La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring( Télécharger le fichier original )par Daniel KIMBMBA KAHYA Université catholique du Congo - Licence 2012 |
III.3.3. La réciprocité de consciences : l'interpellation de l'autreAux côtés de la créativité et de la fidélité, nous pouvons dire que la réciprocité est la marque distinctive de la théologie de la conscience morale de Bernhard Häring. « Il est certain, dit le théologien, que la conscience signifie aussi autoréflexion, conscience de soi, vivre en paix avec soi, faire l'expérience de sa plénitude croissante en totalité, ou de ce qui la menace. Mais une conscience de soi et une autoréflexion authentiques ne sont pas possibles existentiellement sans l'expérience de la rencontre avec l'autre. »313(*) Cette rencontre avec l'autre favorise l'accès de la personne à son identité et à son intégrité, ce qui a lieu quand deux perspectives différentes issues de deux histoires distinctes se rejoignent et entrent en dialogue. Le respect envers la singularité de chacune de ces histoires ou de ces personnes et la fidélité à l'être de l'autre qui se révèle renforce la confiance personnelle et permet à chacun de libérer sa vérité la plus profonde. Le respect de soi et le respect de l'autre se renforcent et le surmoi qui, comme les masques des tragédies, impose toujours la monotonie des rôles répétitifs et sans liberté, peut être dépassé en faisant place à la liberté et à la fidélité créative. Mais la réciprocité de consciences ne s'arrête pas à cette expérience d'auto connaissance et d'autorévélation qui s'impliquent mutuellement. Il semble que Bernhard Häring y voit le cadre privilégié pour la pédagogie d'une conscience morale mûre et saine. Dans la théologie de Häring, la réciprocité des consciences occupe la place de ce qu'une partie non négligeable de la théologie morale attribuait à la loi. Il est clair que pour lui la loi et les normes continuent à être une dimension très importante dans la vie morale. Cependant, la conscience « reçoit moins de lumière et moins d'encouragement de lois abstraites qu'elle n'en reçoit d'une personne exemplaire qui vit vraiment sous l'autorité de sa conscience et respecte totalement la conscience des autres.»314(*) Quand l'auteur parle de réciprocité et donc de formation de la conscience morale, il envisage un large horizon de relations et un processus continu. Il se réfère aux relations entre parents et enfants et entre éducateurs et disciples, entre ceux qui, dans l'Église, ont la charge de l'enseignement, les théologiens et la hiérarchie ainsi que tout le peuple de Dieu.315(*) Mais le cadre ne se restreint pas à cela. Toute relation authentiquement humaine, c'est-à-dire vécue dans la liberté, est potentiellement un moment privilégié pour que la conscience mûrisse progressivement et devienne capable de bien juger. La formation de la conscience est un projet pour toute la vie, elle ne s'arrête jamais. En ce qui concerne le processus de formation de la conscience spécifiquement chrétienne, Bernhard Häring ajoute que « toute éducation chrétienne devrait être, d'une certaine manière, une formation de la conscience post baptismale, [car] nous devrions voir ce que nous avons reçu dans le baptême et de quelle manière nous pouvons porter du fruit comme membres du corps du Christ. »316(*) Pour Häring, la conscience morale ne se résume pas à une des facultés de l'être humain. Elle ne fait pas partie de l'intelligence rationnelle seule. Elle n'est pas non plus simple expression de la volonté ou encore de l'affectivité de l'homme. Elle est plutôt notre dynamisme d'articulation le plus profond. La conscience est le garant de l'unité entre les diverses attitudes et moments de notre histoire ; elle les articule sur l'axe de toute la vie morale qu'est l'option fondamentale. Pour exercer cette fonction dynamique, la conscience morale ne peut vivre et émettre ses jugements de manière authentique si elle ne le fait pas de manière créative et fidèle. La conscience doit être créative dans la mesure où l'aspect inédit des circonstances de la vie exige toujours des réponses appropriées. Aucun code ne peut prévoir l'infinité de circonstances. Il revient à la conscience d'y trouver la meilleure réponse. La conscience doit être fidèle parce que, dans la poursuite de la vérité dans chacun de ses jugements, elle cherche une harmonie personnelle qui prenne en compte raison, volonté, affectivité dans le moment présent, mais avec le regard orienté vers l'histoire personnelle considérée comme un ensemble où se dessine l'option fondamentale comme diapason pour chaque choix particulier. * 313 Cfr. Ibid., p. 307. * 314 Ibid., p. 330. * 315 Ibid., p. 333. * 316 Ibid., p. 294. |
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