CHAPITRE IV
IMPLICATIONS DE L'INTERNET ET DU NUMÉRIQUE SUR
LE DROIT
D'AUTEUR
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I-IMPLICATIONS DE L'INTERNET SUR LE DROIT D'AUTEUR
Un rapide aperçu de l'histoire du droit d'auteur met en
évidence d'ailleurs sa capacité d'adaptation à
l'apparition des nouvelles techniques et sa faiblesse particulière face
à la numérisation des oeuvres. La conjugaison de cette technique
avec la diffusion par Internet est lourde d'implication pour le droit d'auteur.
La force du numérique sur le droit d'auteur
réside dans ce qui pourrait être
appelé sa capacité de dissolution: tout contenu quelque soit sa
forme, peut être décomposé, réduit et
conservé. Son intérêt réside dans sa capacité
de restitution : toute réduction peut faire l'objet du processus inverse
de reproduction, à l'identique, du contenu original. À cette
alchimie du contenu, la révolution de nouvelles technologies et/ou
l'Internet par exemple, ajoute la magie de l'ubiquité : l'abolition des
distances, la rapidité de la communication, la facilité de
transport permettent au contenu d'être ici et
ailleurs58.
L'opération consiste en la
dématérialisation d'une oeuvre et sa réduction en une
série de nombres qui rendent sa circulation sur le web. Cette
révolution numérique nous a conduis à percevoir autrement
la notion de copie. « La nouveauté radicale réside dans la
qualité de la copie, qui inciterait à parler de `'clonage»
de l'oeuvre59». De façon pragmatique, la
numérisation d'une oeuvre peut se définir comme la traduction
parfaite du message ou du contenu d'origine, ou plus exactement, comme sa
reproduction à l'identique sous un autre langage.
Ainsi, le produit final dans son contenu et son contexte est
le même sauf sa composition qui est différente.
La numérisation offre une facilité
inégale de conservation des données transcrites qui pourront
être, par la suite, consultées, reproduites ou modifiées.
L'évolution technologique permet aujourd'hui de conserver autant
d'informations que possible sur un disque numérique de 12 cm de
diamètre. À titre d'exemple, il
58 . Le droit d'auteur et l'Internet, rapport du groupe de
travail de l'académie des sciences morales et politiques,
présidé par M. Gabriel Broglie, Juillet 2000.
59 . Ibid.
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serait possible de transporter dans sa poche
l'intégralité des manuscrits, ouvrages et autres lithographies
faisant la richesse de la bibliothèque d'Alexandrie.
À cela, il convient d'ajouter que le numérique
offre la possibilité de retrouver, parmi plusieurs milliers de pages, un
mot ou une phrase. Il est également aisé de «copier-coller
» des informations afin de les insérer dans une nouvelle
création. Une certaine inspiration souligne en ces termes que «la
numérisation et la mise en réseau d'oeuvres sont
désormais à la portée de tout un chacun qui peut devenir
du jour au lendemain un éditeur de contenus informationnels et
culturels. La copie est facile, de bonne qualité et sa communication est
potentiellement mondiale et illimitée60 ». Face
à tout ce constat ne serait-ce pas important de ne pas mettre en ligne
les oeuvres de l'esprit ?
L'auteur a toujours eu la tâche difficile de concilier
deux exigences contradictoires de son amour propre. Son souhait d'être
connu du plus vaste public possible, qui le pousse à publier ou à
diffuser son oeuvre, et à courir ainsi le risque d'être
copié, plagié, repris, enrichi, contredit, et le désir
d'être reconnu comme le seul auteur de l'oeuvre, qui peut l'inciter
à la conserver jalousement.
Or, l'utilité sociale d'une oeuvre se mesure à
sa diffusion, à sa capacité à provoquer ou à
nourrir le débat et, à enrichir la culture nationale et
même internationale.
