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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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2. La position de la CEDH

Rappelant les diverses dispositions législatives, la CEDH cite aussi le rapport du Conseil de bioéthique de Nuffield: celui-ci soulignait non seulement la différence entre les échantillons et les profils, distinction déjà admise en 2oo69°° par la Cour (§69), mais se souciait aussi de l'utilisation grandissante des données génétiques à des fins de recherche familiale9O1 ou de détermination de l'appartenance ethnique du sujet, ce qui pourrait conduire à renforcer les conceptions racistes. La Cour a d'ailleurs pris en compte les observations du Conseil de Nuffield, selon lesquelles les politiques en vigueur ont conduit à une sur-représentation des jeunes personnes et des membres minorités ethniques, non condamnés, dans la base de données (§124).

La Cour a admis la validité du souci des requérants concernant « l'utilisation future possible de l'information privée détenue par les autorités » et considère que celui-ci est pertinent au regard de la détermination d'une ingérence effective vis-à-vis de la vie privée, notamment en raison des développements technologiques 071). La simple conservation des échantillons cellulaires constitue une ingérence en raison de la quantité et de la nature de l'information personnelle qui y est contenue, et qui implique non seulement le sujet mais aussi sa famille (§72-73).

Les profils ADN eux-mêmes constituent des « données personnelles uniques », qui peuvent être utilisés dans le cadre de recherches familiales et qui peuvent aussi être utilisés à des fins de détermination de l'appartenance ethnique, ce qui les rend d'autant plus « sensibles ». Pour cette raison, leur simple conservation constitue aussi une ingérence vis-à-vis de la vie privée (§75-76).

9O° CEDH (2006), Van der Velden c. Pays-Bas, n°29514/05

9O1 La recherche familiale consiste à comparer un profil génétique obtenu d'une scène de crime avec les profils enregistrés sur la base de données et de les ranger par ordre de degré d'adéquation, ce qui permet éventuellement d'affirmer que tel échantillon recueilli sur une scène de crime provient non pas de la personne fichée, mais d'un membre de sa famille (cela a par exemple permis de retrouver et de condamner Craig Harman; cf. « Killer caught by relative's DNA », BBC, 19 avril 2004, http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk news/england/364o199.stm ). Depuis 2005, la police britannique aurait utilisée à 7 o reprises cette technique de recherche, menant à 18 identifications et à 13 condamnations; le taux de succès est estimé à 10% (cf. Rosen, Jeffrey, professeur de droit à l'Univ. de George Washington, « Genetic Surveillance for All », Slate, 17 mars 2009). Le procédé commence à être mis en oeuvre, de manière controversée, aux Etats-Unis, où l'application californienne de la base fédérale de Codis (qui classe les résultats en catégories raciales -- au R-U., les échantillons sont classés selon des critères d' « apparence ethnique ») est la première base de données génétiques du monde, en vertu de la Proposition 69 (Rosen, J., 2009, art.cit.).

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 323

Au sujet des empreintes digitales, la Cour note qu'elles constituent des données personnelles à l'instar de photographies ou d'échantillons vocaux (§8i). La conservation de celles-ci constitue aussi « une ingérence au droit au respect à la vie privée » (§86).

Cependant, la Cour admet la légitimité de la conservation des empreintes digitales et d'information génétique prélevées à l'occasion d'une enquête judiciaire et conservées à des fins ultérieures de prévention des crimes (§ioo). Elle note que « l'intérêt légitime à la prévention du crime peut l'emporter sur l'intérêt des sujets [data subjects] et de la communauté dans son ensemble à protéger les données personnelles » (§1o4). Mais le « caractère intrinsèquement privé » de cette information (en particulier des empreintes digitales et des échantillons génétiques) exige de la Cour qu'elle examine attentivement les dispositions étatiques autorisant leur conservation et leur usage sans le consentement des sujets (§1o4).

La Cour ne remet pas en cause l'utilité de l'usage de ces techniques modernes, admises depuis longtemps, mais se contente d'examiner si la rétention des données personnelles en question, provenant de personnes qui ont été soupçonnées mais non condamnées d'infractions criminelles, est justifiée selon les termes de l'art. 8 (§io6). Or « l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord sont les seules juridictions au sein du Conseil de l'Europe autorisant la conservation sans limites des empreintes digitales et de matériel génétique de toute personne de n'importe quel âge soupçonné d'une infraction» (§iio), y compris d'infractions mineures ou qui ne sont pas passibles de prison (§119). Bien que le Royaume-Uni se dise à « l'avant-guarde » concernant l'usage de ces technologies, la Cour « observe que la protection accordée par l'art. 8 (...) serait affaiblie de façon inacceptable si l'utilisation de techniques scientifiques modernes dans le système judiciaire pénal était autorisée à n'importe quel coût (...) tout Etat prétendant à un rôle pionnier dans le développement des nouvelles technologies porte une responsabilité spécifique (...) à cet égard » (§112).

La Cour prêta particulièrement attention au caractère non-discriminé de la conservation des données, et du « risque de stigmatisation » venant du fait que des personnes non condamnées et ayant droit à la présomption d'innocence soient traités de façon identique à des personnes condamnées : « Il est vrai que la conservation des

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données privées des requérants ne peut être considérée comme équivalente au fait d'émettre des soupçons. Néanmoins, leur perception selon laquelle ils ne sont pas traités comme des innocents est renforcée par le fait que leurs données sont conservées indéfiniment, de la même façon que les données des personnes condamnées, alors la destruction des données de ceux qui n'ont jamais été soupçonnés d'une infraction est requise » (§122).

En conclusion, la Cour considère que la conservation non discriminée des empreintes digitales, des échantillons cellulaires et des profils ADN de personnes soupçonnées mais non condamnées constitue une « ingérence disproportionnée » à l'égard du droit à la vie privée et « ne peut être regardée comme nécessaire dans une société démocratique » 0125). Jugeant que cette conservation violait l'art. 8, « la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément la plainte des requérants sous l'art. 14 » (principe de non-discrimination), pas plus qu'il n'est nécessaire d'examiner la question de l'accès étendu aux données.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 325

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon