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Contribution à  l'étude des origines de la poésie mallarméenne

( Télécharger le fichier original )
par Mohamed Dr Sellam
Université de Bordeaux - Doctorat 1981
  

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UNIVERSITE DE BORDEAUX 3

================

Contribution à l'étude

des origines

de la poétique mallarméenne.

Thèse de doctorat de Troisième Cycle

Présentée par

Mohamed Sellam.

En vue de l'obtention du grade

de

Docteur de Troisième Cycle

============

Sous la direction du Professeur Robert Escarpit

===========

Année universitaire.

1980-1981

============

N°41

UNIVERSITE DE BORDEAUX 3

==============

M.MOHAMED SELLAM.

Contribution à l'Etude des Origines

de la poétique mallarméenne

Thèse de Doctorat

de

Troisième cycle

Année Universitaire.

1980-1981

Soutenance prévue

pour la session de Septembre 1981

DEDICACE

au Professeur R.Escarpit.

Vous qui aviez su créer une révolution

dans la pensée littéraire contemporaine!

Vous qui aviez remué à la fois,grâce à une

intelligence profonde et sagace,

le passé,le présent et le futur,

en y explorant tous les mystères.!

Vous qui aviez guidé mes pas dans le monde

du symbolisme et m'aviez insufflé la volonté

de pénétrer avec confiance et amour ce monde complexe.!

Vous qui m'aviez largement prodigué vos vastes lumières

et m'aviez investi d'une prévenance toute particulière,

A vous cher maître,je vous dédie ce modeste travail

que vous aviez toujours soutenu par votre grandeur

d'âme et par vos lumières!

Bordeaux le 20/04/1981

M.MOHAMED SELLAM

UNIVERSITE DE BORDEAUX 3

**********************

Contribution à l'étude

de la

Poétique mallarméenne.

Thèse de Doctorat

de

Troisième cycle.

Année Universitaire.

1980-1981

INTRODUCTION

1

Le Parnasse et le symbolisme ne sont pas du tout deux courants poétiques contradictoires;au contraire,ils sont plutôt deux courants qui se complètent intimement,puisque les deux tendances sont issues à peu près de la même source.

Charles d'Orléans,père spirituel des parnassiens et précurseur potentiel des symbolistes,fut incontetablement l'objet de respect et de vénération de ses contemporains,en particulier les lettrés et les poétes.

Au lendemain de sa délivrance de la longue captivité qu'il avait subie en Angleterre,il publia ses « poésies »:tout un florilège de poémes ingénieux oû il a exploité d'une manière originale la structure de l'allégorie.;

Ainsi,en dépit de ses souffrances morales et même physiques ,conséquences immédiates de sa captivité,Charles d'Orléans,faisant taire ses tourments et ses douleurs,se plaisait à écrire des poémes à traves lesquels il s'adonnait à souligne des faits fictifs et baroques,mais singukièrement suggestifs,sous la forme d'une allégorie subtile et amphibolgique,sans se soucier le moins du monde du sort qu'on résevera à son oeuvre..

De cette hardiesse exceptionnelle et singulière,de cet aventurisme inattendu,naîtra quelques siécles plus tard,la plasticité ou de préférence l'impersonnalité typique qui se fera jour dans la poésie,oû l'expression de l'objet extérieur l'emporte sur l'expression des sentiments,en d'autres termes,l'objectivisme rigoureux triomphe du subjectivisme sentimental:

Or l'usage de l'allégorie dans la poésie de Charles d'Orléans n'est pas un caprice,une lubie de poéte farfelu,peu soucieux de la valeur matérielle de sa poésie,mais plutôt un devoir dicté par les contingences de l'époque..C'est un procédé emprunté à priori du siécle précédent et que Charles d'Orléans trouva justement conforme à sa nature et à son goût de poéte authentique..

Depuis le Roman de la Rose jusqu'à Guillaume de Machaut et Alain Chartier,l'allégorie demeura le seul recours pertinent en usage en poésie.

Ainsi,selon le même procédé et la même stratégie,le symbolisme,trouva son expression dans l'allégorie, et c'est encore de l'allégorie que le Symbolisme puisa sa substance propre,puisque l'allégorie,ayant subi au fil des siécles,de profondes transformations ,s'est expurgée des scories de la mythologie,s'est assouplie,bref s'est notablement spiritualisée ,pour devenir à son terme final,ce symbolisme ,que Mallarmé,grâce à une tactique ingénieuse,a édifié sur les ruines de la pensée romantique..

