Section III l'environnement socioéconomique et
culturel de l'Afrique noire francophone de l'ouest
Les compétences (savoir, savoir fai re et savoir
être) attendues des consultants Africains ne pouvant être
déconnectées des réalités de leur milieu
d'intervention, il est nécessaire de donner un aperçu de
l'environnement économique et sociologique de l'Afrique noire
francophone.
La situation macro économique
(source : Banque de France - l'évolution
économique et financière dans les pays africains de la zone
franc, de 2001 à 2004)
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004 (a)
|
Bénin
|
6,2
|
4,4
|
3,9
|
2,7
|
Burkina Faso
|
6,8
|
4,6
|
8,0
|
4,0
|
Côte d'ivoire
|
0,1
|
- 1,6
|
- 1,7
|
1,6
|
Guinée-Bissau
|
0,2
|
- 7,2
|
0,6
|
2,2
|
Mali
|
11,9
|
4,3
|
7,6
|
2,2
|
Niger
|
5,8
|
5,8
|
3,0
|
0,9
|
Sénégal
|
5,6
|
1,2
|
6,5
|
6,0
|
Togo
|
0,6
|
4,1
|
4,2
|
2,9
|
UEMOA
|
3,9
|
1,5
|
2,9
|
2,8
|
(a) estimations
Tableau 2 : Taux de croissance du Produit Intérieur Brut
(PIB) en volume (en pourcentage) ; Source : BCEAO (Banque Centrale des
États de l'Afrique de
l'Ouest)
En 2004, le taux de croissance du PIB, en termes réels,
des pays membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) s'est établi à 2,8 %, alors qu'il
s'élevait à 2,9 %en 2003. Des évènements internes
et externes ont pesé sur la conjoncture économique. En effet, des
conditions pluviométriques
13
défavorables ainsi que l'invasion acridienne dans les
pays du Sahel ont affecté les résultats de la campagne agricole
2004/2005.
Par ailleurs, la persistance d'un environnement socio
politique difficile en Côte d'Ivoire, qui s'est, d'ailleurs,
aggravé avec les évènements de novembre 2004, a
continué de perturber les relations commerciales et le climat des
affaires dans cette partie du continent.8
Selon la Banque Mondiale, l'encours de la dette
extérieure des pays de l'UEMOA s'élevait, fin 2003, à USD
27 914 millions, soit 76,4 % du PIB. Cet endettement, pour l'essentiel à
lon g terme et concessionnel, est contracté à hauteur de 48,2 %
auprès de créanciers multilatéraux. A la suite de la
décision des Ministres des Finances lors du G8 de juin 2005, le
Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal
devraient bénéficier de l'annulation totale de leur dette
vis-à-vis du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale
et de la Banque Africaine de Développement.
Quelques espoirs sont permis pour l'année 2005. En
effet, la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO)
prévoit, pour 2005, un taux de croissance du Produit Intérieur
Brut, en termes réels, de 3,8 %. La plupart des pays de l'Union seraient
confrontés à une recrudescence de l'inflation, en liaison avec le
recul de la production agricole de la campagne 2004/2005 et le maintien des
cours du pétrole à un niveau élevé. Malgré
ces tensions, l'objectif communautaire d'un taux d'inflation annuel moyen
maximum de 3 % ne devrait pas être remis en cause.
Cependant, pour qu'elle ait des chances de se réaliser, c
ette croissance a besoin d'être accompagnée d'une bonne politique
démographique. En effet, l'économie africaine, pour devenir
compétitive, a besoin de maîtriser l'essor de la population en
fonction des moyens disponibles.
En ce qui concerne les finances pu bliques, la situation
devrait s'améliorer, en raison d'une mobilisation accrue des ressources
budgétaires internes et des perspectives d'accélération de
la croissance.
