b) Les formules selon les événements
Le deuxième groupe de formules concerne les salutations
en fonction des événements. Ici nous présenterons la
salutation de l'accueil d'un étranger, celle des naissances et
baptêmes, des mariages, des funérailles ou décès et
celle des fêtes.
Ces formules se fondent sur les salutations dans le temps
auxquelles on ajoute les souhaits, les voeux ou les
bénédictions.
b)- 1 Quand un étranger
arrive
b) -1 - 1 Un enfant du village revient de voyage le
matin
Enfant : Baba ki&nÐ
papa / matin, Bonjour Papa !
Père : nbáà n'dén I ni
s*n*, Jàtigiruw dó ?
merci / poss.+ enfant / toi / et / marche / cohabitant+plur / et
+interro. Merci mon fils, bon arrivé. Comment vont les autres
?
Enfant : oru k'á k&n[ .
ils / aller + présent / santé Ils vont
bien.
66
Père : án k'í
yé s>g<mà
nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin
?
Enfant : júguman t* forí ro
mauvais / pas / salut / c'est Rien de mal c'est un
bonjour
Père : AlÐ ka i na kun %iá
Dieu / souhait / toi / venir / tête / rendre bien Que
Dieu bénisse ta visite
Enfant : amína
amen amen
La salutation de l'enfant qui arrive ou qui revient au village
est définie en fonction du moment de son arrivée. Il salue son
géniteur qui, à son tour, lui demande comment vont ceux avec qui
il est de l'autre côté. Ensuite on lui demande l'objet de sa
visite. Pourquoi un père va-t-il demander l'objet de visite à son
enfant ? Cela s'explique du fait que cet enfant qui ayant quitté un
autre village ou la ville, a toujours des nouvelles à apporter à
ses parents ou au village. Chez les Dioula, on demande toujours cet objet de la
visite.
Et l'enfant répondra qu'il n'y a rien de grave. Le
père lui formulera le souhait que sa visite soit sous la protection de
Dieu.
C'est celui qui arrive qui doit, le premier, adresser la
salutation sinon personne ne répondra.
Quand l'étranger salue, c'est déjà une
marque de considération qu'il manifeste à celui qui le
reçoit. C'est pourquoi l'enfant se doit de saluer ses géniteurs
quoiqu'ils soient ensemble.
67
b) -1 -2 Sali, une femme du village, arrive le matin et
salue Moussa (homme)
Sali : Músà ki&nÐ
Moussa / matin Bonjour Moussa
Moussa : nbáà Sàlí í
ni s*n*, Jàtigiru dó ?
merci / Sali / toi / et / marche / cohabitant+plur / et+intero.
Merci Sali, bon arrivé. Comment vont les autres ?
Sali : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : dénw do?
enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?
Sali : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : án k'í yé s>g<mà
nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin
?
Sali : júguman t& forí ro
mauvais / pas / salut / c'est
Rien de mal, c'est un bonjour
68
Moussa : AlÐ ka i na kúm
Èiá
Dieu / souhait / toi / venir / raison / rendre bien Que Dieu
bénisse ta visite
Sali : amína
amen amen
Quand c'est un adulte qui revient au village, il peut saluer
son interlocuteur en commençant par son prénom. Celui-ci va
s'enquérir des nouvelles de la famille de son visiteur et de la
localité d'où il vient. Après quoi, il lui demande l'objet
de sa visite. Le visiteur va lui répondre qu'il n y a rien de grave. Et
l'interlocuteur lui souhaitera un bon séjour ; que Dieu bénisse
son séjour et les raisons de sa visite.
Il faut noter que lorsqu'on demande l'objet de la visite, la
réponse est systématique :»rien de grave, c'est un
bonjour». Quoiqu'il y ait une raison à toute visite. C'est
après qu'on dévoilera les vraies raisons de la visite. Le plus
souvent quand un membre du village revient, c'est pour faire quelque chose.