Pour la première fois,dans la poésie française,depuis des siécles,Charles d'Orléans s'insurgea contres les conventions et les normes liés essentielllement aux codes de la structure poétique et prit le contre-pied -du moins au niveau de la forme- de la tradition et de l'usage courant..

D'ordinaire,la clarté est inhérente à une compostion poétique saine et sokide,particulièrement dans le cadre de la ballade,du rondeau et même de l'élégie,genres très en vogue à l'époque de la Renaissance..Mais Avec Charles d'Orléans,le cadre structuel et sémantique du poéme sera bouleversé et arbitrairement modifié dans le sens de l'énigmatique et du mystérieux,pour lui conférer davantage de rythme,d'élégance et d'hartmonie et par là le soumettre à une prosodie exclusive,nette et adéquate ,conforme à l'esprit français..

Le poéme,de quelque nature qu'il soit,est désormais pour Charles d'Orléans,une vraie source de plaisir à la fois intellectuel et psychique:lire un poéme,ce n'est plus pour recueillir des informations,encore moins pour se laisser bercer par ces vagues émotions sentimentales exprimées par le poéte,c'est au contraire pour égayer la vue et l'oreille,c'est pour prêter notre coeur à l'écoute de cette harmonie divine et suave qui se dégage comme un parfum captieux du poéme.. C'est pour se sentir pris dans ce lacis inextricable de mots qui distillent lentement la joie et le plaisir et non pour exprimer la douleur et la souffrance vécues ou même imaginaires...

Tout poéme doit être né d'une fiction,car la fiction,plus que la réalité,provoque plus de puissance,plus de satisfaction dans le coeur du lecteur..

La création poétique procède de l'Absolu, du désintéressement total et ne doit pas être assujettie à des régles ou des lois arbitraires et ineptes.

Charles d'Orléans,en se révoltant contre la tradition,ne savait pas qu'il trouverait,quelques siécles plus tard,un disciple ardent,un dévôt qui poursuivrait inlassablement l'oeuvre ébauchée et la ferait parvenir au plus haut degré de perfection..

François Villon,en dépit de sa fréquentation quiasi constante de la cour de Blois,demeura rétif et impassible et ne contribua en rien à cette évolution (le mot révolution eût été apparemment trop hyperbolique et même inadéquat dans ce contexte,car les caractéristiques de la nouvelle poésie sont très proches de celles de l'allégorie,bien que cette dernière ait été proprement dominante et n'a rien perdu de sa mainmise sur la poésie de l'époque..

Et ce qui nous semble paradoxal,c'est que plus Charles d'Orléans et ses disciples c'est-à-dire les poétes qui s'inspiraient de sa nouvelle méthode -et ils étaient nombreux à cette époque,dont aucun d'ailleurs ne nous est parvenu-s'écartent délibérément de la voie traditionnelle dans leur inspiration poétique,plus Villon s'y rallie..Car entre Charles d'Orléans,et Villon,il existe pour de bon une différence majeure,c'est que le premier est un dur aristocrate,un grand seigneur féodal,libéré d'une longue détention,reprend de nouveau son rôle influent dans sa petite cour et par là n'a nul besoin de faire étalage de ses ennuis ou de ses tourments ,parce qu'il n 'en a pas eu et qu'il en a été épargné ,même durant son emprisonnement arbitraire..

Alors que Villon,sorti du peuple,ayant traversé des crises et des misères de toutes sortes,accablé d'infortune et de revers cruels,éprouvait au contraire le besoin de s'épancher ,d'exprimer ses douleurs contenues,d'étaler ses sentiments,de crier tout haut qu'il avait vraiment souffert et que les souvenirs de ses souffrances sont encore vivaces..

De Charles d'Orléans est issu le Symbolisme ,mais un symbolisme tout différent de celui qu'il a pratiqué volontairement,un symbolisme qui,dans le tissu des mots,le réseau des expressions symboliques,on devine à fortiori des choses latentes,des choses plus évocatrices et qui nous mettent en contact avec une réalité souvent angoissante alors que de Villon est issu le romantisme ,un romantisme timide,il est vrai,à ses débuts,mais qui,une fois la voie ouverte,s'engagea plus hardiment dans l'expression et l'analyse frénétique de soi,mais auquel,comme par une coïncidence étrange, s'opposeront plus tard les symbolistes et à leur tête Mallarmé.

