1.3-Les interactions à distance : la
socialisation dans la construction des connaissances
De nombreux philosophes du langage considèrent
l'utilisation de la langue comme une coaction sous contrainte relationnelle. En
d'autres mots, « on dit donc on agit » et puisqu'on a (ou cherche) un
interlocuteur, on dit « à quelqu'un » donc on « agit avec
quelqu'un » et on construit un contexte d'interaction. D'autre part,
l'interaction sociale, vue comme un facteur d'apprentissage (individuel pour
certains auteurs et surtout collectif pour d'autres théoriciens), sert
à la réalisation d'une tâche (même non
langagière). Dans le cas de l'apprentissage d'une langue
étrangère, l'interaction sert à la réalisation
d'une tâche en langue cible. D'ailleurs, dans une situation
d'enseignement-apprentissage d'une langue, les échanges entre les
acteurs impliqués peuvent être considérés comme une
fin en soi car ces échanges véhiculent la pratique et la
manipulation de la langue cible.
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Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
La communication entre apprenants dans une FAD naît avec
l'apparition des réseaux locaux, les étudiants se trouvant alors
dans la même salle d'ordinateurs. A partir du moment où les
réseaux locaux ont été remplacés par Internet
(réseau mondial) dans les années 1990, le développement
d'outils de communication numérique (courriel, forum de discussion,
chat, visioconférence, audioconférence, etc.) a permis une
interaction plus rapide entre les acteurs d'une formation à distance :
tuteur-apprenants, apprenante-apprenants. L'interaction qu'Internet
véhicule est davantage écrite. Dans un dispositif de formation
présentiel réduit, comme c'est le cas du contexte analysé
dans ce travail, la plupart des interactions se font à distance,
fondamentalement par écrit, par le biais d'outils de communication
numérique et en langue étrangère, même si pour des
raisons pédagogiques ou ergonomiques le recours à la langue
première est récurrent et admis. C'est la présence d'un
tuteur qui permet de veiller, d'assurer que l'interaction se déroule
autant que possible en langue étrangère dans le cadre d'une FOAD.
En fait, les interventions du tuteur servent de modèle à
être imité par les apprenants, qui apprennent par observation.
Mais la gestion des interactions en ligne (majoritairement
écrites) constitue un défi pour les tuteurs car elle est d'autant
plus problématique que les participants n'ont aucun contact
présentiel. Il existe au départ un déficit socio-affectif
qu'il va falloir compenser, à savoir que le tuteur devra estomper.
D'ailleurs, nous constatons que la simple mise à disposition d'outils de
communication n'amène pas les étudiants à échanger
entre eux, par conséquent le tuteur ne peut pas se contenter d'attendre
tout simplement que les interactions se produisent pour intervenir ou
répondre, il devra donc inciter les apprenants à le faire, il
devra provoquer ces interactions.
1.3.1- Les outils véhiculant les interactions dans
une formation à distance
Les moyens/outils de communication en ligne les plus
habituellement fournis par les dispositifs/environnement numériques
destinés à assister le travail collectif sont : mail, blog, chat,
forum, wiki, sites de partage, etc. Ils permettent des échanges
accordant une place plus importante à l'écrit et fondamentalement
asynchrones. Grâce à ces outils, la distance temporelle et
géographique qui sépare les apprenants impliqués dans une
formation à distance pourrait devenir un avantage : les apprenants
prennent davantage de la distance par rapport à leur apprentissage.
« Le temps de l'apprentissage n'est pas le temps des
technologies, ce n'est pas l'immédiateté [...]. On apprend quand
on est capable d'exprimer des choses, de confronter ses idées, de
revenir sur une opinion. Autrement dit de réfléchir. Et Internet,
justement, permet de ralentir ce temps de l'apprentissage. »
(Bruillard, 2003).
La plateforme Moodle, environnement numérique qui
supporte le cours de FLE de notre dispositif de formation permet l'utilisation
de blogs, chat, courriel et de forums. Nous verrons par la suite les
caractéristiques, les avantages et les inconvénients propres
à chacun de ces outils, ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont
été soit priorisés, soit négligés par les
concepteurs du cours d'abord et par les tuteurs ensuite.
? Chats:
Ersatz par excellence de l'interaction synchrone avec le
tuteur et les autres apprenants, certains théoriciens émettent
l'hypothèse que le chat se révèle un bon outil au service
du développement des compétences de production/
communication
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Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
orale. Animer un chat implique pour le tuteur la
préparation d'une discussion synchrone qui sera d'autant plus importante
que durera l'échange (de 30 min à 1h en fonction du nombre de
participants).
Dans le cadre du dispositif présentiel réduit
que je prétends analyser, le chat n'a pas été prévu
comme moyen d'interaction à cause de la lenteur et la mauvaise connexion
qui caractérisent le service d'Internet, dont disposent les apprenants
inscrits. D'ailleurs, le fait d'avoir un accès restreint (question de
permissions, de quotas de temps, de lignes téléphoniques et
d'ordinateurs partagés, etc.) a rendu impensable le fait de se donner
rendez-vous sur un chat, de coïncider en ligne.
? Blogs:
Le blog permet de développer des pratiques
collaboratives et de co-construction à l'intérieur d'espaces
éducatifs toujours plus vastes, ce qui rend la tâche plus visible
et met en valeur les productions des apprenants. Il inscrit le travail des
enseignants et des apprenants dans une logique possible de conception, de
développement et de collaboration dans et hors de la classe. L'apprenant
peut ainsi partager ses travaux avec son entourage ce qui peut participer
à donner une image positive d'un tel apprentissage et le
pérenniser. D'ailleurs, le blog permet aussi une intervention (en
classe) de locuteurs de langue première de la langue cible du cours.
Cette communication authentique respecte néanmoins le rythme des jeunes
apprenants car asynchrone. L'utilisation d'un blog en classe de FLE ne
nécessite pas d'équipement et de connaissance informatiques
d'envergure et est transposable à la plupart des cadres
pédagogiques.
Je ne connais pas les raisons exactes qui conduit les premiers
concepteurs du cours à ne pas concevoir/ mettre en oeuvre le blog comme
outil de partage. Je me permets de penser qu'ils ont peut-être
laissé cette incitative aux tuteurs, ou à des phases secondaires
de l'implémentation du dispositif. Outres les raisons techniques
déjà mentionnées, la méconnaissance de l'outil
informatique en général par les personnes censées
manipuler la plateforme, utiliser le cours ultérieurement (apprenants et
tuteurs), ainsi que l'appropriation encore insuffisante de l'environnement
numérique sont-elles de possibles réponses.
? Le forum comme outil pédagogique
Un forum, d'après Mangenot (2004), est un «
Service permettant l'échange et la discussion sur un thème
donné : chaque utilisateur peut lire à tout moment les
interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme
d'articles». Le forum constitue un outil unique, notamment pour la
formation à distance, grâce à quatre particularités
(qui ont été résumées par Mangenot): c'est un
espace écrit, asynchrone, public et structuré. Je
considère à la suite de Mangenot (2004), que dans une situation
de formation à distance,
« ce qui est posté sur le forum est
considéré par les participants comme faisant partie de la
connaissance du groupe : il y a
une volonté de ne pas se répéter,
donc -peut-être de façon non consciente- de constituer un objet
collectif harmonieux, « peu à
peu les discours se font moins distants, plus personnels,
le groupe se rapproche ».
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