Lorsque le visiteur arrive directement à la maison et
salue, on lui répond. Ensuite on lui donne de l'eau à boire. On
reprend la salutation en lui demandant les nouvelles de sa localité et
celle de sa famille. A un adulte, on demandera toujours les nouvelles de la
famille.
b) -1 -3 Un étranger inconnu du village arrive le
matin Sali (femme) et Moussa (homme)
Moussa : a ni
s>g<mà57
toi / et / matin Bonjour
57 Si c'est un autre moment, on le mettra.
69
Sali : í dans[
Toi / bienvenu Soyez la bienvenue
Moussa : nbáà
merci Merci
Sali : í ni tágama. b> y]r] do ?
Toi / et / marche / sortie / lieu / et +intero
Bienvenu ! Comment vont les gens de
là-bas58 ?
Moussa : o k'á k[n[ !
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Sali : d] di
Quelque chose / donner Donne quelque
chose59
Moussa : júguman t* fóri ro
mal / nég. / salut / c'est
Il n'y a pas de mal, c'est un bonjour.
Sali : Ala k'an tanga júguman man
Dieu / souhait+ nous / garder / mal / de
Que Dieu nous préserve du mal.
58 Nous utilisons `'là-bas» pour signifier
le lieu d'où l'on vient ; comme il n'y a pas de précision,
l'expression est utilisée couramment dans les salutations pour signifier
un lieu. On aime dire »ceux de là-bas » ; c'est le sens d'un
lieu lointain souvent.
59 Ici, »donne quelque chose» veut dire
`'donne les nouvelles», que l'étranger apporte. C'est une formule
simple qui prend en compte tout ceci.
70
Etranger : amí60
amen amen
Cette formule concerne un étranger (=» dúgu
ná ») ou (» dunan »)
A propos d'étrangers, les Dioula en distinguent deux
types : un membre du village de retour de voyage, et une autre personne qui
n'est pas du village, qui y arrive.
Dans cette formule, il s'agit du deuxième type. Ce qui
justifie la simplicité de la salutation. C'est le jùla
véhiculaire qui est utilisé. Quand un étranger arrive dans
le village, il doit être le premier à adresser la salutation,
condition indispensable de son acceptation dans la communauté.
Souvent quand un étranger arrive pour la
première fois au village de Darsalamy, après avoir salué
la première personne qu'il croise, il est conduit à la cour
royale (chez le chef). C'est là qu'on lui demandera l'objet de sa
visite. Après l'avoir écouté, on lui donnera
l'hospitalité. Cette expérience, nous l'avons vécue
pendant nos séjours de recherches.
A travers la réponse à la salutation d'un
étranger, on peut lire l'expression de la fraternité et de
l'hospitalité. Entre les membres du même village, la
réponse est un signe de reconnaissance de l'autre. Il faut noter que les
commerçants sont aussi considérés comme des revenants d'un
voyage. A cet effet, ils utilisent les mêmes formules pour saluer
à leur retour. Un autre constat que nous avons fait est que, quand le
père revient du marché, c'est toujours l'enfant qui le salue le
premier, et au lieu de lui souhaiter bonne arrivée, il lui dit bonsoir
ou bonjour selon le moment.
60 Ici il répondra amí (j.v.) au lieu de
amìna(j.k.). L'étranger ou le visiteur parle le jùla
véhiculaire.
71
b)- 2 Salutation de
naissance/baptême
b)- 2 -1 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) au
matin de son accouchement
Sali : ki&nÐ
matin Bonjour
Awa : nsée61 Sali ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci Sali, bonjour, t'es-tu réveillée dans la paix?
Sali : h&[r[ !
Paix
Dans la paix !
Sali : Ala ká dén nà kán dIya
Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que
Dieu donne longévité à l'enfant
Awa : amIna
Amen amen
Sali : Ala ká làjó
Dieu / souhait / faire grandir/ Que Dieu le fasse
grandir
61 Ici nous avons mis la réponse au
féminin du fait qu'il revient le plus souvent à la mère du
nouveau né de répondre aux salutations. Si c'est le
père de famille, on pourrait mettre la formule de réponse au
masculin.
72
Awa : amína
Amen amen
Sali : Ala dàgà níi flà
niàna
Dieu / sauver / vie / deux / être bien Que Dieu
protège bien les deux personnes
Awa : amína
Amen amen
La naissance chez les Dioula est un événement
pour toute la communauté. A cet effet donc, on vient saluer le nouveau
né et sa maman. Le plus souvent, ce sont les femmes qui y vont pour
féliciter leur consoeur après l'épreuve de l'accouchement.
