Section B : Le Réalisme politique et
l'Idéalisme politique
Les grands spécialistes de la politique
étrangère des Etats-Unis s'accordent pour distinguer deux grands
héritages fondamentaux : le Réalisme politique
représenté par Théodore Roosevelt (Président de
1901 à 1909), et l'Idéalisme politique du
Président Woodrow Wilson (Président de 1913 à 1921).
Le Réalisme politique de Roosevelt
(1901-1909) Le 10ème président des Etats-Unis,
Théodore Roosevelt, avait une vision dite réaliste
(c'est-à-dire : voir les choses telles qu'elles sont) des relations
internationales : il considérait que les états étaient des
entités égoïstes défendant avant tout leurs
intérêts, par la force si besoin. Th. Roosevelt reprenait le
concept de « destinée manifeste » afin de justifier
l'expansionnisme et l'interventionnisme des Etats-Unis hors de ses
frontières. Ainsi, en 1904, par ce qu'on appelle le corollaire Roosevelt
à la doctrine Monroe, il affirmait le devoir des Etats-Unis à
intervenir dans la zone des Caraïbes et de l'Amérique Latine quand
leurs intérêts seraient menacés :
« L'injustice chronique ou l'impuissance qui
résulte d'un relâchement général des règles
de la société civilisée peut exiger, en fin de compte, en
Amérique ou ailleurs, l'intervention d'une nation civilisée et,
dans l'hémisphère occidental, l'adhésion des Etats-Unis
à la doctrine de Monroe peut forcer les Etats-Unis, même à
contrecoeur, dans des cas flagrants d'injustice et d'impuissance, à
exercer un pouvoir de police international » (Message au
Congrès du 6 décembre 1904).
Roosevelt tenait un discours reposant sur l'idée de
puissance, évoquant un « pouvoir de police
internationale » pour réprimer les déviances, mais non
pour propager le modèle américain. Jusqu'à nos jours, les
réalistes ont toujours réclamé le statu-quo international
(l'équilibre des forces), ne cherchant pas à changer l'ordre du
monde à leur profit.Théodore Roosevelt pratiqua une politique
d'investissements (la « diplomatie du dollar », surtout
utilisée par son successeur : William H. Taft) et de menaces (« Big
Stick ») pour faire triompher les intérêts américains
dans leur zone d'influence (Caraïbes et Amérique Latine).
L'Idéalisme politique de Wilson
(1913-1921)
« La présidence de Woodrow Wilson,
présidence qui, de toute l'histoire des Etats-Unis, constitue
probablement son moment le plus idéologisé ». Le
Président W. Wilson avait une vision idéaliste des relations
internationales (voir les choses telles qu'elles devraient être, telles
que l'on souhaiterait qu'elles soient). En effet, pour lui, les relations
internationales devraient être harmonieuses et pacifiques grâce
à l'obéissance des états à des règles de
droit international et à un ordre garanti par des organisations
supranationales : « Il doit y avoir, non pas un équilibre des
puissances, mais une communauté des puissances ; non pas des
rivalités organisées, mais une paix commune organisée
» (Discours du 22 janvier 1917 au Sénat, Wilson). Wilson remettait
en cause la diplomatie européenne traditionnelle, reposant notamment sur
le secret. Internationaliste convaincu, il croyait en la coopération des
états, au multilatéralisme : les prises de décision en
matière d'action extérieure devraient être prises en
consultation avec la communauté internationale et/ou reposer sur une
action commune. « C'est principalement l'idéalisme
wilsonien qui a imprimé son rythme à la politique
américaine depuis sa présidence historique, et qui l'inspire
aujourd'hui encore »
Faisant sien le concept de « Destinée
Manifeste » pour affirmer la mission quasi-divine des Etats-Unis de
démocratiser le monde, il affirmait notamment :
« Je crois que Dieu a présidé
à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer
la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la
liberté »
Contrairement aux réalistes, les idéalistes
tiennent un discours fondé sur la morale, revendiquant un changement du
monde à leur image, afin de le faire progresser. L'Amérique est
perçue comme le meilleur modèle démocratique du monde, la
démocratie libérale, qui s'appuie sur les libertés
publiques, mais aussi l'économie de marché. A la même
époque (années 1920-1930), l'Union Soviétique naissante se
construisait sur une idéologie à vocation universelle dont les
valeurs étaient fondamentalement différentes et opposées
à celles des Etats-Unis : athéisme, démocratie populaire,
communisme, et rejet de l'économie de marché. Cette opposition
idéologique sur la vision du monde de l'URSS et des USA est essentielle
à une bonne compréhension de la vision du monde des Etats-Unis
durant la Guerre Froide, de 1947 à 1991.
Enfin, pour affirmer ses positions, Wilson reprenait les
théories de Kant, selon lesquelles les démocraties ne se font pas
la guerre. Le modèle démocratique américain était
donc considéré comme le plus vertueux, garant de liberté,
prospérité et sécurité :
« L'Amérique est la seule nation idéale
dans le monde [...] L'Amérique a eu l'infini privilège de
respecter sa destinée et de sauver le monde [...] Nous sommes venus pour
racheter le monde en lui donnant liberté et
justice. »
Les fameux « 14 points » de Wilson, qui
servirent de base à la paix de 1918 et à la création de la
Société des Nations, ancêtre des Nations-Unies, constituent
une synthèse parfaite de la pensée du président
américain. Pourtant, celui-ci fut désavoué par le
Sénat en 1920, qui refusa de signer le Traité de Versailles que
Wilson avait pourtant négocié : les tendances isolationnistes
avaient repris le pouvoir ; elles restèrent prépondérantes
durant les années 1920-1930.
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