En ce sens, la législation sur le droit d'auteur doit
éviter tout abus du droit de l'auteur sur son oeuvre (en voulant la
conserver, même s'il a le droit de la publier ou non). Mais, dans le
même temps, elle doit créer des conditions favorables de
l'épanouissement des beaux-arts et, pour se faire, garantir à
l'auteur un niveau suffisant de sécurité juridique et de
reconnaissance morale et
60 S. DUSSOLIER, Internet et droit d'auteur,
cité in actualité du droit des technologies de l'information et
de la communication, commission Université-Paris, Formation permanente
CUP, Février 2001, vol. 45, p.165.
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matérielle de ses droits sur l'oeuvre pour
récompenser l'auteur et inciter d'autres talents à s'exprimer.
Section 1.1-La facilité de consultation
Comme l'écrit ALBERTO, Manguel,
Je me repose avec confiance sur les possibilités
que m'offre l'informatique de traquer dans les bibliothèques les plus
vastes que celle d'Alexandrie un renseignement inaccessible, et mon ordinateur
personnel peut « accéder » à toutes sortes de livres
(...) Les notes que je prends en lisant sont conservées dans la
mémoire déléguée de mon ordinateur. Tel
l'érudit de la Renaissance qui pouvait parcourir à sa guise les
salles de son palais mémoire afin d'y retrouver une citation ou un nom,
je pénètre aveuglement dans le labyrinthe électronique qui
bourdonne derrière mon écran. Grâce à sa
mémoire, je dispose de souvenirs plus précis (si la
précision est importante) et plus abondant (si l'abondance parait
désirable) que mes illustres ancêtres que m'offre l'informatique
de traquer dans les bibliothèques plus vastes (...).
Les moteurs de recherches permettent en effet en quelques
secondes d'aller chercher, au sein de texte de plusieurs milliers de pages, la
citation recherchée, ou d'en extraire systématiquement toutes les
phrases dans lesquelles, par exemple, l'auteur a utilisé un de ses mots
préférés.
Les gestionnaires de fichier permettent, quant à eux,
de classer toutes les oeuvres numérisées par genre, types et
catégories, avec une facilité digne du plus efficace
bibliothécaire appliquant encore aujourd'hui, les préceptes de
Saint Thomas d'Aquin recommandant de ranger les textes que l'on aime et dont on
souhaite se souvenir.
Section1.2-Facilité de reproduction
L'accessibilité de l'oeuvre numérisée est
sans doute sa première qualité. Mais la facilité de
reproduire en tout ou partie d'un texte, par la vertu de cet outil que les
utilisateurs d'ordinateurs ont appris à connaître sous le nom de
« copier-coller », permet de constituer une sorte de
bibliothèque parfaite des ouvrages ou des passages que l'on estime
remarquables ou auxquels on tient plus
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particulièrement. Le résultat de la tache
pénible des copistes d'autrefois est aujourd'hui à la
portée de tous. Le texte le plus dense, le livre le plus long peuvent
être reproduits en un instant, et d'une seule pression de doigt, sans que
la moindre erreur de reproduction ne puisse se glisser dans le nouvel
exemplaire.
Ces techniques de reproduction ne se limitent pas à
l'écrit, mais trouvent également à s'appliquer au son,
à l'image ou à l'image animée. «Le copier-coller
» s'applique aussi bien à un morceau de musique qu'à une
photographie ou à une séquence de film, et la reproduction de ses
oeuvres de l'esprit, qui supposait autrefois un travail parfois long et
fastidieux, se fait aujourd'hui, grâce au numérique, avec une
facilité déconcertante.
Aussi faut-il souligner qu'il est sans nul doute possible
qu'on enlève de son oeuvre le nom de l'auteur titulaire pour mettre le
sien.
Voici donc, autant de dangers que les créateurs
d'oeuvres de l'esprit sont susceptibles d'encourir à l'heure de
nouvelles technologies d'informations et de communication et plus
particulièrement l'Internet.
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