2-4 La régulation financière à la
croisée des chemins
La présence d'une autorité collective est
indispensable au bon fonctionnement des marchés des capitaux. Cette
régulation est constituée par les institutions publiques,
semi-publiques ou privées. Des institutions pour les
marchés... Les institutions de régulations des marchés
des capitaux sont nées des crises boursières lorsque les
mécanismes spontanés du marché ou de
l'autorégulation par les acteurs eux mêmes se sont
révélés insuffisants pour empêcher les
dérives des comportements et la déstabilisation du système
financier. Sans régulation publique les entreprises pourraient
publier des informations donnant une vision fausse de leur situation et de leur
activité et les intermédiaires pourraient ne pas agir dans
l'intérêt de leurs clients, comme cela a pu être le cas pour
les analystes par exemple. Un certain degré de régulation
publique est souvent nécessaire pour assurer la confiance des
marchés. A l'inverse trop de régulation peut freiner l'esprit
d'entreprise, décourager la prise de risque et brider
l'efficacité des mécanismes de marché. Un équilibre
délicat est à rechercher au cas par cas, selon les types de
marché considérés, selon les pays et les
époques. Aux Etats-Unis, la SEC, organisme public, est loin
d'être le seul acteur de la régulation. Elle a
délégué une partie de ses pouvoirs à des organismes
de droit privé, comme le PCAOB pour le contrôle des auditeurs ou
le FASB pour les normes comptables USGAAP. Certains marchés de produits
financiers dérivés ne dépendent pas de la SEC mais d'une
autre agence fédérale, le Commodity Futures Trading Commission.
Par ailleurs la surveillance prudentielle des entreprises de banques et
d'assurances est assurée par un réseau complexe
d'autorités dont La Réserve Fédérale. En dehors
de Etats-Unis, tous les pays développés se sont progressivement
dotés d'autorités de régulation boursière avec dans
chaque cas la même double fonction que pour la SEC : une fonction de
contrôle de l'information d'une part et de « police de
marché » d'autre part. Toutefois le champ exact de ces
missions varie d'une situation à l'autre. Aux Etats-Unis la
normalisation comptable est apparue comme un sous ensemble de la mission de la
SEC. Ceci est lié à la priorité dont
bénéficient les investisseurs sur les autres utilisateurs de
l'information financière dans le système américain. En
France, la normalisation comptable est restée pour l'essentiel,
jusqu'à l'adoption des IAS, entre les mains du ministère des
finances. Dans tous les pays, les tribunaux jouent aussi un rôle de
premier plan dans la régulation des marchés. Enfin les
gouvernements eux-mêmes et les parlements ont des influences très
variées selon le contexte national. Aux multiples acteurs
étatiques il faut aussi ajouter la commission
européenne... Cette multiplicité des acteurs n'est pas le seul
élément qui donne sa spécificité à la
régulation des marchés. Plus fondamentalement, celle-ci se situe
à la charnière entre le public et le privé. La
participation active d'intervenants issus du secteur privé demeure une
caractéristique générale de la régulation des
marchés de capitaux. Seuls les individus qui ont l'expérience des
marchés peuvent en démonter les mécanismes et y identifier
le cas échéant les fraudes et les
irrégularités. Le collège actuel de l'AMF (ex-COB) en
France comprend une majorité de membres issus du secteur privé
même si ceux-ci sont désignés par le ministère des
finances. La question qui se pose alors est celle du contrôle du
régulateur : « Qui contrôlera les
contrôleurs ? ». Interrogation centrale en
démocratie, puisque l'autorité du régulateur n'est en
principe qu'une délégation de celle du peuple souverain. Le
modèle américain de régulation financière est le
plus élaboré. Il assigne un rôle pivot entre le pouvoir
politique et les opérateurs privés du marché à une
agence publique, la SEC. Par ailleurs la SEC est en interaction permanente avec
les pouvoirs politiques, exécutif et législatif. Cette
interaction se traduit par des contacts permanents entre les services de la SEC
et les personnels des commissions parlementaires et les cadres gouvernementaux
ainsi qu'avec les représentants des différents groupes
d'intérêts. Cela n'empêche pas les dérives
bureaucratiques ou la captation par certains intérêts
particuliers. Mais un certain nombre de leviers et de contre pouvoirs sont en
place afin d'assurer autant que possible la fidélité du processus
de régulation aux intentions de ses textes fondateurs.
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