§2. Les échanges économiques dans la
région(SADC)
Le volume moyen des échanges intracommunautaires reste
relativement faible, même si on inclut la forte part des exportations
sud-africaines vers la Zambie, le Zimbabwe, le Mozambique, le Malawi et les
pays de la SACU. Si dans le passé le volume des exportations des Etats
de la SADC vers d'autres pays de la SADC se chiffrait à 7,8% et le
volume des importations à 7,4%. Edifier sur des relations commerciales
aussi faibles une zone de libre-échange censée servir d'outil
à un approfondissement de l'intégration régionale semble
donc très osé, d'autant qu'en dehors de l'Afrique du Sud et du
Zimbabwe aucun autre Etat de la SADC pour ainsi dire ne dispose de biens et de
services compétitifs pour le marché
régional87.
Ces déséquilibres commerciaux ont
déjà provoqué de vives tensions, tant entre le Zimbabwe et
l'Afrique du Sud qu'entre la Zambie et l'Afrique du Sud. La Zambie et le
Zimbabwe reprochent à l'Afrique du Sud de fermer ses marchés
à leurs rares produits concurrentiels par des barrières
douanières élevées et des obstacles non-tarifaires. C'est
ainsi que sous la pression de son lobby textile et agricole, l'Afrique du Sud
n'a toujours pas renouvelé les préférences
douanières qui existaient du temps de l'apartheid avant d'arriver
à expiration en 199288.
Une enquête effectuée auprès de chefs
d'entreprises de Namibie, de Zambie, du Zimbabwe et d'Afrique du Sud a
révélé que pour les milieux d'affaires les
barrières commerciales les plus élevées se situent au
Zimbabwe et en Afrique du Sud, alors que la Zambie, la Namibie, le Botswana et
le Mozambique obtiennent de bonnes notes. Les Zambiens considèrent les
barrières commerciales du Zimbabwe comme de loin les plus hautes, alors
que du point de vue zimbabwéen le commerce avec la Zambie se
déroule sans accrocs majeurs89.
Avant l'adhésion de l'Afrique du Sud, les
échanges commerciaux à l'intérieur de la SADC
étaient insignifiants, ils ne représentaient que 4% du total des
exportations et 2,5% des importations. Après l'entrée de
l'Afrique du Sud, la situation a vite changé: depuis 2000, le commerce
entre membres de la SADC pèse de plus en plus lourd dans le volume
commercial global des Etats de la SADC. Cette augmentation toutefois est due en
premier lieu à l'intensité des échanges entre l'Afrique du
Sud et le Zimbabwe puisqu'ils représentent à eux seuls 85% du
commerce réalisé à l'intérieur de la SADC.
L'Afrique du Sud est le principal partenaire
87 Rapport CENUCD 2009, Op.cit, p.31
88 Secrétariat SADC, Manuel de ZLE de la SADC,
Op.cit, p.9
89 idem
MBO KOMANGO Guy La SADC et l'intégration des
économies. Enjeux et défis congolais
- 54 -
commercial de pays comme la Zambie, le Zimbabwe ou le Malawi
et la RDC ainsi que des membres de la SACU (Botswana, Lesotho, Namibie et
Swaziland). Les produits échangés entre membres de la SADC sont
principalement des biens de consommation et d'investissement, des produits
semi-finis et des produits chimiques (fournis principalement par l'Afrique du
Sud et, dans une moindre mesure, par le Zimbabwe), ainsi que des textiles, des
produits agricoles, du ciment et des matières premières
brutes.
En résumé, les problèmes commerciaux au
sein de la SADC se posent dans les termes suivants:
A l'exception de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe, aucun pays
pratiquement ne produit des biens compétitifs qui rencontrent aussi une
demande dans les autres pays de la SADC;
beaucoup d'Etats de la SADC ont une gamme de produits trop
semblable pour jeter les bases d'une imbrication commerciale intracommunautaire
et d'une zone de libre-échange qui fonctionne;
jusqu'à présent seuls l'Afrique du Sud et le
Zimbabwe ont réalisé des excédents notables dans les
échanges commerciaux à l'intérieur de la SADC;
l'Afrique du Sud et le Zimbabwe ferment leurs marchés
aux importations en provenance d'autres pays de la SADC par des
barrières douanières élevées et une série
d'obstacles commerciaux non-tarifaires. En revanche l'Afrique du Sud en
particulier pratique une politique commerciale agressive et conquiert des parts
de marché de plus en plus grandes dans de nombreux pays de la SADC.
