CHAPITRE I : PRESENTATION DU TERRAIN
Dans ce premier chapitre nous présenterons le village
de Darsalamy à travers son origine, ses habitants et leurs
activités. Ensuite, nous parlerons de l'islam et son impact sur cette
population fortement islamisée. Enfin, nous aurons la place de la parole
chez ces Dioula et les textes oraux qu'on y trouve.
I - 1. Origine des Dioula de Darsalamy
On ne saurait évoquer l'origine de Darsalamy sans
passer par celle des Dioula originaires de Kong, qui en sont les fondateurs.
Tout est parti en effet de la chute du Royaume de Kong vers la fin du
14ème siècle. Ce qui a causé la dispersion des
Dioula. Certains parmi eux, à savoir les Cissé, Kamara,
Coulibaly, Traoré seraient arrivés à Kong où
avaient été déjà présents les Wattara, Dao,
Barho, Touré venus de Djenné.
A la suite de la destruction de Kong par Samory en 1898,
l'exode Dioula se dirige vers Bobo, centre à partir duquel ils vont
fonder plusieurs villages dont Darsalamy. Que dire de ce village?
Au 19è siècle, l'aristocratie guerrière
des Sanou prend de l'ampleur sur tous les plans de la vie. Après avoir
résisté aux assaillants venus à l'appel des Wattara pour
attaquer la garnison de Dioulassoba7, les Sanou entendent
désormais affirmer leur volonté hégémoniste dans la
ville. Il y avait de multiples rivalités sur le plan économique
et la ville devient le théâtre de luttes d'influence. On imagine
alors les conséquences sur la vie religieuse. En effet, les Sanou, bien
que politiquement orientés vers Kong, se montrèrent de plus en
7 Dioulassoba est un quartier de Bobo Dioulasso
où vivent les bobo et leur chef de canton.
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plus méfiants vis-à-vis des
»káram]g]-jùla» (=dioula musulman ) qu'ils
soupçonnent être de connivence avec les Wattara.
Ainsi affichent-ils une ouverture de plus en plus grande au
»káram]g] - marka» qui devient l'élément fort de
leur entourage dominé par les marabouts. Cette attitude n'est pas sans
offusquer les Dioula ; ne pouvant plus compter sur les Wattara affaiblis,
ceux-ci s'organisent autour des »Saganogho»8 pour former
un parti musulman. S'ils ne sont pas tout à fait en rupture avec les
aristocraties guerrières de la ville, ils avaient une situation qui les
prédisposait aux prescriptions politico-religieuses d'Al Hajj Umar selon
lesquelles les musulmans doivent s'abstenir de la collaboration avec les chefs
païens. Entre le combat contre le paganisme préconisé par
Umar - ce conquérant dont la crainte constitue une véritable
hantise - et la volonté des Dioula de s'assurer une position commerciale
forte dans cette région, la création d'un
»Dar-al-salam»9 était l'alternative du salut. C'est
ainsi qu'après bien de péripéties, les Dioula, sous la
conduite de Karamokho Saraba Saganogho, viennent fonder le village actuel de
Darsalamy avec la bienveillante protection des chefs Tiéfo de
Noumoudaga10. Certes ces derniers ne sont pas plus musulmans que les
chefs Wattara ou Sanou, mais pour les Dioula, les relations avec eux sont moins
compromettantes qu'ils peuvent entretenir à cette période :
l'aristocratie guerrière Tiéfo n'habite pas dans la même
localité qu'eux.
Il était difficile pour les Dioula d'obéir
rigoureusement aux prescriptions religieuses d'Umar. Le commerce dont ils
vivaient ne pouvait s'effectuer sans les relations avec les païens, leur
clientèle. De même, ils ne pouvaient se séparer des chefs,
leurs protecteurs. Mais en cette circonstance, ils avaient pu
8 Les Saganogho ou Sanogo sont les
détenteurs du pouvoir religieux, c'est-à-dire l'islam. L'imam est
issu de cette famille.
9 »Dar-es-salam» signifie en arabe, `'ceux
qui sont sauvés». C'est cette appellation qui a donné
Darsalamy que nous connaissons aujourd'hui.
10 Noumoudaga écrit aussi Noumoudara est le
village des Tiéfo qui travaillaient le fer, un village situé
à une dizaine de Kms de Darsalamy en allant vers Banfora.
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trouver une solution de compromis. Darsalamy est donc
l'expression de ce compromis et signifierait selon leur interprétation
« nous avons échappé aux bambara » ou « ils sont
sauvés ». Pour ainsi dire, eux qui sont là sont
sauvés ; ils se réfèrent au coran à cet effet.
Cette appellation sous-entend qu'il n'y a pas de méchants,
c'est-à-dire le lieu de la solidarité et du partage comme nous
l'a signifié l'Imam du village de Darsalamy.
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