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Approche ethnolinguistique des formules de salutation chez les Dioula de Darsalamy au Burkina Faso

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par Ignace SANGARE
Université de Ouagadougou Burkina Faso - Diplôme d'études approfondies option littérature orale 2008
  

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b) Les formules selon les événements

Le deuxième groupe de formules concerne les salutations en fonction des événements. Ici nous présenterons la salutation de l'accueil d'un étranger, celle des naissances et baptêmes, des mariages, des funérailles ou décès et celle des fêtes.

Ces formules se fondent sur les salutations dans le temps auxquelles on ajoute les souhaits, les voeux ou les bénédictions.

b)- 1 Quand un étranger arrive

b) -1 - 1 Un enfant du village revient de voyage le matin

Enfant : Baba ki&nÐ

papa / matin, Bonjour Papa !

Père : nbáà n'dén I ni s*n*, Jàtigiruw dó ?

merci / poss.+ enfant / toi / et / marche / cohabitant+plur / et +interro. Merci mon fils, bon arrivé. Comment vont les autres ?

Enfant : oru k'á k&n[ .

ils / aller + présent / santé Ils vont bien.

66

Père : án k'í yé s>g<mà

nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin ?

Enfant : júguman t* forí ro

mauvais / pas / salut / c'est Rien de mal c'est un bonjour

Père : AlÐ ka i na kun %iá

Dieu / souhait / toi / venir / tête / rendre bien Que Dieu bénisse ta visite

Enfant : amína

amen amen

La salutation de l'enfant qui arrive ou qui revient au village est définie en fonction du moment de son arrivée. Il salue son géniteur qui, à son tour, lui demande comment vont ceux avec qui il est de l'autre côté. Ensuite on lui demande l'objet de sa visite. Pourquoi un père va-t-il demander l'objet de visite à son enfant ? Cela s'explique du fait que cet enfant qui ayant quitté un autre village ou la ville, a toujours des nouvelles à apporter à ses parents ou au village. Chez les Dioula, on demande toujours cet objet de la visite.

Et l'enfant répondra qu'il n'y a rien de grave. Le père lui formulera le souhait que sa visite soit sous la protection de Dieu.

C'est celui qui arrive qui doit, le premier, adresser la salutation sinon personne ne répondra.

Quand l'étranger salue, c'est déjà une marque de considération qu'il manifeste à celui qui le reçoit. C'est pourquoi l'enfant se doit de saluer ses géniteurs quoiqu'ils soient ensemble.

67

b) -1 -2 Sali, une femme du village, arrive le matin et salue Moussa (homme)

Sali : Músà ki&nÐ

Moussa / matin Bonjour Moussa

Moussa : nbáà Sàlí í ni s*n*, Jàtigiru dó ?

merci / Sali / toi / et / marche / cohabitant+plur / et+intero. Merci Sali, bon arrivé. Comment vont les autres ?

Sali : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : dénw do?

enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?

Sali : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : án k'í yé s>g<mà

nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin ?

Sali : júguman t& forí ro

mauvais / pas / salut / c'est

Rien de mal, c'est un bonjour

68

Moussa : AlÐ ka i na kúm Èiá

Dieu / souhait / toi / venir / raison / rendre bien Que Dieu bénisse ta visite

Sali : amína

amen amen

Quand c'est un adulte qui revient au village, il peut saluer son interlocuteur en commençant par son prénom. Celui-ci va s'enquérir des nouvelles de la famille de son visiteur et de la localité d'où il vient. Après quoi, il lui demande l'objet de sa visite. Le visiteur va lui répondre qu'il n y a rien de grave. Et l'interlocuteur lui souhaitera un bon séjour ; que Dieu bénisse son séjour et les raisons de sa visite.

Il faut noter que lorsqu'on demande l'objet de la visite, la réponse est systématique :»rien de grave, c'est un bonjour». Quoiqu'il y ait une raison à toute visite. C'est après qu'on dévoilera les vraies raisons de la visite. Le plus souvent quand un membre du village revient, c'est pour faire quelque chose.