C'est généralement le matin que les gens y vont. Souvent, en
raison des occupations, d'autres peuvent y aller selon l'heure de leur
convenance. Ces salutations sont l'apanage des adultes. Très souvent on
n'interpelle pas par prénom car, à côté de la
mère et de l'enfant, il y a d'autres femmes et la belle mère.
Donc on dit directement » ki&nл. On vient souhaiter la
bienvenue à l'enfant et féliciter la mère pour lui avoir
donné la vie. On remercie Dieu parce que la mère et l'enfant
pouvaient mourir lors de l'accouchement. On le remercie de les avoir
sauvés et on lui demande de veiller sur eux à travers les
bénédictions qu'on formule.
b)- 2 -2 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) le
jour du baptême, le matin,
Sali : ki&nÐ
matin
Bonjour
73
Awa : nsée Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[
rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la paix?
Sali : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Sali : Ala ká dén nà kán dIya
Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que
Dieu donne longévité à l'enfant.
Awa : amIna
Amen amen
Sali : Ala ká làjó
Dieu / souhait / faire grandir Que Dieu le fasse
grandir
Awa : amIna
Amen amen
Ici il s'agit du jour du baptême qui a lieu sept (07)
jours après la naissance62. Il faut noter que chez les Dioula
de Darsalamy, le baptême marque de façon officielle la naissance
et introduit l'enfant dans la communauté. Nous avons les salutations
d'usage suivies de remerciements, souhaits et bénédictions. Le
plus souvent, cette cérémonie se passe le matin.
62 C'est une cérémonie qui consiste,
chez les musulmans, à raser la tête du nouveau né et lui
attribuer un prénom lors d'une prière.
74
Dans ces salutations marquées par l'influence de la
religion musulmane, Dieu est au coeur des souhaits. C'est lui qui a permis la
naissance de l'enfant ; on lui demande de veiller sur eux. Il convient donc de
le remercier et de lui confier cet enfant qu'il a donné.
Les enfants n'ont pas de formule de salutation du fait qu'ils
ne participent pas directement à la cérémonie. De plus,
ils sont des enfants. A cet effet, ils ne peuvent pas formuler de
bénédictions. Ce sont les adultes qui sont concernés. Au
fur et à mesure que l'enfant grandit, il revient à la mère
de lui apprendre ces valeurs.
b)- 3 Salutation de mariage
b)- 3-1 Moussa (homme) vient saluer le matin les
parents du marié/de la mariée Moussa : ki&nÐ
matin Bonjour
Parent : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix /
dans Merci Moussa, bonjour, t'es- tu réveillé dans la
paix?
Moussa : h&[r[ !
paix
Oui dans la paix.
Parent : sóm<ru do?
Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta
famille ?
75
Moussa : oru k'á k&n[ .
ils63 / aller + prés. / santé Elle
va bien.
Parent : dénw do?
enfant+plur. / et ?
Comment vont les enfants ?
Moussa : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká k& fúru #uman yé
Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être Que Dieu
rende ce mariage agréable
Parent : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká a È>g>n di an b&[
ma
Dieu / souhait / ça / pareil / donner / nous / tous /
pré. à Que Dieu nous donne d'autres mariages pareils
Parent : amína
Amen amen
63 Quand on parle de famille, on a les enfants et
les parents ; d'où l'utilisation de »ils». Mais dans la
salutation on dit `'' et la famille ?» La réponse sera » elle
va bien».
76
Moussa : AlÐ ká oru káan b[n
Dieu / souhait / ils / voix / accorder Que Dieu fasse qu'ils
s'entendent
Parent : amIna
Amen merci
Le mariage chez les Dioula de Darsalamy est une question de
famille. Et il constitue un grand événement (nous ne nous
attarderons pas sur cette cérémonie qui n'est pas l'objet de
notre travail).
A ce niveau, on adresse les salutations aux géniteurs
des mariés. En fonction du temps, on salue et ils répondent en
demandant les nouvelles de la famille. Et les arrivants commencent à
adresser les voeux pour les mariés aux parents. On adresse ces voeux ou
souhaits aux parents pour les remercier pour leurs enfants qui se marient.