8 BANQUE DE FRANCE : L'évolution économique et
financière dans les pays de la zone franc ; Rapport Zone franc,
2004, p41
14
Pour clore ce chapitre sur la situation économique, il
est intéressant de s'interroger sur les conséquences de la
mondialisation sur le continent africain. En effet, comme le dit si bien
Philippe HUGON 9, « les dépendances sont fortes en
capitaux, technologies étrangères et compétences
expatriées. L'Afrique est mondialisée mais pas mondialisat rice,
sauf dans le domaine culturel ». L'aide publique au développement
baisse nettement depuis la chute du mur de Berlin. Le continent est peu
attractif de capitaux privés. La mondialisation a favorisé
l'émergence de certains pays d'Asie du Sud et de l'Est au
détriment des pays africains, qui se trouvent ainsi marginalisés
dans les échanges mondiaux. L'Afrique subit les conséquences d'un
exode massif de ses compétences. On note quand même une
diversification des investisseurs, dans le contexte de libéralisation et
de privatisation. La faiblesse des investissements directs étrangers est
due à plusieurs facteurs, dont la taille limitée des
économies et une faible anticipation de la croissance des
marchés, des insuffisances institutionnelles et d'infrastructures, un
tissu économique et social fragile, une faiblesse du capital humain en
matière de formation continue, et surtout les incertitudes dues à
l'instabilité politique. Seule l'Afrique du Sud et, dan s une moindre
mesure le Nigeria et l'Île Maurice, arrivent à tirer profit de la
mondialisation.
Les réalités politiques, sociales et
culturelles
Sur le plan politique, il convient de reconnaître que,
dans la plupart des pays qui nous intéressent, la lente et difficile
marche vers la démocratie de ces dernières années a
tendance à accroître l'instabilité politique.
Émile-Michel HERNANDEZ dresse un tableau sans
complaisance de la situation politique de l'Afrique « Les gouvernements
africains ont réglementé de façon excessive
l'activité économique. » Le contrôle des prix
largement pratiqué a des effets désastreux conduisant à
des pénuries artificielles et des fraudes. Les décisions des
pouvoirs publiques sont fondées sur des arguments plus politiques
qu'économiques. Souvent la nature des projets, le choix des sites
d'implantation, la désignation des dirigeants, obéissent moins
à des critères
9 Revue ESPRIT: Vues d'Afrique - l'Afrique dans la
mondialisation ; août-septembre 2005 ; p 158 à
165
15
d'efficacité économiques ou d'aménagement
des territoires qu'à des critères de clientélisme
politique voire ethnique ou régionaliste.
L'organisation sociale déteint très forteme nt
sur le fonctionnement des entreprises. Dans le domaine de la gestion des
Ressources Humaines, les obligations sociales du manager constituent un
déterminant essentiel de son comportement.10
Les Ressources Humaines africaines
Dans le cadre des conférences que nous animons à
l'intention des cadres Africains, nous avons eu souvent l'occasion d'argumenter
et de valider la perception que nous avons des facteurs qui empêchent les
Ressources Humaines Africaines d'être compétitives, en comparaison
avec leurs homologues des pays dits développés. Ces facteurs sont
liés à la formation, à l'oralité, à la
relation au temps, aux pressions sociales et aux préjugés.
Les insuffisances liées à la formation
Les systèmes éducatifs nationaux présentent
des carences structurel les dues aux moyens limités du budget des
États, malgré le fait que, depuis plusieurs années,
près de 40% de ce budget y est régulièrement
consacré. En effet, il est aisé de constater que les
établissements publics de formation, souffrent d'un manque criant de
moyens tant humains, matériels, financiers que pédagogiques. Dans
ces conditions, les gouvernements africains ne sont pas toujours en mesure de
garantir une formation de base de qualité. Pour s'en convaincre, il
suffit de constater l'émergence des éta blissements privés
de formation dans tous les domaines d'activités et à tous les
niveaux (de l'école maternelle à l'enseignement
supérieur).
Compte tenu de cette situation, il revient aux entreprises
d'assurer les formations complémentaires pour pallier à ce
déficit de formation initiale. Malheureusement, rares sont les
entreprises africaines qui prennent la peine de concevoir et de formaliser
leurs politiques de formation qui préciseraient les
10 HERNANDEZ Émile-Michel. - Le management des
Entreprises africaines, Paris : l'Harmattan, 1997, p 21
16
orientations générales, les finalités,
les priorités, et les moyens qu'elles sont disposées à
mettre à la disposition de l'activité formation.