Lorsque le visiteur arrive directement à la maison et salue, on lui répond. Ensuite on lui donne de l'eau à boire. On reprend la salutation en lui demandant les nouvelles de sa localité et celle de sa famille. A un adulte, on demandera toujours les nouvelles de la famille.

b) -1 -3 Un étranger inconnu du village arrive le matin Sali (femme) et Moussa (homme)

Moussa : a ni s>g<mà57

toi / et / matin Bonjour

57 Si c'est un autre moment, on le mettra.

69

Sali : í dans[

Toi / bienvenu Soyez la bienvenue

Moussa : nbáà

merci Merci

Sali : í ni tágama. b> y]r] do ?

Toi / et / marche / sortie / lieu / et +intero

Bienvenu ! Comment vont les gens de là-bas58 ?

Moussa : o k'á k[n[ !

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Sali : d] di

Quelque chose / donner Donne quelque chose59

Moussa : júguman t* fóri ro

mal / nég. / salut / c'est

Il n'y a pas de mal, c'est un bonjour.

Sali : Ala k'an tanga júguman man

Dieu / souhait+ nous / garder / mal / de

Que Dieu nous préserve du mal.

58 Nous utilisons `'là-bas» pour signifier le lieu d'où l'on vient ; comme il n'y a pas de précision, l'expression est utilisée couramment dans les salutations pour signifier un lieu. On aime dire »ceux de là-bas » ; c'est le sens d'un lieu lointain souvent.

59 Ici, »donne quelque chose» veut dire `'donne les nouvelles», que l'étranger apporte. C'est une formule simple qui prend en compte tout ceci.

70

Etranger : amí60

amen amen

Cette formule concerne un étranger (=» dúgu ná ») ou (» dunan »)

A propos d'étrangers, les Dioula en distinguent deux types : un membre du village de retour de voyage, et une autre personne qui n'est pas du village, qui y arrive.

Dans cette formule, il s'agit du deuxième type. Ce qui justifie la simplicité de la salutation. C'est le jùla véhiculaire qui est utilisé. Quand un étranger arrive dans le village, il doit être le premier à adresser la salutation, condition indispensable de son acceptation dans la communauté.

Souvent quand un étranger arrive pour la première fois au village de Darsalamy, après avoir salué la première personne qu'il croise, il est conduit à la cour royale (chez le chef). C'est là qu'on lui demandera l'objet de sa visite. Après l'avoir écouté, on lui donnera l'hospitalité. Cette expérience, nous l'avons vécue pendant nos séjours de recherches.

A travers la réponse à la salutation d'un étranger, on peut lire l'expression de la fraternité et de l'hospitalité. Entre les membres du même village, la réponse est un signe de reconnaissance de l'autre. Il faut noter que les commerçants sont aussi considérés comme des revenants d'un voyage. A cet effet, ils utilisent les mêmes formules pour saluer à leur retour. Un autre constat que nous avons fait est que, quand le père revient du marché, c'est toujours l'enfant qui le salue le premier, et au lieu de lui souhaiter bonne arrivée, il lui dit bonsoir ou bonjour selon le moment.

60 Ici il répondra amí (j.v.) au lieu de amìna(j.k.). L'étranger ou le visiteur parle le jùla véhiculaire.

71

b)- 2 Salutation de naissance/baptême

b)- 2 -1 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) au matin de son accouchement

Sali : ki&nÐ

matin Bonjour

Awa : nsée61 Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Sali, bonjour, t'es-tu réveillée dans la paix?

Sali : h&[r[ !

Paix

Dans la paix !

Sali : Ala ká dén nà kán dIya

Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que Dieu donne longévité à l'enfant

Awa : amIna

Amen amen

Sali : Ala ká làjó

Dieu / souhait / faire grandir/ Que Dieu le fasse grandir

61 Ici nous avons mis la réponse au féminin du fait qu'il revient le plus souvent à la mère du nouveau né de
répondre aux salutations. Si c'est le père de famille, on pourrait mettre la formule de réponse au masculin.

