II - 2 -2 Pourquoi se saluer
A Darsalamy, la salutation est un signe très fort ;
c'est le symbole de la relation et la cohésion sociale. En effet, elle
traduit le respect que l'on a pour
37 Quand on parle de soleil, c'est en fait la
journée ; chez les Dioula, la journée suit la course du soleil.
Pour dire la journée on emploi le mot '' teré '' qui signifie
soleil.
38 La nuit n'est pas prise en compte dans la
répartition des formules de salutation. Chez les Dioula, on
considère que la nuit appartient aux esprits et les hommes n'ont pas
d'activité.
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une personne âgée ou un aîné. Se
saluer signifie qu'on a de l'amour les uns pour les autres. Elle traduit
l'entraide qu'on a envers l'autre, la fraternité, la reconnaissance en
tant qu'homme, comme soi :
n y 'i fó Moi / je / toi / saluer Je te salue
De plus se saluer, c'est se souhaiter le bonheur
individuellement et collectivement. Par exemple, lorsqu'on fait la bagarre avec
autrui, on ne le salue pas. Mais lorsqu'on recommence à se saluer, cela
signifie qu'il y a eu réconciliation, que la bagarre est
terminée. C'est un signe de la joie, de la vie et de la
solidarité que de se saluer.
Pour Barro Tiémogo Mignougou,39 «
se saluer, c'est reconnaître l'âge de l'autre qu'on a devant
soi ». A travers ces propos, ressort le fait que la salutation est
aussi l'expression d'un respect mutuel et particulièrement le respect de
l'aîné. Chez les Dioula de Darsalamy, sans nous tromper, ce sont
les moins âgés qui formulent leurs salutations à l'endroit
des aînés. Les enfants ont le devoir de saluer leurs parents, les
femmes leurs maris et les hommes en général.
La salutation est ancrée dans l'éducation
familiale et représente une valeur cardinale à acquérir
dès le jeune âge. L'enfant apprend à saluer dans la cellule
familiale et sort avec ces habitudes vers l'extérieur. Même en
rentrant chez soi, il est nécessaire de saluer et on dit «
sálam a lekum »40, qui est traduit
en jùla : »kIsI b'a yé » qui veut dire
: » paix et salut à vous». La première
39 Notable et conseiller à la cour du chef.
Entretien du 29/12/2006 à Darsalamy.
40 Expression emprunt de l'arabe qui est souvent
utilisée pour les salutations. Ce sont des formules que les anciens
utilisent quand ils saluent. Elles ne sont pas obligatoires ; ce sont des
habitudes émanant de l'islam.
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formule est la plus courante à Darsalamy. C'est une
formule que les Dioula ont empruntée à l'arabe. Cette pratique
respecte deux principes :
- tout d'abord on souhaite la paix à tous les habitants
de la maison, à tous ceux qui y entreront, à ceux qui sont
là et à ceux qui sont absents.
- Ensuite pour honorer les esprits qui cohabitent avec les
hommes dans la maison.
»42
Mais cette dernière formule échappe à
beaucoup de personnes aujourd'hui dans cette communauté. On salue
lorsqu'on trouve une personne. C'est seulement quelques anciens et
dévots qui ont gardé ces habitudes. Cette mutation touche la
frange adulte. On impute cela à la vie de la ville et à
l'école moderne41. Pour BARRO Bakary dit Bèma, «
ce sont les jeunes, qui sont partis à l'école moderne ou ceux
qui ont séjourné en ville qui sont à l'origine de ces
mutations. Ils ont apporté ces manières de blanc que nous
n'avions pas ici. Taper à la porte ou dans les mains, ou lancer
sèchement un salut. Il n'y a plus le `'salamaleck».
Le point de vue de ce notable est pertinent dans la mesure
où cette mutation importée est perceptible de plus en plus.
Lorsqu'il y a une certaine ouverture sur le plan commercial, certaines
pratiques s'installent ou s'échappent des habitudes. De plus,
l'ouverture à l'école moderne est une forme d'ouverture à
une autre culture et à une autre civilisation. Etant un peuple marchand,
il va de soi que ces habitudes s'installent dans la communauté.
Un facteur qui influence la salutation est le fait religieux
et l'arabe. Les Dioula de Darsalamy ont en effet un culte religieux musulman
très fort. Et les activités commerciales ont
déterminé les formules de salutations ainsi que la famille,
cellule de base de la communauté. A Darsalamy, la solidarité est
forte
41 A noter que l'école moderne est
arrivée à Darsalamy en octobre 1979 selon nos informateurs.
42 Entretien avec les notables, le 4 janvier 2007
à Darsalamy. Propos de BARRO Bakary dit Bèma, notable et
conseiller à la cour, frère du chef,
tailleur/commerçant.
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et l'harmonie règne entre les Dioula, car les
étrangers sont retranchés dans un quartier,
considérés le plus souvent comme des païens.
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