Le plus grave, c'est que ces entreprises ne disposent pas de
plans de formation. Ces plans, élaborés sur la base des besoins
identifiés, analysés et valorisés, auraient permis de
planifier et d'utiliser à bon escient les moyens limités dont
disposent ces entreprises. En lieu et place d'une gestion dynamique, ces
dernières font souvent appel à des formations au coup par coup,
sur catalogues, qui ne prennent pas toujours en compte leurs besoins
spécifiques.
Plus grave, certains managers se donnent bonne conscience en
inscrivant leur personnel à des sessions de formation afin de
«gratifier» des agents méritants ou de consommer leur
cotisation obligatoire pour les structures d'accompagnement de la formation
telles que le Fonds d'Aide à la Formation Professionnelle et à
l'Apprentissage (FAFPA) au Mali, le Fonds pour le Développement de la
Formation Professionnelle ( FDFP) en Côte d'Ivoire, l'Office Nationale de
la Formation Professionn elle (ONFP) au Sénégal, par exemple.
En outre, une systématisation des plans de formation
pourrait contribuer, à terme, à mettre en place un management des
compétences, qui irait au delà d'une simple gestion des
programmes et actions de formation. En effe t, le knowledge management
s'inscrit dans une perspective plus globale, car il permet, entre autres, une
capitalisation de toutes les connaissances et savoir - faire individuels et
collectifs, contribuant ainsi à l'acquisition et à la
préservation du patrimoine humain de l 'entreprise.
Il convient également de regretter que le
système de formation en Afrique produit une pléthore de
diplômés de l'enseignement supérieur, parfois dans des
spécialités qui ne sont pas toujours indispensables pour les
économies du continent. Dans le même temps, on constate un e
pénurie de personnes formées au niveau de la maîtrise et de
l'exécution. Cette situation contribue fortement à bloquer le
développement des entreprises.
17
Les insuffisances liées à la culture de
l'oralité
Tout le monde reconnaît les vertus de l'écriture,
en ce sens que ce mode d'expression permet de consigner, de formaliser dans un
code commun et de retrouver des traces de toute transaction. La culture
africaine traditionnelle, fondée sur l'expression orale, déteint
très fortement sur notre mode de communication. Nous ne nions pas du
tout le fait que cette culture de l'oralité présente des
avantages au niveau des relations interpersonnelles. Cependant, force est de
reconnaître qu'elle a ses limites objectives d ans le cadre du
management, lequel s'appuie en priorité sur des éléments
écrits.
En effet, combien de fois avons-nous eu affaire à un
interlocuteur qui se suffit de la parole donnée, sans se soucier de
remettre entre nos mains un document écrit récapitulant les
termes de nos accords ? C'est à croire que nous éprouvons de
l'aversion ou nous méfions de la preuve écrite.
Il reste entendu qu'il est plus aisé de rédiger
un compte rendu d'un entretien si l'on a, au préalable, noté par
écrit les points essentiels à retenir. Par contre, lorsqu'on se
contente de faire confiance à sa mémoire, il n'est pas
étonnant que ce compte rendu écrit souffre d'un manque de
fidélité et d'exhaustivité.
A plusieurs reprises, il nous a été donné
de constater que la plupart de nos interlocuteurs ne lisent pas
entièrement les documents que nous mettons à leur disposition. La
preuve en est qu'ils posent souvent des questions pour lesquelles les
réponses précises figurent dans les écrits que vous avez
pris la peine de leur remettre.
Une des conséquences du recours permanent à
l'expression orale est une carence en matière de rédaction. En
effet, à force de se passer de l'expression écrite, on court le
risque de ne pas améliorer ses capacités rédactionnelles.
La culture et l'histoire africaine ont toujours été
véhiculées par les griots qui, par essence, ne font appel
qu'à la parole déclamée ou chantée.
Dans le même ordre d'idée, les guérisseurs ou
médecins traditionnels africains ont toujours conservé
jalousement les pouvoirs occultes légu és de pères en fils
par leurs ancêtres. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions,
que tout Africain ait naturellement tendance à veiller à la
confidentialité de ce qu'il pense, à tort, être un bien
propre.
18
La gestion du temps
A l'évidence, l'Africain entretient une relation assez
ambiguë avec cette ressource rare, qui est loin d'être recyclable ou
reconductible à souhait. Comme tout le monde, nous en sommes convaincus,
mais nous éprouvons énormément de difficultés
à gérer cette ressource particulière.