72

Awa : amína

Amen amen

Sali : Ala dàgà níi flà niàna

Dieu / sauver / vie / deux / être bien Que Dieu protège bien les deux personnes

Awa : amína

Amen amen

La naissance chez les Dioula est un événement pour toute la communauté. A cet effet donc, on vient saluer le nouveau né et sa maman. Le plus souvent, ce sont les femmes qui y vont pour féliciter leur consoeur après l'épreuve de l'accouchement. C'est généralement le matin que les gens y vont. Souvent, en raison des occupations, d'autres peuvent y aller selon l'heure de leur convenance. Ces salutations sont l'apanage des adultes. Très souvent on n'interpelle pas par prénom car, à côté de la mère et de l'enfant, il y a d'autres femmes et la belle mère. Donc on dit directement » ki&nл. On vient souhaiter la bienvenue à l'enfant et féliciter la mère pour lui avoir donné la vie. On remercie Dieu parce que la mère et l'enfant pouvaient mourir lors de l'accouchement. On le remercie de les avoir sauvés et on lui demande de veiller sur eux à travers les bénédictions qu'on formule.

b)- 2 -2 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) le jour du baptême, le matin,

Sali : ki&nÐ

matin

Bonjour

73

Awa : nsée Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la paix?

Sali : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Sali : Ala ká dén nà kán dIya

Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que Dieu donne longévité à l'enfant.

Awa : amIna

Amen amen

Sali : Ala ká làjó

Dieu / souhait / faire grandir Que Dieu le fasse grandir

Awa : amIna

Amen amen

Ici il s'agit du jour du baptême qui a lieu sept (07) jours après la naissance62. Il faut noter que chez les Dioula de Darsalamy, le baptême marque de façon officielle la naissance et introduit l'enfant dans la communauté. Nous avons les salutations d'usage suivies de remerciements, souhaits et bénédictions. Le plus souvent, cette cérémonie se passe le matin.

62 C'est une cérémonie qui consiste, chez les musulmans, à raser la tête du nouveau né et lui attribuer un prénom lors d'une prière.

74

Dans ces salutations marquées par l'influence de la religion musulmane, Dieu est au coeur des souhaits. C'est lui qui a permis la naissance de l'enfant ; on lui demande de veiller sur eux. Il convient donc de le remercier et de lui confier cet enfant qu'il a donné.

Les enfants n'ont pas de formule de salutation du fait qu'ils ne participent pas directement à la cérémonie. De plus, ils sont des enfants. A cet effet, ils ne peuvent pas formuler de bénédictions. Ce sont les adultes qui sont concernés. Au fur et à mesure que l'enfant grandit, il revient à la mère de lui apprendre ces valeurs.

b)- 3 Salutation de mariage

b)- 3-1 Moussa (homme) vient saluer le matin les parents du marié/de la mariée Moussa : ki&nÐ

matin Bonjour

Parent : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Moussa, bonjour, t'es- tu réveillé dans la paix?

Moussa : h&[r[ !

paix

Oui dans la paix.

Parent : sóm<ru do?

Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta famille ?

75

Moussa : oru k'á k&n[ .

ils63 / aller + prés. / santé Elle va bien.

Parent : dénw do?

enfant+plur. / et ?

Comment vont les enfants ?

Moussa : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká k& fúru #uman yé

Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être Que Dieu rende ce mariage agréable

Parent : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká a È>g>n di an b&[ ma

Dieu / souhait / ça / pareil / donner / nous / tous / pré. à Que Dieu nous donne d'autres mariages pareils

Parent : amína

Amen amen

63 Quand on parle de famille, on a les enfants et les parents ; d'où l'utilisation de »ils». Mais dans la salutation on dit `'' et la famille ?» La réponse sera » elle va bien».

76

Moussa : AlÐ ká oru káan b[n

Dieu / souhait / ils / voix / accorder Que Dieu fasse qu'ils s'entendent

Parent : amIna

Amen merci

Le mariage chez les Dioula de Darsalamy est une question de famille. Et il constitue un grand événement (nous ne nous attarderons pas sur cette cérémonie qui n'est pas l'objet de notre travail).

