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La prohibition des punitions corporelles et ses difficultés d'application dans les écoles publiques au Togo. Cas des écoles primaires publiques de l'Inspection pédagogique de Lomé- ouest

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par Kokougan Mawoussé SODJAGO
Université de Lomé Togo - Maà®trise 2011
  

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1.2- Revue critique de la littérature

Ce qui saute aux yeux dans la littérature est cette contradiction radicale qui oppose les auteurs qui ainsi se divisent en deux camps rivaux : d'un côté, les partisans de l'éducation traditionnelle qui font l'éloge des punitions et plaident pour leur maintien et de l'autre, les partisans des écoles "nouvelles" ou "actives" qui critiquent ces punitions en disant que les élèves peuvent performer et obtenir de bons résultats scolaires sans elles. Pour les premiers, l'élève ne pourra pas apprendre et réussir en l'absence des punitions. La délicatesse de la mission qui est confiée à l'enseignant l'autorise à user de tous les moyens, les punitions corporelles inclu, pour parvenir à un bon résultat. Pour les seconds, les élèves peuvent se discipliner eux-mêmes si on fait confiance en eux.

1.2.1- Les travaux centrés sur la défense de l'usage des punitions en éducation scolaire

Beaucoup de travaux défendent l'usage des punitions corporelles en milieu scolaire. Entre autres, nous avons recensé les travaux de Ségbo, d'Alain, de Mosse-Bastide, de Tchaménon. Le dénominateur commun de tous ces travaux est qu'ils soulèvent la question de la nécessité de la punition en éducation en général et à l'école en particulier.

Selon Koffi Ségbo (2007) qui s'inscrivait dans la logique du « qui aime bien châtie bien », la punition est un remède contre la paresse. Elle aide les élèves à obtenir de meilleurs résultats scolaires. Rapportant les résultats d'une enquête menée par Yawovi Tchamenon (1984) auprès des enseignants et des parents d'élèves, il en vient à dire que la non utilisation du bâton derrière les élèves est à l'origine de leurs échecs. Pour cela, il prône l'usage des punitions corporelles. « L'enseignant qui aime ses élèves, dit-il, et qui veut la réussite de ceux-ci [...] doit pouvoir sanctionner par des punitions corporelles » (Ségbo, 2007 : 32). En d'autres termes, la punition réveille en l'enfant le sentiment du travail. L'élève sait qu'il y aura des coups humiliants et douloureux lorsqu'il manque de faire son travail. Cela voudra dire que selon Ségbo, l'application de la prohibition des punitions corporelles à l'école sera source d'échec. C'est cette vision qui l'amène à défendre l'usage des punitions corporelles à l'école.

Selon Léandre Coudray (1989), après la période de la "vieille Grèce", la correction corporelle reste courante dans les écoles primaires. Ces punitions permettaient au magister d'instaurer une discipline, nécessaire pour le bon fonctionnement des activités pédagogiques. Il citait Saint Augustin qui nous présente une pédagogie de sévère contrainte corporelle et morale dont il fait l'éloge en ces termes : 

« ...On me mit à l'école pour apprendre mes lettres ; pauvre que j'étais, je ne voyais pas à quoi cela servait, et pourtant, quand je me montrais paresseux à apprendre, je recevais des coups. Les grandes personnes trouvaient cela parfait. Nos nombreux devanciers dans la vie nous avaient préparé ces sentiers douloureux par où il nous fallait passer, au prix d'un surcroit de labeur et de souffrance pour les enfants d'Adam... » (Saint Augustin, cité par Coudray, 1989 :20)

Pour Saint Augustin, le bâton permet à l'enseignant d'obtenir le goût de l'effort auprès de l'élève, de l'amener à apprendre. Les punitions corporelles permettent à l'élève de reconnaître ce qui lui est utile et de faire l'effort pour le réaliser. Vu le moyen pédagogique que constitue la punition corporelle, l'enseignant ne pourra donc pas s'en passer.

D'autres auteurs abordent le thème sous le narthex de l'autorité. C'est dans ce canal que s'inscrit Marcel Postic.

En effet, pour Postic (1974), l'autorité du maître est incontournable et est la seule condition de la réussite de l'apprentissage. Selon lui, l'autorité est un pouvoir permettant à l'enseignant d'asseoir l'ordre, le respect, la concorde mutuelle, en un mot la discipline. L'enseignant doit être en mesure d'appliquer les sanctions avec fermeté pour se faire respecter. Citant G. Ferry et R. Cousinet, il disait que l'autorité est nécessaire en éducation et doit caractériser toute relation éducative. Il faut que les élèves se considèrent toujours comme « inférieurs » et sachent donc qu'ils dépendent de l'autorité d'un adulte (l'enseignant) qui lui, se considère toujours comme « supérieur ».

