2. Évolution esthétique, philosophique et
sociologique du festival
Depuis 1994, le festival de la photographie contemporaine de
Bamako a connu sept Rencontres, placées sous des thèmes
différents et a présenté les travaux d'artistes venus de
tous les pays d'Afrique. En effet, les éditions successives se sont
étoffées et enrichies d'autres ouvertures, de nouvelles
signatures, répondant de plus en plus au besoin des photographes du
continent de lever l'obturateur sur leurs créations, leurs oeuvres,
leurs talents et d'échanger avec le monde.
En 1994, la première édition s'axait sur
l'aspect patrimonial plus que le contemporain. Dans tous les esprits, il
fallait avant tout révéler au monde une histoire jusqu'alors
ignorée. Une espèce d'état des lieux était
nécessaire avant de pouvoir proposer des formes plus contemporaines et
en phase avec son temps.
Les deuxièmes Rencontres, qui ont eu lieu du 9 au 15
décembre 1996, s'inscrivent dans la continuité de la
première, avec l'exposition de nouveaux genres photographiques et de
nouveaux artistes africains. En termes d'organisation, cette deuxième
édition a accordé une attention particulière à
l'intégration des savoir-faire bamakois. Sous le titre « Art et
tradition du portrait en Afrique », on voit apparaître la
volonté, de la part du commissaire général, de proposer un
thème commun aux artistes afin d'homogénéiser les
travaux.
Les troisièmes Rencontres, qui se sont
déroulées du 7 au 11 novembre 1998, se sont inscrites dans une
politique de pérennisation dont le principal objectif était la
valorisation des talents et la contribution des Africains à l'art
photographique. Elle a combiné l'approche thématique avec une
exposition par pays qui mêle différents genres et styles. Elle a
souligné la nécessité de s'ouvrir vers de nouveaux
travaux, et d'aller chercher les photographes dans toute l'Afrique. C'est
à partir de ce moment-là qu'émerge, de la part des
organisateurs, une véritable réflexion esthétique,
philosophique et sociologique.
La quatrième édition, « Mémoire
intime d'un nouveau millénaire » du 15 octobre au 15 novembre 2001
fait office de rupture avec les trois précédentes, dans la mesure
où elle est devenue non plus une fête élitiste mais une
fête populaire et démocratique, placée dans la rue.
Cependant, elle est restée en accord avec l'idéologie des
Rencontres, dans le sens où elle s'est obstinée à
révéler des talents. La problématique dominante de cette
édition a été de montrer
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ces créateurs africains à la lisière du
siècle finissant et du siècle naissant, qui ont
révélé leur regard sur l'Afrique des catastrophes, des
famines, des guerres fratricides et des crises économiques. Les
photographes se sont aussi tournés vers les joies et les espoirs d'une
Afrique en pleine mutation. C'est aussi à ce moment-là
qu'apparaît la dimension internationale et mondiale des Rencontres.
Du 20 octobre au 20 novembre 2003, la cinquième
édition a été consacrée aux « Rites
sacrés, rites profanes » tandis que la sixième
édition s'est développée autour du thème « un
autre monde » du 10 novembre au 10 décembre 2005. Ces deux
Rencontres font le point sur le passé, le présent et l'avenir en
inscrivant les photographes dans une logique de création contemporaine.
À partir de là, on peut dire que les Rencontres sont mondialement
connues, et sont passées à l'âge de raison. Les
problématiques s'inscrivent non plus autour de l'Afrique en particulier
mais elles sont universelles et touchent tous les pays et les artistes.
C'est pourquoi, les septièmes Rencontres ont
été, pour les photographes, l'occasion de porter leur regard sur
la configuration spatiale de la ville et ses relations avec les entités
périurbaines les plus diverses. Ils ont souligné les aspects
pertinents de cette problématique Ð certainement l'une des plus
préoccupantes de notre temps Ð et réalisé des images
séduisantes de ce paysage protéiforme. Expressions de talents
artistiques, ces représentations ont invité le visiteur à
s'interroger sur le sens des espaces et sur les relations dialectiques qu'ils
engendrent.
Au fil du temps, on voit apparaître une véritable
construction de ce que l'on peut nommer « l'identité des
photographies africaines ». Tandis que les premières
éditions souhaitaient faire le point sur le continent et mettre au jour
ces artistes inconnus du monde, le cheminement philosophique, artistique et
sociologique des organisateurs, est arrivé à extraire le meilleur
de la création contemporaine et à unifier ces créations
dans le but de les placer aux côtés des plus grands du monde. Ces
artistes sont aujourd'hui ouverts vers la création esthétique
contemporaine. La photographie africaine a cessé de se produire dans le
champ ethnologique et exotique pour s'inscrire pleinement dans le champ
contemporain.
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