A ce niveau, on adresse les salutations aux géniteurs des mariés. En fonction du temps, on salue et ils répondent en demandant les nouvelles de la famille. Et les arrivants commencent à adresser les voeux pour les mariés aux parents. On adresse ces voeux ou souhaits aux parents pour les remercier pour leurs enfants qui se marient.

On a également les bénédictions qui dominent cette salutation. Ce sont des voeux qu'on formule à l'endroit des parents, aux mariés et à la société entière. L'enfant grandit auprès des parents en observant ces formules.

b)- 3- 2 La salutation s'adresse aux mariés le matin : Moussa (homme) aux mariés (homme et femme)

Moussa : ki&nÐ

matin Bonjour

Mariés : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro. Merci Moussa, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la paix?

77

Moussa : h&[r[ !

paix

dans la paix

Mariés : sóm<ru do ?

Les gens de la famille. / et+interro.

Comment va ta famille ?

Moussa : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Mariés : dénw do ?

enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?

Moussa : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká k& fúru #úman yé

Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être

Que Dieu fasse de cela un bon mariage

Mariés : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká ar káan b[n

Dieu / souhait, / vous / voix / accorder

Que Dieu vous unisse

78

Mariés : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká dén #uman dií ár mà

Dieu / souhait / enfants / bon / donner / vous / à

Que Dieu vous donne de bons enfants

Mariés : amína

Amen amen

Les gens viennent en groupe, par quartier ou par famille pour célébrer, soutenir et souhaiter un heureux ménage aux mariés. On retrouve les mêmes salutations que dans la précédente. Au niveau des souhaits, on s'adresse directement aux mariés :

»AlÐ ká ar káan b[n» (= que Dieu vous unisse ! )

À la différence de la première qui est :

»AlÐ ká orw káan b[n» (=que dieu fasse qu'ils s'entendent).

Les souhaits sont orientés vers leur bonne union, leur entente dans le couple. Qu'ils aient de bons enfants et un heureux ménage !

79

b)- 4 Salutation de funérailles

b)- 4- 1 Saluer le jour du décès

Dans cette formule, nous avons Moussa (homme) qui s'adresse à une famille éplorée. On ne salue pas un individu lors des funérailles, c'est tous ceux qui sont affligés. Donc on aura comme interlocuteurs Moussa et les affligés (ceux qui sont en deuil).

Moussa : aw ni sógóla

vous / et / viande couché Vous et la douleur64

Affligés : nbáà65 an b*[ ni s*[

merci / nous / tous / et / fatigue Merci. A nous tous la douleur

Moussa : Ala ká hína a rà

Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait pitié de son âme !

Affligés : amína

Amen amen

Moussa : Ala ká an b&[ ta nìa

Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu nous accorde une bonne mort66

64 Ici, nous avons le corps du défunt qui est comparé à de la viande couchée ou posée en face. Cela suscite de la douleur. Les Dioula font directement la relation avec cette image que nous exprimons par la douleur dans la traduction française.

65 Dans la reprise ici, on ne reprend pas le prénom de celui qui salue. Parce qu'on ne connaît pas tous ceux qui arrivent, et tous ceux qui sont déjà là répondent à la salutation.

80

Affligés : amína

Amen amen

Dans nos différentes sociétés, la mort est une réalité. Elle affecte toute la communauté. Tout le monde se mobilise pour accompagner le défunt par la prière et les bénédictions. C'est pourquoi on se rend dans la famille affectée. Le jour du décès, on se salue par rapport à la douleur, la souffrance :

» áw ni sógola»67 (qui veut dire vous et la douleur).

C'est une compassion car le corps du défunt est encore là sous les yeux.

On est sous l'effet de la mort par la présence du corps du défunt et on le pleure encore. Et la salutation en fonction de l'événement est :

» áw ni sógola » quand le corps du défunt n'est pas encore enterré.

On salue la douleur et la fatigue de tous ceux qui sont là.

On ne demande pas après les familles pour la simple raison que la mort d'un membre de la communauté affecte toutes les familles, d'où le caractère communautaire de celle-ci.

