Conclusion partielle
En étudiant comment à travers le récit
épique, Kourouma présente d'abord les prouesses politiques avant
de les tourner en dérision par l'ironisation des bouffonneries des
personnages, et comment il présente les instabilités politiques
à travers la déstabilisation sémantique par la
conciliation de l'écriture et de l'oralité, nous osons dire que
le roman, En attendant le vote des bêtes, est une
représentation de la politique dans l'Afrique postcoloniale.
L'onomastique, la thématique et l'étude des personnages nous ont
été aussi utiles pour mieux mettre en évidence les
réalités politiques. Si pour Madame de Staël, la
littérature est la peinture de la société, En
attendant le vote des bêtes est à bien des égards une
représentation de la société africaine, de la
conférence de Berlin à la fin de la guerre froide. Il montre,
comme un miroir que l'on promène, la naissance de l'Etat africain
postcolonial et les aberrations des nouveaux dirigeants venus au pouvoir par
des coups d'Etat. L'Etat africain postcolonial est fondé sur la
violence, la sorcellerie et la magie, le détournement d'argent, le
militarisme, en un mot, il s'agit de puissants régimes dictatoriaux.
Or, Kourouma ne saurait décrire la politique sans
produire une écriture politique, c'est-à-dire une écriture
politisée et idéologique. Cette troisième et
dernière partie de notre mémoire sera consacrée à
montrer dans quelle mesure nous sommes autorisés à parler
d'écriture politique chez Ahmadou Kourouma.
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TROISIEME PARTIE
DE L'ECRITURE DE LA POLITIQUE A UNE
ECRITURE POLITIQUE
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Il ne s'agira pas pour nous de montrer les idées
politiques ou des « contenus politiques », mais notre travail, dans
cette troisième et dernière partie de notre mémoire,
consistera à contribuer à répondre à un certain
nombre de questions sur « comment le roman africain
postcolonial fait-il de la politique en tant que littérature ?
». Quel est la dimension politique de l'oeuvre, En attendant le
vote des bêtes sauvages ? Notre champ de travail s'intéresse,
enfin, à une réflexion sur ce qu'on pourrait appeler « le
roman politique postcolonial » ou « les écritures politiques
postcoloniales ».
L'aspect politique des romans de Kourouma s'appréhende
à travers des spécificités qui montrent l'appropriation de
la langue française. Cela est le signe de l'indépendance
culturelle et de l'affirmation d'une nouvelle identité politique.
L'oeuvre de Kourouma, quand elle fait une dénonciation
ab irato de la dictature dans l'Afrique postcoloniale, traduit
l'aspiration profonde de l'auteur à la Démocratie.
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