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Approche ethnolinguistique des formules de salutation chez les Dioula de Darsalamy au Burkina Faso

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par Ignace SANGARE
Université de Ouagadougou Burkina Faso - Diplôme d'études approfondies option littérature orale 2008
  

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I- 5- 2. Les différents types de parole

Issue d'une langue, la parole dans son ensemble, se désigne par l'ensemble de mots et leur sens dans une forme matérielle donnée (la matière sonore des mots, le signifiant), à qui est associée une signification déterminée (le signifié). Chaque mot prononcé ou écrit, chaque énoncé, chaque texte aurait donc un sens, celui que fixe le lexique ou que leur assigne leur auteur.

Un tel dispositif fonctionne en signes dont la perception implique le signifié qu'est la parole. Cet acte emprunte cependant deux organes que sont la bouche (=''dá '') et la langue désignée par (='' kán '') et une troisième réalité, la

voix (=''kán '') qui signifie son ou bruit) obtenu par activation des cordes et tissus spéciaux. Chez les dioula de Darsalamy, ces deux notions sont assimilées : ''kán '' (signifie la ''langue'') et (=''voix'').

On parlera de ''jùla kán '' pour signifier ''la langue jùla'' ; comme dans l'expression

'' kán m& '' : qui signifie ''entendre la voix''.

Donc, dans l'acte de parole, on peut retenir la bouche et la voix. Par un jeu de métonymie, les langues s'assimilent à ces éléments dont les champs

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sémantiques explorés révèlent plusieurs catégories de parole littéraire. Elles sont marquées par la vérité, l'irréflexion...

Notons que la notion de parole chez les Dioula a été traitée par Marc NEBIE dans sa thèse de doctorat.

En ce qui nous concerne, nous donnerons les différentes paroles que nous avons recueillies auprès de nos informateurs sans être exhaustif. Certaines pourraient se recouper et d'autres s'opposent.

a) La bonne parole : » Kóma díman »

Cette parole est qualifiée de bonne en fonction du goût qu'elle produit. La parole a une saveur, un goût. Elle porte la marque de l'intelligence et la mémoire joue un rôle d'adjuvante de l'intelligence et de l'imagination. La bonne parole a un contenu agréable qui n'indispose pas l'interlocuteur :

»A ka kóma ka di» (= sa parole est bonne)

b) La belle parole : » Kóma %úman»

Cette parole est dite belle par rapport à son énonciation. Ici c'est l'esthétique avec laquelle elle est dite qui importe. Une belle parole peut être une parole de flatterie, de tromperie ou de duperie. Du fait qu'elle soit bien dite, on la qualifie de belle. Cette parole est souvent utilisée par les griots ou des personnes qui haranguent les foules. A la différence de la bonne parole qui s'intéresse au goût de la parole. La belle parole, elle, s'oriente vers la beauté, l'esthétique.

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La parole de vérité ou parole vraie : » tíy[n kôma»

Cette parole vraie qui est prononcée est de nature à convaincre, à traduire une vérité. Elle s'opposera au mensonge. C'est une parole qui est recommandée à tout le monde. Elle manifeste souvent l'honnêteté de l'individu, donne des vérités d'ordre général.

d) La parole sensée : » hákili Kôma»

Cette parole est de nature à plaire et à mettre l'interlocuteur dans une bonne disposition. Elle est souvent courte mais pas frustrante. Elle est riche en signification et agréable à entendre. Sa compréhension exige souvent une certaine maturité, une communauté de fonds culturels entre le locuteur et le récepteur.

e) La »grande parole» : » Kôma bá »

Cette parole est dite »grande» à cause de sa durée, de sa longueur et de la densité de sa signification. Elle énonce une vérité soit relative à l'éthique de la société, soit universelle. Elle se plie bien facilement à une datation. Elle ne s'inscrit pas dans un temps donné. C'est également une parole qui crée de l'engouement de la part de l'interlocuteur. C'est une parole qui ne se dit pas au hasard. Elle est maîtrisée par le locuteur qui séduit par l'énonciation. L'enfant qui dit quelque chose de sensationnel, on dira que c'est une grande parole. Cette parole émane le plus souvent des adultes.

f) La parole ancienne ou la vieille parole : » Kôma kor] »

Elle concerne l'histoire ancienne, les origines, les mythes, les épopées, tout ce qui a rapport avec le passé. Le plus souvent, localisée dans le passé, elle prend les caractères de l'histoire, la légende, le mythe. L'expérience montre que cette parole voyage dans le temps et même peut se trouver dans des aires

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géographiques et historiques autres que celles où elle a vu le jour. Elle est considérée comme une parole sensée, celle de l'ancien, du sage.