On formule des souhaits d'abord pour le défunt afin que Dieu l'accueille dans son paradis. Ensuite pour les vivants, afin qu'ils bénéficient d'une bonne mort. Mais ce souhait ne voudrait pas dire que les vivants sont prêts à mourir. Il est plutôt le signe de l'espérance et de la foi des Dioula. La mort est un passage obligatoire pour tout homme. A cet effet donc, il sied de se la souhaiter mutuellement bonne.

66 La mort est un passage obligatoire pour tous. Et chez les dioula, il convient de se souhaiter une bonne mort qui signifie en quelque sorte une mort naturelle, après avoir vécu longtemps et la mort dans de bonnes conditions.

67 On retrouve à la place de » áw ni sógola » cette forme chez certains : » áw ni dúsu kási » (=vous et la douleur). Ces deux formules ont la même signification. La seconde est le fruit de l'influence du jùla véhiculaire chez certains Dioula de Darsalamy.

81

Les bénédictions qui accompagnent la salutation sont de deux ordres : on les fait d'une part pour accompagner le défunt et d'autre part pour soi-même et les autres aussi, dans la mesure où tout homme est appelé à mourir.

b)- 4- 2 Saluer le lendemain du décès : Moussa (homme) salue les affligés (famille en deuil)

Moussa : áw ni kúnu s*[

vous / et / hier / fatigue Vous et la fatigue d'hier68

Affligés : nbáà an b&[ ni s&[

merci / nous / tous / et / la fatigue/ Merci Moussa, nous tous et la fatigue69

Moussa : Ala ká hína a rà

Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait pitié de lui

Affligés : amína

Amen Amen

Moussa : Ala ká a jígi y<r] nía

Dieu / souhait / son / descendre / lieu / rendre bon Que Dieu rende bien là où il descend70

68 Le lendemain de la mort est difficile. On fait allusion donc à la douleur d'hier ; du fait de la présence du corps du défunt, on ne pouvait pas dormir. C'est pourquoi les Dioula, le lendemain saluent en fonction de la douleur de la veille.

69 Ici on pourrait dire encore » que Dieu l'accueille dans son royaume»

70 On pourrait traduire également par »Que la terre lui soit légère».

82

Affligés : amína

Amen Amen

Moussa : Ala ká ánw b&[ ta níya

Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu nous accorde une bonne mort

Affligés : amína

Amen Amen

Les salutations du lendemain se situent après l'inhumation. On dira : »áw ni kúnu s*[» (= Vous et la fatigue d'hier).

On se réfère à la fatigue d'hier. On souhaite pour le défunt une bonne mort, que Dieu l'accueille dans son royaume et qu'il repose en paix. Les vivants eux, se souhaitent une bonne mort. C'est la souffrance du deuil qu'on exprime le lendemain de l'enterrement. Les souhaits émis servent de réconfort pour la communauté :

» Ala ká ánw b&[ ta níya »(=Que Dieu nous accorde une bonne mort)

b)- 4- 3 - Lors des »dugabu»71 Moussa : ki&nÐ

Matin Bonjour

71 Le `'dugabu» ou encore `'doua» est un sacrifice que la communauté fait, un sacrifice pour accompagner le défunt, pour que Dieu lui pardonne ses péchés. Cette pratique émane de l'islam.

83

Affligés : nbáà ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

Merci / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans

Merci, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la paix?

Moussa : h&[r[ !

paix Paix

Affligés : sóm<ru do ?

gens de la famille / et Comment va ta famille ?

Moussa : óru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Affligés : dénw do?

enfant+plur. / et ? Et les enfants ?

Moussa : óru k'á k&n[

ils / aller +prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : Ala ká sáraka mIna

Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce sacrifice

Affligés : amIna

Amen Amen

84

Moussa : Ala ká án tó %<g<n yé

Dieu / souhait / nous / garder / ensemble / à Que Dieu nous unisse

Affligés : amína

Amen Amen

Le »dugbabu» est un sacrifice important chez les Dioula de Darsalamy en particulier et dans l'islam en général. C'est un sacrifice de remerciement à Dieu pour la vie du défunt. On lui confie le défunt afin qu'il l'accueille dans son paradis. Il a lieu le 7ème jour et le 40ème jour après le décès. C'est le ''

sáraka b] » (=» Sacrifice faire»).