On a également les bénédictions qui
dominent cette salutation. Ce sont des voeux qu'on formule à l'endroit
des parents, aux mariés et à la société
entière. L'enfant grandit auprès des parents en observant ces
formules.
b)- 3- 2 La salutation s'adresse aux mariés le
matin : Moussa (homme) aux mariés (homme et femme)
Moussa : ki&nÐ
matin Bonjour
Mariés : nbáà Moussa ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà
merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix /
dans +interro. Merci Moussa, bonjour ; t'es- tu réveillé dans
la paix?
77
Moussa : h&[r[ !
paix
dans la paix
Mariés : sóm<ru do ?
Les gens de la famille. / et+interro.
Comment va ta famille ?
Moussa : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Mariés : dénw do ?
enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?
Moussa : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká k& fúru #úman
yé
Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être
Que Dieu fasse de cela un bon mariage
Mariés : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká ar káan b[n
Dieu / souhait, / vous / voix / accorder
Que Dieu vous unisse
78
Mariés : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká dén #uman dií ár
mà
Dieu / souhait / enfants / bon / donner / vous / à
Que Dieu vous donne de bons enfants
Mariés : amína
Amen amen
Les gens viennent en groupe, par quartier ou par famille pour
célébrer, soutenir et souhaiter un heureux ménage aux
mariés. On retrouve les mêmes salutations que dans la
précédente. Au niveau des souhaits, on s'adresse directement aux
mariés :
»AlÐ ká ar káan b[n» (= que Dieu vous
unisse ! )
À la différence de la première qui est :
»AlÐ ká orw káan b[n» (=que dieu
fasse qu'ils s'entendent).
Les souhaits sont orientés vers leur bonne union, leur
entente dans le couple. Qu'ils aient de bons enfants et un heureux
ménage !
79
b)- 4 Salutation de
funérailles
b)- 4- 1 Saluer le jour du
décès
Dans cette formule, nous avons Moussa (homme) qui s'adresse
à une famille éplorée. On ne salue pas un individu lors
des funérailles, c'est tous ceux qui sont affligés. Donc on aura
comme interlocuteurs Moussa et les affligés (ceux qui sont en deuil).
Moussa : aw ni sógóla
vous / et / viande couché Vous et la
douleur64
Affligés : nbáà65 an b*[ ni
s*[
merci / nous / tous / et / fatigue Merci. A nous tous la
douleur
Moussa : Ala ká hína a rà
Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait
pitié de son âme !
Affligés : amína
Amen amen
Moussa : Ala ká an b&[ ta nìa
Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu
nous accorde une bonne mort66
64 Ici, nous avons le corps du défunt qui
est comparé à de la viande couchée ou posée en
face. Cela suscite de la douleur. Les Dioula font directement la relation avec
cette image que nous exprimons par la douleur dans la traduction
française.
65 Dans la reprise ici, on ne reprend pas le
prénom de celui qui salue. Parce qu'on ne connaît pas tous ceux
qui arrivent, et tous ceux qui sont déjà là
répondent à la salutation.
80
Affligés : amína
Amen amen
Dans nos différentes sociétés, la mort est
une réalité. Elle affecte toute la communauté. Tout le
monde se mobilise pour accompagner le défunt par la prière et les
bénédictions. C'est pourquoi on se rend dans la famille
affectée. Le jour du décès, on se salue par rapport
à la douleur, la souffrance :
» áw ni
sógola»67 (qui veut dire vous et la
douleur).
C'est une compassion car le corps du défunt est encore
là sous les yeux.
On est sous l'effet de la mort par la présence du corps
du défunt et on le pleure encore. Et la salutation en fonction de
l'événement est :
» áw ni sógola » quand
le corps du défunt n'est pas encore enterré.
On salue la douleur et la fatigue de tous ceux qui sont
là.
On ne demande pas après les familles pour la simple
raison que la mort d'un membre de la communauté affecte toutes les
familles, d'où le caractère communautaire de celle-ci.
On formule des souhaits d'abord pour le défunt afin que
Dieu l'accueille dans son paradis. Ensuite pour les vivants, afin qu'ils
bénéficient d'une bonne mort. Mais ce souhait ne voudrait pas
dire que les vivants sont prêts à mourir. Il est plutôt le
signe de l'espérance et de la foi des Dioula. La mort est un passage
obligatoire pour tout homme. A cet effet donc, il sied de se la souhaiter
mutuellement bonne.