Prise dans le présent, elle devient témoignage sur le passé et un exemple à suivre ou à éviter. Cette parole peut être considérée également comme une école où la société peut s'informer et se former. Elle se fait souple et s'adapte, obligée de rendre compte du passé et du présent pour les générations futures.

g) La parole de l'ancien : » Ti&m]g]ba Kóma »

C'est la parole du sage, utilisée par les anciens qui l'ont reçue et conservée. Dire cette parole confère une certaine notoriété, une classe sociale, le respect et surtout l'admiration. C'est à travers l'usage de ces paroles de sagesse (proverbes, sentences, maximes...) que l'on qualifierait une personne âgée d'ancien. Ce ne sont pas tous les anciens qui possèdent la parole de l'ancien ; des enfants peuvent, par le biais de la transmission, avoir ces paroles de sagesse.

h) La parole d'enfant : » dénmis[n Kóma »

A côté de la parole de l'ancien on retrouve la parole d'enfant. C'est une parole qui ne requiert pas de sagesse. Elle est une parole d'amusement, de distraction, souvent sans sérieux, peu considérée. Quand l'on dit une parole sans importance ou sans valeur considérable, on la qualifie de parole d'enfant.

i) La parole importante : » náfa Kóma »

C'est une parole qui se réfère à la vie sacrée, liturgique. Elle traduit souvent les désirs et les aspirations de l'homme. La profération de cette parole s'observe particulièrement au cours des manifestations publiques ou privées,

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religieuses, funéraires ; au cours des manifestations inhérentes à des relations sociales, dans lesquelles on fait recours à Dieu. Ce sont souvent les prières, les bénédictions, les invocations...

C'est une parole liturgique, solennelle, qui constitue un signe de gratification de l'ancien à l'endroit du jeune. Les prières et les bénédictions constituent une quête de bonheur à travers la conservation de la personne et sa protection. On y retrouve la dénomination généalogique. En effet, donner un nom à un enfant est un acte par lequel on fixe le passé, le présent et on envisage l'avenir.

Très proche de la parole de l'ancien, la parole importante par son extrême brièveté s'en démarque à bien d'égards, mais surtout par sa fixation sur le temps. C'est l'expression de vérités universelles, guides de la vie.

j) La mauvaise parole : » Kóma júgu »

C'est une parole qui n'est pas la bonne parole. Elle est un mélange d'intelligence et d'irréflexion. Cette parole provoque des sentiments divers sur le récepteur : le dégoût, la colère, le mépris, la surprise... Cette parole qui s'oppose à la bonne parole (»Kóma díman»), est encore appelée »Kóma

júguman» (=parole méchante), »Kóma kúnaman» (=»parole amère»),

»Kóma kólon» (=la parole vide).

C'est le contenu qui rend le qualificatif » mauvais » à cette parole. Elle s'illustre dans les injures ou les insultes, les malédictions. On qualifie de mauvaise parole tout propos qui vient rompre l'accord et l'entente préétablis ou qu'un groupe tente d'instaurer. C'est donc une parole déplacée, hors contexte parfois, mais perçue comme significative ici et maintenant.

Pour certain, elle est souvent la manifestation de la bêtise dans ce sens qu'on peut dire des mots qui ne tiennent pas compte de l'individu, des paroles idiotes. On dit souvent que cette parole est amère »Kóma kúnaman» dans la

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mesure où elle s'oppose à »Kóma díman». Elle est vide à cause de sa forme directe, libérée de toute considération éthique, des termes crus

k) Le mensonge : » gálon Kóma»

Cette parole est souvent perçue comme une parole mauvaise. En effet, il existe deux types de mensonges :

- le mensonge négatif » gálon Kúntan» qui est une délation, un faux témoignage, du rapport. Ce type de mensonge est mal vu, voire déprécié par la société. On peut classer cette parole dans les propos insensés, liés au bavardage congénital ;

- le mensonge didactique »gálon %úman », est le propre du beau parleur, du diseur de bonnes aventures. Cet homme à l'esprit inventif et ingénieux est un virtuose et professionnel de la parole. Il peut monter séance tenante et en donnant pour vraie, un mensonge inspiré d'une légende des temps modernes. Souvent on invente des mensonges pour échapper à une situation dangereuse ou difficile ou pour sauver une situation. Ce mensonge est fait dans un bon sens ; il peut également vouloir distraire.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King