Tableau N° 3 : Les plus importantes relations
commerciales intra-SADC bilatérales en valeur et avec les trois
principaux produits exportés, moyennes 2004-2006
(En milliers de dollars)
Exportateur
|
Importateur
|
Valeur moyenne
2004-2006
|
trois principaux produits exportés (% du
total)
|
Swaziland
|
Afrique du Sud
|
1 319 635
|
Huiles essentielles et produits de parfumerie (45 %), Sucres,
préparations à base de sucre et miel (11 %), Vêtements en
matières textiles, n.d.a. (5 %)
|
Afrique du
Sud
|
Zimbabwe
|
1 056 705
|
Huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux > 70
% d'huile (17 %) Maïs (à l'exclusion du maïs doux), non moulu
(8 %)
Engrais (autres que ceux du groupe 272) (4 %)
|
Afrique du
Sud
|
Zambie
|
916 256
|
Huiles brutes de pétrole ou de minéraux bitumineux
(7 %)
Véhicules automobiles pour le transport de personnes,
à usages spéciaux (5 %), Engrais (autres que ceux du groupe 272)
(4 %)
|
Afrique du
Sud
|
Mozambique
|
900 184
|
Huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux > 70
% d'huile (19 %)
Houilles, même pulvérisées, mais non
agglomérées (5 %)
Sucres, préparations à base de sucre et miel (3
%)
|
Namibie
|
Afrique du
|
695 949
|
Papier journal (24 %), Animaux vivants autres que les
|
MBO KOMANGO Guy La SADC et l'intégration des
économies. Enjeux et défis congolais
- 55 -
|
Sud
|
|
animaux de la division 03 (11 %), Viandes des animaux de
l'espèce bovine, fraîches, réfrigérées ou
congelées (10 %)
|
Afrique du Sud
|
Angola
|
574 086
|
Aéronefs et matériels connexes; véhicules
spatiaux, etc. (7 %),
Récipients métalliques pour le stockage ou le
transport (6 %)
Boissons alcooliques (4 %)
|
Zimbabwe
|
Afrique du Sud
|
502 772
|
Minerais de nickel et leurs concentrés; mattes de
nickel, etc. (30 %),
Or à usage non monétaire (à l'exclusion
des minerais et concentrés d'or) (18 %)
Papier journal (11 %)
|
Afrique du Sud
|
République- Unie de Tanzanie
|
388 382
|
Produits laminés plats, en fer ou en aciers non
alliés, non plaqués ni revêtus (11 %), Huiles de
pétrole ou de minéraux bitumineux > 70 % d'huile (9 %),
Constructions et parties de constructions, n.d.a., en fer, aciers ou aluminium
(5 %)
|
Zambie
|
Afrique du Sud
|
379 073
|
Cuivre (49 %), Minerais de cuivre et leurs concentrés;
mattes de cuivre, ciment (13 %), Coton (13 %)
|
Angola
|
Afrique du Sud
|
337 912
|
Huiles brutes de pétrole ou de minéraux bitumineux
(> 99 %), Appareils et matériel de génie civil et de
construction (< 1 %)
Perles, pierres précieuses et semi précieuses (<
1 %)
|
Botswana
|
Afrique du Sud
|
334 825
|
Viandes des animaux de l'espèce bovine, fraîches,
réfrigérées ou congelées (7 %), Or à usage
non monétaire (à l'exclusion des
minerais et concentrés d'or) (6 %)
Vêtements en matières textiles, n.d.a. (6 %)
|
Source : CNUCED, 2008c.