66 La mort est un passage obligatoire pour tous. Et
chez les dioula, il convient de se souhaiter une bonne mort qui signifie en
quelque sorte une mort naturelle, après avoir vécu longtemps et
la mort dans de bonnes conditions.
67 On retrouve à la place de » áw
ni sógola » cette forme chez certains : » áw
ni dúsu kási » (=vous et la douleur). Ces deux
formules ont la même signification. La seconde est le fruit de
l'influence du jùla véhiculaire chez certains Dioula de
Darsalamy.
81
Les bénédictions qui accompagnent la salutation
sont de deux ordres : on les fait d'une part pour accompagner le défunt
et d'autre part pour soi-même et les autres aussi, dans la mesure
où tout homme est appelé à mourir.
b)- 4- 2 Saluer le lendemain du décès :
Moussa (homme) salue les affligés (famille en deuil)
Moussa : áw ni kúnu s*[
vous / et / hier / fatigue Vous et la fatigue
d'hier68
Affligés : nbáà an b&[ ni s&[
merci / nous / tous / et / la fatigue/ Merci Moussa, nous
tous et la fatigue69
Moussa : Ala ká hína a rà
Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait
pitié de lui
Affligés : amína
Amen Amen
Moussa : Ala ká a jígi y<r] nía
Dieu / souhait / son / descendre / lieu / rendre bon Que Dieu
rende bien là où il descend70
68 Le lendemain de la mort est difficile. On fait
allusion donc à la douleur d'hier ; du fait de la présence du
corps du défunt, on ne pouvait pas dormir. C'est pourquoi les Dioula, le
lendemain saluent en fonction de la douleur de la veille.
69 Ici on pourrait dire encore » que Dieu
l'accueille dans son royaume»
70 On pourrait traduire également par »Que
la terre lui soit légère».
82
Affligés : amína
Amen Amen
Moussa : Ala ká ánw b&[ ta níya
Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu
nous accorde une bonne mort
Affligés : amína
Amen Amen
Les salutations du lendemain se situent après
l'inhumation. On dira : »áw ni kúnu s*[» (= Vous et la
fatigue d'hier).
On se réfère à la fatigue d'hier. On
souhaite pour le défunt une bonne mort, que Dieu l'accueille dans son
royaume et qu'il repose en paix. Les vivants eux, se souhaitent une bonne mort.
C'est la souffrance du deuil qu'on exprime le lendemain de l'enterrement. Les
souhaits émis servent de réconfort pour la communauté :
» Ala ká ánw b&[ ta níya
»(=Que Dieu nous accorde une bonne mort)
b)- 4- 3 - Lors des »dugabu»71
Moussa : ki&nÐ
Matin Bonjour
71 Le `'dugabu» ou encore `'doua» est un
sacrifice que la communauté fait, un sacrifice pour accompagner le
défunt, pour que Dieu lui pardonne ses péchés. Cette
pratique émane de l'islam.
83
Affligés : nbáà ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
Merci / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la
paix?
Moussa : h&[r[ !
paix Paix
Affligés : sóm<ru do ?
gens de la famille / et Comment va ta famille ?
Moussa : óru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Affligés : dénw do?
enfant+plur. / et ? Et les enfants ?
Moussa : óru k'á k&n[
ils / aller +prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : Ala ká sáraka mIna
Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce
sacrifice
Affligés : amIna
Amen Amen
84
Moussa : Ala ká án tó %<g<n
yé
Dieu / souhait / nous / garder / ensemble / à Que
Dieu nous unisse
Affligés : amína
Amen Amen
Le »dugbabu» est un sacrifice important chez les
Dioula de Darsalamy en particulier et dans l'islam en général.
C'est un sacrifice de remerciement à Dieu pour la vie du défunt.
On lui confie le défunt afin qu'il l'accueille dans son paradis. Il a
lieu le 7ème jour et le 40ème jour
après le décès. C'est le ''
sáraka b] » (=» Sacrifice
faire»).