Il est de bon ton, pour un Africain bien élevé,
lorsqu'il rencontre une autre personne, de consacrer le maximum de temps aux
salutations. Limiter les salutations à leur plus simple expression
reviendrait à ne pas tenir compte du fait que notre interlocuteur
appartient à un environnement plus large. Par conséquent, il nous
revient, par respect des convenances sociales, de prendre des nouvelles de
toute sa famille au sens large.
Un phénomène qui consomme également une
bonne partie de notre horaire de travail, c'est le temps que nous nous sentons
obligés de consacrer aux visites inopinées et interminables qui
nous sont rendues sur le lieu de travail. Nous éprouvons
d'énormes difficultés à les planifier, à en limiter
la durée, et encore plus à les refuser. C'est à se
demander si la fréquence et le volume des visites qui nous sont rendues
sur le lieu de travail ne sont pas, pour nous, un indicateur pertinent de la
considération que nous vouent nos parents et amis. De même que nos
proches répondent à nos invitations lorsque survient un
événement dans notre famille, nous sommes tenus d'honorer de
notre présence toutes les cérémonies familiales auxquelles
nous sommes liés d'une façon ou d'une autre. Ces absences
temporaires expliquent la faiblesse des taux de ponctualité et
d'assiduité, qu'il est facile de constater. Il est évident que
ces fragments de temps perdus, mis bout à bout, constituent un manque
à gagner non négligeable pour l'entreprise.
L'utilisation du peu de temps disponible pose également
problème dans la mesure où nous ne prenons pas toujours la peine
de fixer des priorités dans nos activités,
préférant souvent gérer le présent au
détriment du moyen et du long terme.
Enfin, notre énumération serait
incomplète si nous ne parlions pas de l'utilisation de ce merveilleux et
simple outil de gestion du temps qu'est l'agenda. Notre constat personnel est
que beaucoup de responsables tiennent
19
rarement à jour leur agenda professionnel. De même,
il nous a été souvent donné de constater que, dans celui
qu'ils gèrent eux -mêmes, ne sont pas toujours consignés
les événements figurant dans l'agenda de leur secrétariat,
lorsqu'il existe.
Les pesanteurs sociales
Contrairement au jeune des pays développés,
l'enfant Africain est pris en charge, durant toute sa jeunesse et son ad
olescence, par ses parents au sens large et tous les membres de sa
communauté d'origine. En effet, l'éducation du jeune Africain ne
revient pas seulement à ses parents stricto sensu. Cette prise en charge
sociale a pour corollaire que tout Africain qui att eint un certain niveau de
réussite sociale se trouve ainsi dans l'obligation morale de rendre la
pareille à ceux qui l'ont aidé et soutenu dans les moments
difficiles (études, hébergement, argent de poche ...), alors
qu'il était incapable de faire face tout seul à ses besoins
d'éducation et de subsistance. Le règlement de cette dette
sociale explique souvent le fait qu'un manager ne puisse pas prendre certaines
décisions concernant un parent proche ou éloigné, ou un
membre de sa communauté d'origine.
Dans notre référent culturel, le statut de
supérieur n'est pas conféré uniquement par la position
hiérarchique, mais aussi et avant tout par des considérations
d'ordre social. Par conséquent, nous avons une tendance naturelle
à accorder plus de considération à notre supérieur
si sa position hiérarchique est renforcée par sa position sociale
(ethnie, relations de cousinage ...). Ces relations informelles
découlant de la position sociale déteignent forcément sur
les relations supérieur-subordonné établies par
l'entreprise. Il est parfois difficile sinon impossible, pour un Africain, de
faire comprendre à une personne plus âgée que son droit
d'aînesse ne s'applique pas dans le milieu du travail. Face à
cette situation, la plupart des jeunes cadres sont désarmés
lorsqu'i ls sont chargés de manager des travailleurs plus
âgés ou plus expérimentés.
Tous ceux qui ont réfléchi sur le management
reconnaissent le fait que le phénomène du changement est
inéluctable dans tout processus. En effet, il serait illusoire de penser
qu'on peut gérer une entreprise moderne sans faire face de temps
à autres à des changements dans les façons de faire ou de
se
20
comporter. Malheureusement, la mise en oeuvre de ces changements
se heurte souvent à des résistances individuelles et collectives,
dans la mesure où les acteurs concernés se soucient plus de
maintenir la stabilité sociale, plutôt que de prendre le risque de
perturber l'ordre établi.