En ce moment, le deuil est moins perceptible. On se salue en fonction du temps de la journée. On demande les nouvelles des familles respectives et des enfants qui, en principe ne participent pas à ce rituel. Après interviennent les souhaits où on demande à Dieu d'accepter le sacrifice pour le défunt. Qu'il fasse régner l'unité dans la famille et la communauté du défunt.

En fait, ce rituel émane de l'islam. En tant que pratiquants de cette religion, les Dioula l'ont incorporé à leurs valeurs culturelles. C'est une cérémonie faite de bénédictions et de prières que la communauté organise pour le défunt afin que Dieu » Ala» (= » le tout puissant») l'accueille dans son royaume.

Il y a un ensemble de versets du coran et des sourates que l'Imam dit et à la fin desquels il formule des bénédictions auxquelles l'assistance répondra :

85

Imam : Ala ká níya

Dieu / souhait / rendre bien

Que Dieu rende bien notre sacrifice

Assistance: amína

Amen Amen

Imam: Ala ká sáraka mína

Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce sacrifice

Assistance : amína

Amen Merci

Il faut noter qu'en ce qui concerne ces salutations de funérailles, les enfants n'ont pas de formules à dire du fait qu'ils n'assistent pas le plus souvent aux funérailles.

Quand il y a un décès dans la famille, les enfants sont amenés chez un des oncles ou dans une autre famille jusqu'à la fin des obsèques. A cet effet donc, ces formules ne sont pas utilisées par les enfants qui le plus souvent les ignorent.

Quand ils deviendront adultes, ils les apprendront aux côtés de leurs aînés lors des cérémonies de funérailles.

86

b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski, nouvel an)

b)- 5- 1- Un enfant salue ses géniteurs le matin

Enfant : Baba ki&nÐ

Papa / matin Bonjour Papa !

Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc./ paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé ?

Enfant : h&[r[ !

paix

dans la paix !

Enfant : Baba ni sán kúra

papa / et / an / nouveau Bonne année papa !

Père : nbáà n'dén i ni san kùrà

merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon enfant. Bonne année !

Enfant : amIna

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

87

Enfant : amína

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que Dieu nous donne longue vie

Enfant : amína

Amen Amen

Les fêtes, »séri» chez les Dioula de Darsalamy sont des moments de réjouissance. Chaque fête correspond à une nouvelle lune. Ce sont le plus souvent des fêtes dites musulmanes.

Le matin de la fête, l'enfant adresse d'abord le salut quotidien à ses géniteurs avant de leur souhaiter la bonne fête :» Baba ni sán kúra ».

Et le géniteur à son tour lui souhaite bonne année aussi avant de lui formuler des voeux. Ces bénédictions reposent sur la paix indispensable pour la vie, la longévité pour grandir. Que Dieu lui accorde beaucoup de jours. En souhaitant la longévité, le géniteur le fait et pour l'enfant et pour lui-même quand il dit : »AlÐ ká sán cáaman di an ma » (= »Que Dieu nous donne longue vie»)

Si l'enfant vit, il lui faut la paix pour grandir. C'est cela le sens des souhaits du géniteur à l'endroit de son fils. Comme cité plus haut, la fête est une réjouissance. Avant ces réjouissances, on se souhaite mutuellement les voeux pour la nouvelle année : des voeux de paix, de santé, de joie et de bonheur.

Les enfants manifestent leur reconnaissance à leurs géniteurs à travers la salutation et ils prient pour que Dieu les garde auprès d'eux.

88

b)- 5- 2 Un enfant salue un adulte lors d'une fête (ramadan, tabaski, nouvel an), le matin

Enfant : n'faá ki&nÐ

Poss. +père / matin Père bonjour

Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

Merci / poss. + enfant / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé ?

Enfant : h&[r[ !

paix la paix

Enfant : n'faá ni san kúra

Poss.+Père / et / an / nouveau

Bonne année papa !

Père : nbáà n'dén i ni sán kúra

merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon enfant. Bonne année !