En ce moment, le deuil est moins perceptible. On se salue en
fonction du temps de la journée. On demande les nouvelles des familles
respectives et des enfants qui, en principe ne participent pas à ce
rituel. Après interviennent les souhaits où on demande à
Dieu d'accepter le sacrifice pour le défunt. Qu'il fasse régner
l'unité dans la famille et la communauté du défunt.
En fait, ce rituel émane de l'islam. En tant que
pratiquants de cette religion, les Dioula l'ont incorporé à leurs
valeurs culturelles. C'est une cérémonie faite de
bénédictions et de prières que la communauté
organise pour le défunt afin que Dieu » Ala» (= » le tout
puissant») l'accueille dans son royaume.
Il y a un ensemble de versets du coran et des sourates que
l'Imam dit et à la fin desquels il formule des
bénédictions auxquelles l'assistance répondra :
85
Imam : Ala ká níya
Dieu / souhait / rendre bien
Que Dieu rende bien notre sacrifice
Assistance: amína
Amen Amen
Imam: Ala ká sáraka mína
Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce
sacrifice
Assistance : amína
Amen Merci
Il faut noter qu'en ce qui concerne ces salutations de
funérailles, les enfants n'ont pas de formules à dire du fait
qu'ils n'assistent pas le plus souvent aux funérailles.
Quand il y a un décès dans la famille, les
enfants sont amenés chez un des oncles ou dans une autre famille
jusqu'à la fin des obsèques. A cet effet donc, ces formules ne
sont pas utilisées par les enfants qui le plus souvent les ignorent.
Quand ils deviendront adultes, ils les apprendront aux
côtés de leurs aînés lors des
cérémonies de funérailles.
86
b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski,
nouvel an)
b)- 5- 1- Un enfant salue ses géniteurs le
matin
Enfant : Baba ki&nÐ
Papa / matin Bonjour Papa !
Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc./ paix
/ dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien
réveillé ?
Enfant : h&[r[ !
paix
dans la paix !
Enfant : Baba ni sán kúra
papa / et / an / nouveau Bonne année papa !
Père : nbáà n'dén i ni san
kùrà
merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon
enfant. Bonne année !
Enfant : amIna
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán h&[r[
cáya
Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que
Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année
87
Enfant : amína
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán cáaman
di an ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que
Dieu nous donne longue vie
Enfant : amína
Amen Amen
Les fêtes, »séri» chez les Dioula de
Darsalamy sont des moments de réjouissance. Chaque fête correspond
à une nouvelle lune. Ce sont le plus souvent des fêtes dites
musulmanes.
Le matin de la fête, l'enfant adresse d'abord le salut
quotidien à ses géniteurs avant de leur souhaiter la bonne
fête :» Baba ni sán kúra ».
Et le géniteur à son tour lui souhaite bonne
année aussi avant de lui formuler des voeux. Ces
bénédictions reposent sur la paix indispensable pour la vie, la
longévité pour grandir. Que Dieu lui accorde beaucoup de jours.
En souhaitant la longévité, le géniteur le fait et pour
l'enfant et pour lui-même quand il dit : »AlÐ ká
sán cáaman di an ma » (= »Que Dieu nous donne
longue vie»)
Si l'enfant vit, il lui faut la paix pour grandir. C'est cela
le sens des souhaits du géniteur à l'endroit de son fils. Comme
cité plus haut, la fête est une réjouissance. Avant ces
réjouissances, on se souhaite mutuellement les voeux pour la nouvelle
année : des voeux de paix, de santé, de joie et de bonheur.
Les enfants manifestent leur reconnaissance à leurs
géniteurs à travers la salutation et ils prient pour que Dieu les
garde auprès d'eux.
88
b)- 5- 2 Un enfant salue un adulte lors d'une fête
(ramadan, tabaski, nouvel an), le matin
Enfant : n'faá ki&nÐ
Poss. +père / matin Père bonjour
Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
Merci / poss. + enfant / matin, / tu / réveiller+acc. /
paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien
réveillé ?
Enfant : h&[r[ !
paix la paix
Enfant : n'faá ni san kúra
Poss.+Père / et / an / nouveau
Bonne année papa !
Père : nbáà n'dén i ni sán
kúra
merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon
enfant. Bonne année !