Dès lors,on peut dire désormais qu'entre Charles d'Orléans et François Villon,avait subsisté effectivement un conflit réel,un conflit de caractère poétique et même dogmatique,et Mallarmé,grâce à son génie trancha de manière énergique ce conflit et opta ,en l'amplifiant démésurément ,le procédé de Charles d'Orléans...

En outre,ce dernier n'était pas seul dans ce dédale qu'il avait créé lui-même ..L'Ecole lyonnaise qui vit le jour,pour être en opposition manifeste à l'état de misère auquel était réduite la poésie et pour ranimer,raviver la poétique d'antan et celle surtout de Clément Marot,tout en y insérant à son insu des modifications bénéfiques,les fondements d'un renouveau poétique dans la lignée de Charles d'Orléans,s'est lancée vigoureusement dans la poursuite de cette entreprise immense.

Maurice Scève et son amie Louise Labé,étaient en effet à la tête de cette oeuvre rénovatrice...Mais pour enrichir la poésie ,pour la revigorer et lui donner un sens vital,lui insuffler une substance différente,mais plus efficace,il fallait,selon Maurice Scève,lui imprimer une nouvelle tournure,un nouvel aspect susceptible d'en transformer le contenu et même la structure..

C'est alors que l'esprit de Chales d'Orléans est passé d'office dans cette Ecole jeune et en particulier Maurice Scève,va plus loin et au lieu de considérer la poésie comme un moyen de culture spirituelle mis à la portée du public,de tout le public sans discrimination,rompt avec cette idée,dépasse ce stade et élève la poésie à un haut degré ,à tel point qu'elle n'est plus accessible que par une élite d'initiés.

Maurice Scève et Charles d'Orléans furent avant tout non pas seulement les précurseurs du symbolisme,mais aussi les véritables pionniers de la poésie du XXe siécle et nul avant eux et après jusqu'à Mallarmé n'a mieux compris les aspects multiples et infiniment complexes que pouvait prendre l'univers poétique...

Ce qui est intéressant,c'est que l'Ecole lyonnaise se trouve à cheval entre Marot et la pléiade..Cete dernière,dans son oeuvre de réforme générale,entendait rénover non seulement dans l'art de la versification,mais aussi et plus encore dans la langue..

Or de considérables apports sont venus dans ce sens contribuer à accroître le vocabulaire et à enrichir la langue d'heureuses trouvailles d'expressions..

Ce n'est pas tout,la Pléiade et à sa tête Ronsard,se place dans la lignée de Charles d'Orléans et de l'Ecole lyonnaise,élévant la notion de poésie à une forme d'art qui doit demeurer loin du vulgaire et inaccessible à lui..

Mais si le style de Charles d'Orléans ainsi que celui de Maurice Scève était un style émaillé seulement par des saillies et des pointes fines et pittoresques,incompréhensibles pour le lecteur normal,le style de Ronsard,hérissé de termes antiques,de néologisme baroque,puisés pour la plupart dans la mythologie gréco-latine,reste cependant hermétique pour celui qui n'a aucune connaissance de l'antiquité;;

C'est à ce niveau que l'on détermine la différence entre la poésie de Charles d'Orléans ou de Maurice Scève et celle de Ronsard qui,lui aussi,pour esquiver le vulgaire,avait délibérément usé d'un langage difficile,afin de conférer à la poésie un halo de mystère et d'inconnu..

Ce qui est encore étrange à plus d'un titre,c'est que Maurice Scève,qui fut un dévôt de Pétrarque,jusqu'à l'idolâtrie,au point d'organiser des rites et des cérémonies paiennes autour du tombeau de la mystérieuse Laure,suivit méthodiquement les pas de Charles d'Orléans et embrassa de bonne foi sa doctrine ,marquant par là un contraste profond entre sa nature humaine et sa création poétique.

Tandis que Ronsard,cultivant la religion de la poésie,voulut l'éléver au rang du sacré,au rang de la pureté la plus absolue,dédaignant par là le public en contribuant davantage à en aliéner la sympathie.

Mallarmé,qui avait lu et relu les poétes de la pléiade ainsi que ceux du XVe siécle,a puisé dans ce riche trésor,tout un ensemble de principes qui lui serviront dans la mise au point de sa nouvelle doctrine, ,enrichie,expurgée et largement amplifiée par une vision universelle.

Ainsi la poésie entre les mains des symbolistes,a quasiment cette finesse,cette spontanéité,qui lui est propre,pour devenir artificielle,lourde,guindée,mais cependant lucide,d'une lucidité clairvoyante et profondément naturelle...

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci