Chapitre III: La politique étrangère
américaine contemporaine
Section A : Un nouvel ordre mondial ?
George Bush (1989-1993) : créer l'après
Guerre Froide
George Bush eut la charge difficile d'être le premier
président américain depuis près de 50 ans à faire
passer le monde de l'ancien système international bipolaire de la Guerre
Froide à un nouveau contexte mondial dans lequel les Etats-Unis avaient
le statut d'unique grande puissance. Le président, qui appartenait
à la branche « réaliste » et gestionnaire des
reaganiens s'attacha, dans un contexte international très instable,
à créer de nouveaux liens avec l'ancien ennemi russe et ses
satellites qui proclamaient alors tour à tour leur indépendance.
Décider des nouveaux objectifs de politique étrangère des
Etats-Unis dans le monde de l'après Guerre Froide, il lança, avec
ses conseillers, le concept de « Nouvel Ordre Mondial
», éminemment wilsonien, puisqu'il se basait sur le
respect du droit international et des grandes institutions de
coopération : « Nous nous devons aujourd'hui, en
tant que peuple, d'avoir une intention de rendre meilleure la face de la nation
et plus douce la face du monde »
C'est en partie au nom de ce nouvel ordre mondial que les
Etats-Unis s'opposèrent militairement à l'invasion du Koweït
par l'Irak en 1990-1991, et ce dans le cadre d'une politique
multilatéraliste, puisque la coalition dirigée par les Etats-Unis
s'était constituée dans le cadre officiel des Nations Unies.
Cependant, cette guerre, dite « Guerre du Golfe », allait
avoir des conséquences désastreuses dans les années 1990
et le début du XXIème siècle : la présence
américaine sur les lieux saints de l'islam et l'évidente
hégémonie économique et militaire des Etats-Unis
révélèrent au monde entier que l'on était bien
passé à une autre ère de l'histoire des relations
internationales... Les Etats-Unis allaient-ils devenir les « gendarmes du
monde », voire imposer au monde entier leur système de valeurs ?
Clinton : le retour des démocrates
(1992-2000)
L'originalité de Bill Clinton a été
d'étendre à la sphère économique le concept de
sécurité nationale américaine. « Wilsonien
pragmatique », il a lié le libéralisme économique au
modèle démocratique. Bill Clinton a ainsi conduit une politique
de soutien aux pays les plus prometteurs dans ces deux domaines, afin de rendre
le monde plus sûr pour les démocraties et les Etats-Unis.
« Notre stratégie de
sécurité nationale est donc fondée sur l'objectif
d'élargir la communauté des démocraties de marché
tout en dissuadant et en limitant la gamme des menaces qui pèsent sur
notre nation, nos alliés et nos intérêts. Plus la
démocratie et la libéralisation politique et économique
s'imposeront dans le monde, notamment dans les pays d'importance
stratégique pour nous, plus notre nation sera en sécurité
et plus notre peuple sera susceptible de
prospérer ».
Contrairement aux réalistes, Clinton a favorisé le
Soft power (Pouvoir attractif) aux dépens du Hard power (pouvoir
coercitif, notamment les moyens militaires). Ce concept de Soft power, qui est
« la capacité d'arriver à ses fin par un pouvoir de
séduction et d'attirance, plutôt que par la menace ou la
marchandage. », a été défini par Joseph S. Nye,
secrétaire adjoint à la Défense de 1994 à 1995. Il
s'appuyait notamment sur la coopération internationale et donc le
multilatéralisme. Cependant, la politique étrangère de
Clinton devint de plus en plus unilatéraliste sous l'influence du
Congrès très conservateur. Bill Clinton enregistra des
demi-succès : Accords Rabin-Arafat en 1993 et accords de Wye Plantation
en 1998, mais remise en cause de ces progrès en 2001 ; intervention et
victoire de l'OTAN en 1999 au Kosovo, mais persistance des conflits dans la
région, entre autres.
George W. Bush : les néoconservateurs et
l'hyper-terrorisme (2000- ...)
Comme plusieurs ouvrages (America is back, Washington et le
monde...) et documentaires (Fahrenheit 9/11, le monde selon Bush)
le notent, il convient d'abord de souligner a quel point le nouveau
président Bush est apparu en novembre 2000 comme peu
intéressé par les questions de politique étrangère,
laissant envisager un isolationnisme modéré (projet du bouclier
antimissile ). Mais le poids de l'entourage du président et
l'accélération des événements suite aux
attaques-attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué un grand changement
de stratégie internationale des Etats-Unis. Dans l'équipe
présidentielle composée essentiellement de
néo-conservateurs (v.def) d'obédience reaganienne, les
modérés, des gestionnaires réalistes (Colin Powell,
Secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, secrétaire à la
Sécurité Nationale), s'effacent derrière le poids des
extrémistes (Donald Rumsfeld, Ministre de la Défense, Paul
Wolfowitz, son conseiller, et John Ashcroft, ministre de la justice), qui font
partie des wilsoniens réalistes.
Ces néo-conservateurs cherchent à façonner
le monde selon les valeurs américaines, comme désirait le faire
le président Wilson au début du XXème siècle, comme
le montrent nombre d'interventions du président Bush, dont celle du 12
septembre 2001 : « nous avons trouvé notre
mission ». Mais, comme Roosevelt, ils emploient des moyens «
musclés » (menaces et coercition militaire) pour arriver à
leur fins, et non l'instauration et le respect de règles
internationales. C'est pourquoi Pierre Hassner, spécialiste des
Etats-Unis, qualifie leur politique de « wilsonisme botté
».
Les attaques-attentats du 11 septembre, en provoquant un choc
psychologique important, ont ainsi constitué une véritable
opportunité à une partie de l'équipe présidentielle
de George W. Bush. En effet, les « faucons » de l'administration
Bush, formés dans le contexte de la Guerre froide, recherchaient un
moyen de conserver une marge de supériorité et la puissance
américaine, qui ne se justifiait plus dans le contexte des années
1990.
Le 11-septembre a été le déclencheur d'une
nouvelle forme de conflit, celle d'une gigantesque puissance contre ce que
George W. Bush a nommé « l'axe du Mal »... Mais quel est cet
« axe du Mal » ? Des Etats aussi différents et sans
relations comme la Corée du Nord et l'Iran ? Des Etats
autoritaires ? La civilisation et la religion musulmanes ? Le
terrorisme ? Mais peut-on faire la guerre contre le terrorisme, alors que
ce terme ne désigne qu'un moyen de faire la guerre, et non une
idéologie, un système économique, une religion, une
culture ou une civilisation, et encore moins un Etat ?
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