III-1-2- La production du bois de chauffe: danger
environnemental ou aubaine sociale ?
L'énergie constitue le principal facteur de pression
anthropique sur la végétation. Le bois de chauffe a toujours
été très exploité. Depuis une décennie,
l'essentiel de la production de bois provient des régions de kolda et
Tamba pour l'approvisionnement des autres centres urbains, d'où une
hausse vertigineuse de la production16. Les espèces les plus
concernées sont Pterocarpus erinaceus, Cordyla pinnata, Afzelia
africana, Bombax costatum, Khaya senegalensis, etc. L'exploitation est
libéralisée par l'Etat afin que le bois mort puisse être
bénéfique aux populations locales au lieu que les feux de brousse
s'en emparent.
A Koussanar, c'est dans cette optique que les populations
locales (avec une majorité de femmes) s'adonnent à ce
métier de commercialisation du bois. Il existe une règlementation
qui interdit l'utilisation du bois dont le diamètre est supérieur
à 15cm car au delà c'est du bois d'artisanat. Cependant, le
problème reste entier dans la mesure où le respect de ce principe
est difficilement contrôlable: ce travail nécessite un minimum de
moyens financiers (obtention du permis, rémunération de la main
d'oeuvre, paiement du transport). Les exploitations clandestines
destinées soit au marché local, ou à l'extérieur ne
sont pas faciles à cerner. Ce désormais métier participe
de façon notoire à l'économie rurale. Qui plus est, pour
certains exploitants et d'autres responsables, le respect de ce principe
anéantirait les revenus issus de cette activité au moment
où la lutte contre la pauvreté est au centre du débat
international.
16 Convention Cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques, Communication du Sénégal, 1999
A l'image du charbon, ce sont de gros porteurs qui transportent
le bois (voir figure 11) Figure 11: Photo d'un camion chargé de
bois de chauffe en direction de Diourbel
Photo prise le 08 novembre 2006
On enregistre en moyenne quinze camions de bois par mois
sortant de la zone. Les personnes qui s'adonnent à l'exploitation du
bois de chauffe sont assez nombreuses. Plus d'une cinquantaine interviennent
dans le secteur de Koussanar village et ses environs. L'activité
enregistre un dynamisme notable, surtout en saison pluvieuse. Ce bois est
observable le long de la route nationale 1 qui traverse Koussanar et à
l'intérieur des villages (voir figure 12). Il est issu de la coupe de
troncs d'arbres comme Cordyla pinnata (voir figure 12) et pterocarpus
erinaceus.
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Figure 12 : Photos : bois de chauffe et coupe du tronc
de Cordyla pinnata (pour le bois de chauffe ou
d'artisanat)
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Photo prises le 13 août 2006 à
Koussanar
Cette figure illustre une forme d'attaque très intense
dont le couvert végétal fait l'objet.
Aujourd'hui (hivernage 2006), un arrêté
interdisant l'exploitation du bois a été pris par le
ministère de l'environnement à la suite de la dégradation
notée et du non respect de la règlementation. Les
intéressés ont du mal à accepter cette décision
car, déclare Ndao S., une exploitante très connue dans la
zone:
« je m'adonne à cette activité depuis
plus de six ans. Nous tirons nos ressources de ce métier. Son blocage a
fait que nous ne sommes plus en mesure de rembourser les crédits que
nous avons contractés et les permis qui nous ont été
antérieurement délivrés par la brigade forestière.
Chaque mois, près d'une vingtaine de camions chargés de bois
partaient pour les centres de Diourbel, Kaffrine et autres destinations du
pays. Nous réalisions des bénéfices individuels de 40 000
à 50 000 CFA par voyage. Cette mesure nous pénalise
énormément et nous comptons nous y opposer par la création
d'un G.I.E qui nous permettrait de devenir plus légitimes et d'obtenir
gain de cause. »
C'est dire que le bois de chauffe est très
exploité ; il fait vivre un nombre important de familles. Plusieurs
réalisations ont été faites dans les villages grâce
à cette activité.
L'exploitation forestière se résume dans les
tableaux et la figure suivants:
Tableau 4 : Rapport annuel couvrant la période
2005 de l'exploitation forestière
charbon QT
|
29080
|
bois cordyla (stères)
|
600
|
bois pterocarpus
|
60
|
bois chauffe
|
16284
|
gomme stercula kg
|
385695
|
Ecorces diverses kg
|
4610
|
Source : Sous secteur eaux forêts de
Koussanar
En 2005, l'exploitation forestière a touché un
nombre non négligeable de troncs de Cordyla et moins de
Pterocarpus. Mais c'est compte non tenu des actions informelles.
Notons aussi que le bois de chauffe dissimule en son sein un nombre important
de troncs d'espèces interdites d'exploitation pour ces besoins. Il en
est de même pour le bois morts rangé le plus souvent dans la
catégorie du bois de chauffe. Il est très sollicité (voir
tableau 5).
Tableau 5 : quantité de bois mort (en
stères) de 1994 à 2001
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
18124
|
19585
|
25450
|
26410
|
30179
|
ND
|
ND
|
36376
|
Source : Sous secteur eaux et forêts
La quantité de bois mort exploitée enregistre
une augmentation vertigineuse. De 18124 stères en 1994, elle est
passée à 36376 en 2001. Comme complément du tableau 4, la
figure13 nous donne un aperçu plus parlant du bois exploité en
2005 par nature.
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Figure 13 : Bois exploité en 2005 par nature : bois de
chauffe et bois d'artisanat (pterocarpus et Cordyla)
bois produit en 2005 par nature
Bois Cordyla; 4%
Bois Cordyla; 1%
Bois Cordyla; 95%
Source: Données sous secteur eaux et
forêts de Koussanar
Ce graphique montre que 95% du bois est celui de chauffe mais
à l'intérieur de ce dernier setrouve une quantité
inestimée de stères de Cordyla pinnata et de
Pterocarpus erinaceus
En définitive, cumulée avec les effets de toutes
les activités rurales étudiées précédemment,
les impacts sur le patrimoine ligneux sont réels. Ces données ne
prennent pas en compte les exploitations clandestines et informelles. La
gestion des forêts est très complexe car les enjeux qui lui sont
attachés sont nombreux.
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