Conclusion du chapitre
L'idée maîtresse qui l'anime et qui fonde la
théologie de Bernard Häring est que l'homme évolue, change
avec le temps. Et puisque la loi est au service de l'homme, celle-ci doit
obéir au même principe. Par conséquent la théologie
doit être incertaine, flexible et renouvelable selon les époques,
les cultures, les besoins et les situations. En effet, selon Häring, le
monde actuel vit une situation nouvelle. Nous avons acquis, une nouvelle
conscience, de nouveaux schèmes de pensée, un vocabulaire nouveau
et nous vivons dans un contexte historique nouveau. A cette mentalité
totalement neuve correspond un nouveau type de personne. L'esprit humain a une
physionomie nouvelle, et ce changement se poursuivra, que nous le voulions ou
non.
Häring préconise donc un personnalisme qui se
veut existentialiste, car la morale doit cesser d'être une pure
abstraction, un système exsangue d'impératifs, amas de lois et de
préceptes pour devenir une affaire d'amour en échange de l'amour,
une réponse à l'appel individuel du Dieu vivant, entendu que
cette réponse s'étend à la vie toute entière . La
morale doit se rapporter au bien de la personne vivant dans une
communauté et engagée dans des relations humaines. Seul
l'existentialisme lui permet de répondre à ce besoin
d'actualisation et de personnalisation de la norme morale.
Et pour sortir la morale de cette perspective statique et
embrasser la perspective dynamique qu'il propose, Häring, reprenant saint
Alphonse de Liguori, propose d'appliquer la loi de l'épikie
(équité) non seulement aux lois humaines positives, mais aussi
aux formulations de la loi naturelle.
Il va ainsi, dans son système éthique, accorder
une place prépondérante à la conscience. Selon lui, c'est
la reconnaissance du primat de la conscience créative du sujet, qui
détermine un chemin de croissance. C'est la conscience qui, en fin des
comptes, décide de l'attitude à adopter selon les
capacités de chacun. Ensuite, selon nos capacités et les
circonstances particulières, nous adaptons nos pensées à
ce que Dieu a préparé pour nous, et nous agissons, nous
avançons suivant cette ligne.
Au-delà de cette problématique, de la
moralité des actes, une question surgit : peut-on parler
aujourd'hui des actes intrinsèquement mauvais ? Si oui,
comment ?
CHAPITRE
QUATRIEME :
LA MORALITE DES ACTES
INTRINSEQUES : ACTUALITE DE LA QUESTION ET ESSAI DE CONTEXTUALISATION
IV. 0. Introduction
Sous l'effet de multiples facteurs : sécularisation,
subjectivation, évolution rapide des moeurs, etc., la morale catholique
se trouve aujourd'hui mise en question dans ses fondements. Au centre des
débats se situe, entre autres, la question des actes
intrinsèquement mauvais, c'est-à-dire des actes mauvais en soi et
qu'on ne peut jamais poser quels que soient le temps, le lieu, les cultures et
les circonstances. Selon cette théorie, de tels actes constitueraient un
désordre objectivement indigne de la personne humaine parce
qu'opposés au vrai bien de l'homme. On se demande alors, existe-t-il des
actes intrinsèquement mauvais aujourd'hui? Dans certaines circonstances
particulières, les lois morales ne peuvent-elles pas souffrir
d'exception pour laisser à la conscience personnelle la liberté
de juger ? Une loi morale peut-elle jouir d'une objectivité telle
qu'elle s'impose absolument malgré les circonstances subjectives ? il
sera question pour nous d'établir, dans ce troisième chapitre,
un équilibre fructueux - au traitement des actes intrinsèquement
mauvais - entre subjectivité et objectivité, particularité
et universalité, relativité et absolu, liberté et loi,
théonomie et autonomie, foi et raison, grâce et mal,
immutabilité et mutabilité, écriture et éthique.
Les corrélations ainsi établies nous permettrons de contribuer au
débat sur notre sujet d'étude.
Ce faisant nous allons nous allons replacer la question des
actes intrinsèquement mauvais dans le contexte général de
la théologie morale et l'examiner sur base de la situation actuelle
comme l'un des éléments qui caractérise la perte du sens
du péché typique de notre société contemporaine.
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