Enfant : amIna
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán h&[r[
cáya
Dieu / souhait / an / paix / rendre beaucoup
Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette
année
Enfant : amIna
Amen Amen
89
Père : AlÐ ká sán cáaman di an
ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à
Que Dieu nous donne longue vie
Enfant : amIna
Amen Amen
On retrouve les mêmes formes de salutations ici que
lorsque l'enfant s'adresse à son géniteur. Seulement
l'appellation affective »papa » fait la différence. Les voeux
sont les mêmes puisque l'enfant est considéré comme le fils
de toute la communauté. A l'instar du géniteur, tout adulte lui
formulera les voeux de paix, de longévité... Ce sont les plus
jeunes qui saluent leurs aînés, qui à leur tour, formulent
des bénédictions à leur endroit.
b)- 5 -3 Deux adultes se saluent lors d'une fête
(ramadan, tabaski, nouvel an) : Moussa (homme) et Sali (femme), le
matin
Sali : Músà ki&nÐ
Moussa / matin, Bonjour Moussa
Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
+interro Merci Sali, bonjour ; t'es- tu bien réveillée
?
Sali : h&[r[ !
Paix
dans la paix !
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Moussa : sóm<ru do ?
Les gens de la famille / et+interro. Comment va ta famille
?
Sali : óru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Moussa : dénw do?
enfant+plur. / et +interro? Et les enfants ?
Sali : óru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Sali : Músà i ni sán kúra
Moussa / toi / et / an / nouveau Bonne année Moussa
!
Moussa : nbáà Sàlí i ni sán
kúra
merci / Sali / toi / et / an / nouveau Merci Sali, bonne
année !
Moussa : AlÐ ká sán h&[r[ cáya
Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que
Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année
Sali : amína
Amen Amen
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Moussa : AlÐ ká sán cáaman di an ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que
Dieu nous donne longue vie
Sali : amína
Amen Amen
Dans cette salutation, les adultes tiennent compte de la
famille et des enfants d'abord. Ensuite, ils se souhaitent la bonne
année. Les souhaits sont les voeux de paix, de longévité
les uns pour les autres. Entre adultes ou personnes de même
génération, le souhait de voeux est mutuel. La paix est
significative pour le nouvel an car c'est elle qui permet la cohabitation dans
la communauté.
b)- 5- 4 Après les prières du jour de
fête
Chez les Dioula de Darsalamy, il y a une formulation de
salutation après la prière les jours de fête et les
vendredis après la grande prière. Ces bénédictions
et souhaits sont une forme de salutation de l'Imam à l'endroit des
fidèles.
Imam: Ala ká báto mína
Dieu / souhait / adoration / attraper72 Que Dieu
accueille nos prières
Fidèles : amína
Amen Amen
Imam: Ala ká k& #asigi yé
Dieu / souhait / rendre / avenir / être Que Dieu
nous donne la prospérité !
72 '' mína '' signifier attraper. Dans la formule, elle
est traduite par '' accueille'' dans la mesure où c'est une forme de
demande à Dieu
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Fidèles : amína
Amen Merci
Imam: Ala kánà an73 fári
fága a rá
Dieu / négation / poss. / corps / tuer / ça /
dans
Que Dieu fasse que nous ne nous lassons pas dans la
prière !
Fidèles : amína
Amen Amen
Imam : Ala ká bi séri #ià ka di an
ma
Dieu / souhait / aujourd'hui / fête / rendre bien / souhait
/ donner / nous / à Que Dieu accueille notre prière de ce
jour !
Fidèles : amína
Amen Amen
Ce sont des bénédictions qui sont donc
formulées pour la communauté à l'occasion de la nouvelle
lune. Elles sont connues de tous dans la communauté.
Ces formules nous permettent de voir les différents
événements de la communauté dioula et leurs
préoccupations sociales. Il ressort ici que la famille a une place
importante dans la salutation des adultes. L'expression de la religion, la
solidarité et la reconnaissance sociale sont des éléments
perceptibles dans les formules de salutation.
73 '' an » est ici le pronom possessif
» nos ». Dans d'autres cas, il désigne le pronom personnel
» nous ».
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On se rend compte à travers ces énoncés
que la parole est importante car c'est elle qui favorise leur transmission. Il
convient donc de chercher à voir en quoi ces énoncés
sont-ils littéraires ; en d'autres termes, quelle est la
littérarité de ces énoncés ?
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