres des services
vétérinaires qui sont peu développés et semblent
mal organisés.
I.2.3. Nombre de foyers chez la volaille
Le nombre de foyers en Afrique représente au 31
décembre 2007, 18% du nombre de foyers dans le monde. Cela pourrait
s'expliquer par l'atteinte tardive de l'Afrique (2006) par rapport à
2003 (1er cas en Asie du Sud-Est). La différence très
significative entre le nombre de foyers en Egypte (958) et au Nigeria (60)
pourrait s'expliquer par plusieurs hypothèses. La proximité de
l'Egypte avec l'Asie du Sud Est et l'Europe, les comportements à risque
des populations et/ou la sous estimation des cas au Nigeria (FAO, 2006b). Selon
l'OMS, les informations officielles, en provenance de Chine par exemple, sont
sans doute très en dessous de la réalité et conduisent
à une grave sous estimation de l'épizootie que ce soit pour le
nombre d'élevages concernés, l'étendue des zones atteintes
et le nombre d'humains contaminés (GRUHIER, 2004). Il semble donc qu'on
ne puisse pas accorder une confiance totale aux informations officielles
faisant état d'une absence de foyers depuis juin 2004 (DOMINGUEZ, 2005).
I.2.4. Cas du bénin
Selon MONSIA (2008), le premier cas de grippe aviaire au
bénin date du 7 novembre 2007 à Adjarra, puis le 1er
décembre à Misserete, le 3 décembre à Cotonou, le
11 décembre à Porto-Novo et le 14 décembre à
Dangbo. La contamination de la ville de Cotonou serait due à 2 dindons
provenant d'Adjarra. Ces données diffèrent de celles de l'OIE.
Cela pourrait s'expliquer par le fait que l'OIE considère un pays
infecté après la notification. Le délai entre la
confirmation par le laboratoire de référence et le rapport
à l'OIE est de zéro jour. En effet, la confirmation
utilisée pour le rapport du bénin se base sur des signes
cliniques et un test de détection rapide. La confirmation faite par le
laboratoire de Padoue (Italie) date du 14 décembre 2007 soit 9 jours
après la déclaration à l'OIE.
I.2.5. Espèces Affectées
Les espèces animales affectées en Afrique sont
des oiseaux domestiques ou sauvages (Egypte, Cameroun). Le rôle des
oiseaux migrateurs sur le continent africains n'est pas encore mis en
évidence.
Pour d'autres régions, Asie du Sud Est et Europe,
plusieurs autres espèces ont été contaminées par le
virus H5N1. L'exemple du porc. (KAYE et PRINGLE, 2005).
I.3. Cas humains
12,93 % des cas et 8,83 % des décès humains
d'IAHP sont africains. Les cas humains africains pour cette épizootie
couvrent l'année 2006 et 2007 contrairement à l'Asie du Sud Est
qui a connu son premier cas en 2003 (Chine (1 cas, 1 décès)
Vietnam (3cas, 3 décès) (OMS, 2008b).
Pour le décompte des cas humains, la notification
à l'OMS n'est pas assez claire. Le manque de suivi et la non
détection de certains cas seraient à l'origine d'une certaine
sous-estimation des cas humains en Afrique.
Une différence significative entre les cas et
décès en Égypte, au Nigeria et à Djibouti. Si l'on
considère l'évolution des foyers chez la volaille et le
rôle important que joue la proximité de la volaille
infectée et l'homme (EMMANUEL, 2007) dans sa contamination, la
différence de cas et décès humains entre l'Égypte
et le Nigeria est plus frappante. Plusieurs hypothèses sont
envisagées. Une d'elle pourrait s'expliquer par une sous-estimation due
à la non déclaration ou la non détection
94,4% des personnes décédées du virus H5N1en
Egypte sont des femmes. Cela pourrait s'expliquer par le rôle très
important des femmes dans l'aviculture villageoise.
I.4. Conséquences socio-économiques en
Afrique
Les pertes économiques et sociales sont
indéniablement importantes pour l'Afrique. L'exemple du la côte
d'Ivoire et du Cameroun dans cette étude sont juste un choix pour
illustrer les conséquences de l'IAHP en Afrique.
I.5. Information, Sensibilisation et
formation
L'effectivité des comités nationaux de lutte et
leur confirmation par arrêté par les ministères de tutelles
étaient un gage d'une sensibilisation massive de tous les acteurs. Mais,
nous avons observé une certaine cacophonie de leadership chez
différents acteurs de comités de lutte contre la grippe aviaire.
Des équipes pluridisciplinaires semblaient régler des comptes
personnels au détriment de la lutte commune contre l'influenza aviaire.
La sensibilisation massive contre la grippe aviaire a été
financée par les partenaires étrangers après le premier
foyer au Nigeria et le risque pandémique exacerbé par les
médias en Afrique.
II. Recommandations
Aussi, il nous revient de formuler quelques recommandations et
perspectives pour contribuer à une lutte plus efficace contre
l'Influenza aviaire en Afrique.
II.1. Aux éleveurs
Une attention particulière devrait être
accordée aux campagnes d'information, de sensibilisation et de formation
entreprises par différents acteurs pour la lutte contre l'Influenza
aviaire.
II.2. Aux États
Il conviendrait de mettre en place des procédures
multisectorielles afin de coordonner le travail des services agricoles,
vétérinaires et de santé publique et de faciliter
l'échange des données de laboratoire et des données
épidémiologiques dans le cadre de la lutte contre l'influenza
aviaire.
II.3. Aux organisations internationales de santé
publique et bailleurs de fonds.
Une part plus importante des moyens surtout matériel et
financiers devrait être alloués aux différentes
institutions selon leurs spécialités pour la lutte contre
l'influenza aviaire.
III. Perspectives de recherches
Comme perspectives de recherches, Il serait
intéressant de réaliser :
Au plan
épidémiologique, une caractérisation des
différentes espèces affectées sur le continent africain
ainsi que les souches virales et une étude de la variation de
sensibilité en fonctions des espèces.
Au plan socio - économique,
des études pour révéler l'importance
socio-économique de la maladie dans les autres pays infectés
à l'instar de ce qui est fait en Côte d'Ivoire (KONE, 2007).
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