III- 1-2 Les éléments sociologiques de la
salutation
Ces éléments sont en relation avec le texte. Ils
déterminent les rapports entre les hommes, la société et
les salutations. C'est l'expression de la société à
travers les salutations.
On peut retenir à ce niveau tout d'abord la famille et
la société au coeur des salutations, ensuite les activités
et les temps en rapport avec les salutations, par ailleurs l'origine même
de la salutation et enfin le protocole de la salutation.
a) La famille et la société au coeur des
salutations
La famille a une place importante dans les salutations. En
effet chez les Dioula, l'individu est issu d'une famille qui elle aussi
émane d'une société. Toute la communauté constitue
de ce fait une famille et lorsqu'on se salue, on fait référence
à cette communauté de destin dans les voeux et les souhaits, les
préoccupations...
De façon générale, dans les salutations,
on demande après la famille et les enfants. Chez les Dioula, nous avons
constaté que la femme est responsable du foyer. C'est elle qui veille
sur les enfants et le fonctionnement de la famille. C'est à elle qu'on
demande l'état de la famille.
Cet intérêt pour la famille et des enfants marque
une préoccupation sociale. Chaque adulte est responsable d'une famille
qui est la première cellule sociale. Dans certaines salutations, on
pourrait même entendre dire :» et mes enfants».
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C'est pour signifier que l'enfant appartient à toute la
société à travers l'utilisation du possessif »
mes».
b) Les activités et le temps dans la
salutation
Les salutations chez les Dioula de Darsalamy se
présentent en fonction du temps et des activités. A partir de
cette répartition, on peut percevoir la notion de temps qui est
fondamentale. Nous avons, en ce qui concerne le temps : le matin, le midi et le
soir. A chacun de ces »moments », les hommes se formulent des
salutations. Ces salutations gravitent autour de la communauté et des
activités de celle-ci.
Le matin on dit » ki&na»
(=»matin»). On vient de se réveiller, on a traversé la
nuit, on s'apprête à aller au travail (marché, champ,
atelier...). On se souhaite un bon réveil. Ensuite, on a les souhaits
pour la journée. Ils sont orientés vers le bon déroulement
de la journée et des activités dans la paix. Tout ce que l'on va
entreprendre doit se passer dans la paix. C'est cela le sens du bonjour.
Dans la salutation du matin nous avons le mot
»ki&nÐ » qui signifie »le matin» ; il correspond au
bonjour en français. Dans ce concept se trouve toute l'expression de la
vie des hommes. Le matin est le début de la journée. Pour toute
activité, le réveil est primordial. L'expression du matin chez
les Dioula de Darsalamy marque une renaissance. Donc en disant »
ki&nÐ », on résume tout ce voeu de renaissance que les
hommes se formulent tous les jours au delà de l'aspect temps.
Les temps forts de la journée marquent la salutation :
le matin, le midi et le soir
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»Baba ki&nл
: (Papa / et / matin) : (=Bonjour Papa) »Baba ní
tére» : (Papa / et / soleil) : (= bonjour Papa)
»Baba ní wúla» :
(Papa / et / soir) : (=bonsoir Papa)
Le matin on se réveille et on va au travail. A midi on
observe une pause et le soir on rentre à la maison pour le repos de la
nuit. Et un de nos interlocuteurs nous disait à propos : « la
journée est comme toute notre vie. On naît, on grandit et on
meurt. Le matin, c'est la naissance ; on grandit dans la journée
à travers notre activité et le retour du soir est comme une mort.
Demain, on reprend la journée comme une nouvelle vie. Que l'on soit
travailleur ou pas, on verra le soleil se lever, monter dans le ciel et aller
tomber. Donc c'est cela le sens du temps dans les salutations. »81
Le temps est également une référence pour
les prières de la journée ; les Dioula n'ont pas connu l'heure de
la montre, c'est l'évolution du soleil qui détermine les heures
de prière.
De même à midi, le soleil est monté au
ciel, une partie de la journée est déjà passée ; on
a quitté le matin. On souhaite que ce soleil qui va se coucher apporte
la paix toujours dans ce que l'on est en train de faire.
Dans ces formules, les préoccupations sont axées
sur les activités des hommes. Quand un enfant salue, on lui souhaite la
paix et la santé dont il a besoin pour grandir. Du fait qu'il n'ait pas
d'activités, on ne lui formulera pas de souhaits dans ce sens. Mais
quand il s'agit des adultes qui se saluent, au-delà des notions de paix
et santé, ils se souhaitent la paix dans le travail ou dans
l'activité que l'on mène. Que ce soit dans le commerce, au champ
ou dans un
81 Entretien fait en janvier 2007 à Darsalamy
avec les notables de la cour royale.
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atelier, qu'il y ait la paix. Notons que la paix est
précieuse dans l'évolution de la journée chez les Dioula
de Darsalamy.
Dans ce sens, on peut dire que la salutation prend en compte
certaines préoccupations sociales.
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