Pour Mosse Bastide (1966), l'autorité du maître répond aux nécessités de l'apprentissage, ainsi qu'aux objectifs à atteindre. En effet, Mosse Bastide défend l'autorité comme un moyen efficace de formation, un moyen pour assurer la transmission maximale et une réussite du processus d'enseignement. Il se défendait en ces mots :

« L'enseignement est la tentative audacieuse [...] de chercher à conduire tous les enfants à ces sommets qu'ont gravis les seules grandes personnalités, en leur apprenant en vingt ans vingt-cinq siècles de découvertes [...]. Ne faut-il pas les obliger à devenir des hommes ? [...] Ne faut-il pas lutter contre le plaisir immédiat, la paresse souciante de l'animal ? » (Mosse Bastide, cité par Douet, 1987 : 33)

Ce sont là des questions qui ne laissent pas le choix à l'enseignant même en face de la réglementation. L'enseignant a des objectifs qu'il doit atteindre. Et ceci n'est guère mission facile. Il faut parfois « forcer les choses ». La vision de Mosse Bastide paraît judicieuse mais comment procéder quand la réglementation explicitement interdit ces pratiques ? Ceci ne pose-t-il pas un autre problème si l'enseignant enfreint le règlement ?

D'autres auteurs encore abordent le phénomène de façon plus générale en utilisant le concept de "discipline" qui, en fait couvre le champ de la punition et de l'autorité. La discipline étant l'ordre à établir, le décorum, elle inclut en son sein même les pratiques punitives, qui ne sont en principe qu'à son service.

Mosse Bastide (1966) considère la discipline comme le seul moyen d'amener l'enfant à la connaissance de soi. Pour lui, l'enfant est le jouet de ses instincts. Il a une nature « animale », caractérisée par le règne des pulsions. « Discipliner, disait-il, c'est dépouiller l'enfant de sa sauvagerie» (Mosse Bastide, cité par Douet, 1987: 33).

Alain (1948), ardent défenseur de la pédagogie traditionnelle entre dans ce débat en concevant l'enfance comme une période d'incapacité et d'agitation. Corollaire : il prône un système autoritaire et de tradition. Pour lui, l'enfant a au fond de lui le désir de grandir, de ressembler à un adulte, d'avoir sa compétence. Cependant ses désirs sont vains car l'enfant ne peut pas lui-même suivre le chemin qui le conduirait à réaliser ce but, et c'est le rôle du maître que de l'aider dans cette tâche en lui imposant la contrainte nécessaire. Pour Alain, le maître ne doit pas craindre de déplaire à l'enfant. Et d'ailleurs, il ne doit pas chercher à lui plaire. L'enfant est un être de plaisir. Alain oppose les notions de travail, de difficulté à celles du plaisir et de l'intérêt. « Ce qui intéresse n'instruit jamais ! ». C'est ce constat qui l'a amené à défendre la méthode traditionnelle. « Que le passage de la récréation à la classe soit marquée et solennel, que la cloche ou le sifflet marque le retour à un ordre plus sévère »

La discipline, l'autorité sont les seuls garants, selon Alain, de la réussite du processus d'apprentissage. C'est pour cela que le maître ne doit pas témoigner de la sympathie à l'égard de l'élève. Car « bonté de coeur entraîne paresse, désordre, laisser-aller... ». C'est cette atmosphère de sympathie et d'affectivité qui rend l'éducation familiale inefficace et impossible. Alain se dresse ici, en somme, comme le grand tenant des méthodes traditionnelles basées sur la répression, la punition, la discipline stricte et l'autorité.

Même son de cloche pour Emile Durkheim (1903) qui conçoit la discipline d'une façon sociologique, donc descriptive. Pour lui, à l'école, la discipline est la « morale » de la classe. Chaque société, selon Durkheim, a besoin de fonctionner (ou mieux fonctionne) sur des règles qui constituent sa morale, sa constitution. Sans ces règles, la vie sociale est impossible. La classe, ou bien l'école, étant une « petite société », elle a besoin de la discipline. En clair, la discipline a un rôle régulateur. L'élève en a besoin pour travailler et performer. Pour Durkheim, l'éducation est une « conformisation » sociale. Elle ne peut donc pas être un processus dans lequel on peut accorder la liberté à l'enfant. D'où il faut user de la contrainte et de la discipline. Selon Durkheim, si la punition ne fait pas l'autorité de la règle, elle empêche néanmoins la règle de perdre son autorité. Pour Durkheim, il s'agit des punitions aussi corporelles que symboliques.

Pour Alain et Durkheim, la discipline est conçue comme un élément imposé. Elle est extérieure. De ce fait, les élèves peuvent la subir. Mais c'est une discipline qui assujettit.

Les défenseurs des punitions aussi corporelles que symboliques à l'école partent de certaines considérations et s'appuient sur des méthodes pédagogiques, lesquelles font la cohérence même de leur conception. Par exemple, pour ceux-ci, l'enseignement est magistral, bipolaire et unidirectionnel. Il y a un pôle "e" qui est le pôle enseignant et un pôle "a" qui est le pôle apprenant. Les connaissances sont transmises ou véhiculées du haut vers le bas et à sens unique. Le pôle "e" étant le sommet, il dispose de la toute puissance sur le pôle récepteur. La deuxième considération s'articule autour des conceptions de l'enfant et de l'enfance.

En clair, les défenseurs de l'usage des punitions à l'école se situent dans une perspective de la pédagogie traditionnelle. Mais à ces conceptions, deux inspecteurs malgaches ont formulé une phrase que l'on pourrait qualifier de leitmotiv : « Le temps est révolu où le maître estimait normal d'avoir recours au châtiment corporel pour maintenir intacte son autorité » (Désarmais et R. Gineste, 1963 : 302). Si les punitions corporelles sont aujourd'hui conçues comme instrument de supplice et d'oppression, l'enseignant se doit de s'en méfier surtout que la législation scolaire l'interdit explicitement.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery