CHAPITRE 5 L'EVALUATION DES EFFETS ET IMPACTS DES
ACTIVITES DE MISE EN CONTACT POUR L'OBTENTION DES CREDITS.
L'obtention du crédit rentre dans le cadre du
renforcement du capital et de la trésorerie des ménages. Les
actions de mise en contact pour l'obtention du crédit visaient à
pallier sept types de contraintes. Ces dernières étaient
liées aux productions agricoles, à l'acquisition des facteurs de
production, à l'amélioration des structures de l'exploitation,
à la trésorerie des individus et des ménages ainsi
qu'à la qualité de vie. Ces contraintes étaient :
- le manque de financement des activités agricoles ;
- l'insuffisance des productions agricoles,
- l'absence de financement des micro-projets individuels et/ou
collectifs ;
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- la faiblesse de la trésorerie des ménages et des
individus ;
- la faiblesse des revenus agricoles générés
;
- la difficulté d'accès aux premiers facteurs
(biens et services) de production agricole ;
- la mauvaise structure des exploitations agricoles.
En effet, le niveau du capital d'exploitation est un
élément discriminant entre systèmes de production. Sa
manifestation la plus visible est l'acquisition d'animaux de trait, de
matériels agricoles, et d'infrastructures de production. L'acquisition
d'animaux d'embouche est également un processus de capitalisation,
jouant parfois le rôle d'épargne surtout en ce qui concerne
l'élevage des petits ruminants pratiqué par les femmes.
Par conséquent, les crédits octroyés aux
organisations communautaires étaient généralement
destinés à l'achat et la commercialisation des produits
agricoles, l'embouche, le petit commerce tel que la vente d'huile d'arachide.
Les bénéficiaires des crédits étaient
essentiellement des chefs de ménages au nombre de 5449 personnes dont
35% de femmes en mars 199814.
Dans quelques rares cas, ces crédits avaient eu des
effets positifs au sein des communautés villageoises. Nous pouvons citer
le cas du village de Garin Tanko où les femmes continuent à tirer
profit des crédits reçus depuis 1999, à travers un
groupement de commercialisation d'arachide et d'huile d'arachide. Ces produits
sont même exportés vers le Nigeria et le Burkina Faso. Le
témoignage de Indo Ali de Garin Tanko est assez illustratif :
« Il y avait quelques années même nos proches
voisins ne connaissaient pas notre village. Mais
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grâce à l'intervention de Care, ce dernier est
devenu célèbre suite à la vente d'arachide et de
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son huile. Des véhicules venaient du Nigeria et du Burkina
Faso pour se ravitailler en ces
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produits. Nous ravitaillons en plus de la ville de Maradi, plus
de 16 villages. Care nous a laissé
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un héritage que même nos petits-enfants tireront
profit s'ils en prennent soin. Nous remercions
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infiniment l'ONG care et ses dirigeants».
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Hadjia Rabi, une autre femme qui était
partie à la Mecque grâce à la commercialisation de ce
produit affirme que :
« La banque de stockage de l'arachide est la
fierté de notre village. C'est la première chose que
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nous montrons aux visiteurs des qu'ils rentrent dans ce
village. Nous vendons de l'arachide à
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plus de 15 communautés, ce qui a suscité
l'intérêt des autres villages pour la
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commercialisation de ce produit. »
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Mais il convient de souligner que ces cas sont exceptionnels
car les crédits octroyés aux communautés villageoises
avaient suscité plus de désagréments que d'avantages.
Ces
14 Source rapport d'évaluation interne, octobre
1998.
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désagréments ont été
constatés dans 52% des villages enquêtés ayant obtenu des
crédits suite à la mise en contact effectuée par Care.
Ces crédits ont eu plutôt des
répercussions négatives dans plusieurs villages dont entre autres
Garin Koutoubou, Guidan Ara, Guidan Kata et Guidan Aché. C'est dans ce
cadre que Hamza Illo un chef de ménage de Guidan Kata affirme :
« Quand j'ai contracté la dette pour l'achat
d'engrais, je ne pensais pas qu'un jour j'allais la rembourser par la pire des
manières. Je m'étais dit que c'était l'argent de Care que
j'avais pris. Or
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Care c'est l'Etat et l'Etat ce n'est personne.
Malheureusement pour éviter la honte, j'ai dû vendre mon champ qui
était mon unique moyen de survie. Je vous assure que même mon
petit fils ne contractera pas de dette auprès d'une institution
étrangère ».
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Dans le village de Garin Koutoubou, où la plupart des
paysans n'avaient pas pu rembourser les crédits, la situation s'est
soldée par leur interpellation à la justice, la confiscation et
la vente de leurs animaux et champs pour restituer les sommes
empruntées. C'est dans ce cadre que Moussa Kalla du village de Garin
Koutoubou témoigne :
« Les crédits ne nous avaient apporté que
des problèmes. Nous avons connu trois années
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successives de mauvaises récoltes, ceci a eu pour
conséquence le non-remboursement de nos
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emprunts. D'ailleurs, rares étaient les chefs de
ménages qui s'étaient acquitté de leurs dettes
sans
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trop de peines. Certains avaient bradé leurs
récoltes et même leurs champs pour éviter la prison
et
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d'autres avaient fuit le village laissant derrière
eux, femmes et enfants.
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Dans ce même village de Garin Koutoubou, la gestion des
crédits a suscité de sérieux conflits sociaux. C'est dans
ce contexte que monsieur Chaïbou directeur de l'école du village
s'est adressé à l'équipe de l'évaluation en ces
termes :
« La gestion des crédits a provoqué une
division sans précédent dans ce village. Cette division s'est
traduite par la révolte de certains individus et l'auto proclamation
d'un second chef de village qui se prétend défenseur des
«opprimés». Par conséquent, il existe actuellement deux
chefs de village et je vous conseille de prendre contact avec les deux si vous
voulez bien tenir la réunion communautaire. Choisissez également
comme lieu de rencontre l'arbre là-bas qui constitue la zone
«neutre» pour marquer votre impartialité. »
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Les activités de mise en contact pour l'obtention de
crédit n'ont pas été pérennes suite au
non-remboursement des emprunts et aux prêches des marabouts qui
invitaient les bénéficiaires à ne pas contracter des
dettes avec paiement d'intérêt car cela est contraire aux
principes de l'islam (cas du village de Guidan Ara).
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Les principales causes de non-remboursement de crédit
relevées dans la plupart des communautés étaient
essentiellement, la mauvaise volonté appuyée par de faibles
récoltes suite à trois années successives de faible
pluviométrie (de l'année 2001 à 2003).
Recommandations
Compte tenu des répercussions négatives
qu'avaient portées les opérations de crédits sur les
conditions de vie des bénéficiaires, nous recommandons
l'arrêt systématique de toute opération d'octroi de
crédit aux paysans.
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