Enfant : amIna

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix / rendre beaucoup

Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

Enfant : amIna

Amen Amen

89

Père : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à

Que Dieu nous donne longue vie

Enfant : amIna

Amen Amen

On retrouve les mêmes formes de salutations ici que lorsque l'enfant s'adresse à son géniteur. Seulement l'appellation affective »papa » fait la différence. Les voeux sont les mêmes puisque l'enfant est considéré comme le fils de toute la communauté. A l'instar du géniteur, tout adulte lui formulera les voeux de paix, de longévité... Ce sont les plus jeunes qui saluent leurs aînés, qui à leur tour, formulent des bénédictions à leur endroit.

b)- 5 -3 Deux adultes se saluent lors d'une fête (ramadan, tabaski, nouvel an) : Moussa (homme) et Sali (femme), le matin

Sali : Músà ki&nÐ

Moussa / matin, Bonjour Moussa

Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro Merci Sali, bonjour ; t'es- tu bien réveillée ?

Sali : h&[r[ !

Paix

dans la paix !

90

Moussa : sóm<ru do ?

Les gens de la famille / et+interro. Comment va ta famille ?

Sali : óru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Moussa : dénw do?

enfant+plur. / et +interro? Et les enfants ?

Sali : óru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Sali : Músà i ni sán kúra

Moussa / toi / et / an / nouveau Bonne année Moussa !

Moussa : nbáà Sàlí i ni sán kúra

merci / Sali / toi / et / an / nouveau Merci Sali, bonne année !

Moussa : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

Sali : amína

Amen Amen

91

Moussa : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que Dieu nous donne longue vie

Sali : amína

Amen Amen

Dans cette salutation, les adultes tiennent compte de la famille et des enfants d'abord. Ensuite, ils se souhaitent la bonne année. Les souhaits sont les voeux de paix, de longévité les uns pour les autres. Entre adultes ou personnes de même génération, le souhait de voeux est mutuel. La paix est significative pour le nouvel an car c'est elle qui permet la cohabitation dans la communauté.

b)- 5- 4 Après les prières du jour de fête

Chez les Dioula de Darsalamy, il y a une formulation de salutation après la prière les jours de fête et les vendredis après la grande prière. Ces bénédictions et souhaits sont une forme de salutation de l'Imam à l'endroit des fidèles.

Imam: Ala ká báto mína

Dieu / souhait / adoration / attraper72 Que Dieu accueille nos prières

Fidèles : amína

Amen Amen

Imam: Ala ká k& #asigi yé

Dieu / souhait / rendre / avenir / être
Que Dieu nous donne la prospérité !

72 '' mína '' signifier attraper. Dans la formule, elle est traduite par '' accueille'' dans la mesure où c'est une forme de demande à Dieu

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Fidèles : amína

Amen Merci

Imam: Ala kánà an73 fári fága a rá

Dieu / négation / poss. / corps / tuer / ça / dans

Que Dieu fasse que nous ne nous lassons pas dans la prière !

Fidèles : amína

Amen Amen

Imam : Ala ká bi séri #ià ka di an ma

Dieu / souhait / aujourd'hui / fête / rendre bien / souhait / donner / nous / à Que Dieu accueille notre prière de ce jour !

Fidèles : amína

Amen Amen

Ce sont des bénédictions qui sont donc formulées pour la communauté à l'occasion de la nouvelle lune. Elles sont connues de tous dans la communauté.

Ces formules nous permettent de voir les différents événements de la communauté dioula et leurs préoccupations sociales. Il ressort ici que la famille a une place importante dans la salutation des adultes. L'expression de la religion, la solidarité et la reconnaissance sociale sont des éléments perceptibles dans les formules de salutation.

73 '' an » est ici le pronom possessif » nos ». Dans d'autres cas, il désigne le pronom personnel » nous ».

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On se rend compte à travers ces énoncés que la parole est importante car c'est elle qui favorise leur transmission. Il convient donc de chercher à voir en quoi ces énoncés sont-ils littéraires ; en d'autres termes, quelle est la littérarité de ces énoncés ?

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