Au regard de ce tableau, la RSA reste le grand exportateur des
produits manufacturés et importateur des matières
premières des Etats de la SADC, suivi de près par le Botswana, le
Swaziland, le Zimbabwe et la Zambie. Par contre la part de la RDC dans ces
échanges est faible et centrée sur l'exportation des
matières premières et de l'électricité en direction
des Etats de la SADC. En outre, lors des travaux de réunion des
ministres des Mines de la SADC, le ministre de la Coopération
internationale et régionale, Raymond Tshibanda a reconnu que la
Région de la SADC " regorge d'immenses ressources minérales et
neuf des quinze Etats membres de notre Communauté sont largement nantis
desdites ressources. A elles seules, les richesses du sous-sol de nos Etats
représentent 60% de nos échanges extérieurs, englobant 10%
du produit intérieur brut (PIB) régional et offrant 5% d'emplois
à la population active de nos pays ". Cela fait que ce secteur soit un
atout majeur pour les investissements de toutes origines et représentent
" une grande source d'enrichissement de nos pays à plus ou moins long
terme ".
Tout en occupant une place centrale pour la poursuite de
l'intégration, le secteur commercial est hypothéquée par
de graves problèmes structurels qui, à moyen terme, pourraient
compromettre la cohésion interne de la communauté
régionale. Toutefois, on peut repérer les principaux obstacles au
commerce de la SADC - tels que identifiés par une enquête
réalisée auprès de plus de 600 entreprises et autres
acteurs
MBO KOMANGO Guy La SADC et l'intégration des
économies. Enjeux et défis congolais
- 56 -
non étatiques entrepris dans toute la Région
:a. Les barrières tarifaires au commerce régional(Les
droits à l'importation) 90 : qui augmentent
les prix à la consommation et réduisent le volume du commerce.
b. Coûts commerciaux élevés: coûts de
transport, coûts à la frontière et coûts à
l'intérieur des frontières.
En général, les obstacles tarifaires et autres
coûts commerciaux élevés sont les principales forces qui
pèsent sur l'expansion du commerce. Mais avec la réduction
généralisée des droits de douane ces dernières
années (CNUCED, 2008a), les échanges commerciaux entre pays
africains sont aujourd'hui freinés essentiellement par des coûts
commerciaux autres que d'ordre tarifaire (Njinkeu et al.
2008)91. L'analyse ci-après part donc du principe que
les coûts commerciaux élevés sont le facteur qui restreint
le plus le commerce intra-africain, puisqu'ils sont plus importants en Afrique
que n'importe où ailleurs.
Même si cet aspect n'est pas propre au commerce
intrarégional, les chiffres mettent en relief les multiples obstacles au
commerce qui subsistent sur le continent bien que l'Afrique soit la
région qui réforme le plus rapidement ses procédures
commerciales (Banque mondiale, 2009). Les coûts commerciaux non
tarifaires se décomposent en trois principaux éléments:
coûts de transport, procédures administratives induisant des
inefficiences propres aux opérations transfrontières, et autres
coûts à l'intérieur des frontières
nationales92.
Bref, la valeur moyenne des exportations à
l'intérieur de ce groupement entre 2004 et 2006 a été de
près de 11 milliards de dollars par an, soit 12 % des exportations
totales de la SADC. Les importations et les exportations y sont
évidemment dominées par l'Afrique du Sud, qui représente
à elle seule 44 % des exportations et 40 % des importations au sein de
la SADC. Le deuxième exportateur à l'intérieur de la
Communauté est le Swaziland (14 %) et le deuxième importateur est
le Zimbabwe (13 %). Les principaux flux au sein de la SADC sont
constitués par les exportations du Swaziland vers l'Afrique du Sud,
suivies de près par les exportations de l'Afrique du Sud vers le
Zimbabwe, la Zambie et le Mozambique93.
90 FRIEDRICH EBERT S.. Deepening Integration in
SADC, Johannesburg, CRIP, 2007, p.21
91 NJINKEU D., Wilson J. et Powo Fosso B. Expanding
trade within Africa: the impact of trade facilitation. World Bank Policy
Research Working . Washington DC: Banque mondiale., 2008
92 NJINKEU, D., et Powo Fosso B. (2006). Commerce
interafricain et intégration régionale. Document
présenté à la Conférence internationale de la BAD
et de l'AERC «Accélérer le développement de l'Afrique
cinq ans après le début du XXIe siècle».Tunis, 22-24
novembre.
93 Rapport CENUCD 2009, Op.cit, p.31
MBO KOMANGO Guy La SADC et l'intégration des
économies. Enjeux et défis congolais
- 57 -
|