Notre inventaire des pesanteurs sociales serait incomplet si
nous ne faisions pas cas d'une réalité africaine qui pèse
très lourdement dans la gestion des entreprises. Dans sa conception
moderne, toute entreprise a pour vocation première, pour ne pas dire
principale, de créer des richesses au profit de ses promoteurs et de ses
actionnaires. Cette conception de l 'entreprise en tant que centre de profit
nous est imposée, qu'il s'agisse d'une entreprise publique ou d'une
entreprise privée. La seule différence réside dans le fait
que les ressources ainsi générées sont mises à la
disposition de la collectivité dans le cas du secteur public, et
à la disposition de quelques actionnaires lorsqu'il s'agit d 'une
entreprise privée. Ce point nous paraît primordial car l'Africain
a tendance à considérer l'entreprise qui l'emploie, non pas comme
un centre de production de ressources, mais comme une oeuvre sociale à
sa disposition. Suivant le cas, l'employeur et le supérieur
hiérarchique sont sollicités en permanence pour tous les besoins
financiers et sociaux que rencontrent les travailleurs, même en dehors du
lieu de travail. P our illustrer notre propos par un seul exemple, il suffit d
'examiner le bulletin de salaire d'un travailleur et de noter tous les
prélèvements qui y sont opérés au titre
d'engagements contractés auprès de fournisseurs de biens
d'équipements ou de divers créanciers. De fait, le gestionnaire
du personnel ou de la paie passe la plupart de son temps à veiller
à ce que la quotité cessible ne soit pas atteinte, afin de
garantir à l'employé un minimum vital. De plus, un employeur
serait très mal inspiré de ne pas s'associer, d'une façon
ou d'une autre, aux événements familiaux qui surviennent dans la
vie de ses employés.
Les préjugés dans les relations personnelles
Les insuffisances que nous venons d'évoquer ne doivent
pas nous faire croire que le travailleur Africain est incapable de faire preuve
de professionnalisme. Pour avoir côtoyé divers milieux
professionnels, nous sommes en mesure d'affirmer que le continent africain
regorge de compétences qui ne demandent
21
qu'à être mises à contribution.
Malheureusement, force est de constater que nous avons tendance à faire
plus confiance, à priori, aux spécialistes qui nous viennent
d'autres pays en général, et des pays développés en
particulier. En effet, il est courant de voir un décideur Africain
porter son choix sur u n intervenant extérieur, quitte à lui
accorder plus de ressources matérielles et financières que s'il
avait confié le poste ou la mission à un Africain justifiant du
même profil académique et/ou professionnel.
Une des conditions à remplir lorsqu'on veut m ettre des
gens à l'épreuve, c'est de les placer en situation de
compétition afin de faire émerger les meilleurs. Or, il nous
semble que dans la plupart des entreprises en Afrique, cet esprit de
compétition n'est pas de mise. La tendance générale serait
plu tôt de mettre tous les travailleurs d'une équipe sur un pied
d'égalité, ce qui aboutit à une absence
d'équité.
Il est important, pour quelqu'un qui veut améliorer ses
compétences, de prendre conscience et de reconnaître ses propres
limites et ses insuffisa nces. Par orgueil mal placé ou par amour
propre, nous sommes plutôt enclin à refuser d'admettre nos
incompétences, quitte à ne jamais saisir l'occasion de les
combler. Il nous est souvent arrivé de vérifier cette assertion
grâce aux supports d'auto évaluation que nous distribuons à
la fin de certains de nos séminaires de formation.
Enfin, pour clore ce chapitre sur les préjugés
dans les relations personnelles, il nous paraît utile de fustiger notre
propension à expliquer et excuser nos lacunes en nous
référant constamment à nos «valeurs»
culturelles. Il est certain que les Africains ont, au même titre que tous
les autres peuples, certaines valeurs positives. Cependant, une valeur ne peut
être appréciée comme positive que si elle permet
d'atteindre les object ifs qui sont fixés, dans son contexte de mise en
oeuvre. Or, il se trouve que notre propos se rapporte au management des
entreprises.
22
|
|